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Les grandes figures de l'unité française
Rassembler … quel « hôte de service » des discours de candidats et d’élus en quête de dynamique ressemble le plus à une chimère ? A peine croît-on en apercevoir la silhouette qu’elle s’effondre sous le rabot des réalités ; particulièrement en France. A l’heure des inquiétudes soulevées par l’urgence environnementale et les crises à répétition, qui s’éparpillent dans une mosaïque de questionnements sur les acquis sociaux, la désindustrialisation, la souveraineté, etc., la France paraît en quête d’un nouveau récit fédérateur et figée dans l’attente de ce grand absent, la « personnalité providentielle ».
Parfois sourd un appel à la concorde patriotique, au sursaut national. Avec quels leviers ? Ces appels sonnent creux. Beaucoup cherchent, parfois quelqu’un s’écrie « Regardez, il est là, le ressort ! » Enfoui au tréfonds de la devise républicaine, caché dans le mille-feuilles des principes, des antiennes, du vivre ensemble. Rien n’y fait. La France reste en panne de devenir.
Sait-on dire ce qu’est la France ? En posant cette question, on s’attaquer à la racine et on met un pied sur la vaste fondrière creusée par de calamiteuses tentatives de récupération politique et des entreprises de déconstruction féroces. Notre camarade Flavien Dupuis saute le pas hardiment au début de son ouvrage « Les grandes figures de l’unité française ». Prudent, il prend la posture modeste d’un « quidam » souhaitant prendre part à un débat citoyen nécessaire . On ne peut que souscrire à l’intention mais, cette précaution oratoire étant prise, la difficulté reste entière : pas de débat authentique sans support, pas d’étai sans éclairage. Flavien nous fait remarquer que la France n’est pas née d’un serment ou traité, d’un héros, d’une vision, geste épique ou révolutionnaire, contrairement peut-être à quelques voisins. Quand bien même ce serait le cas ou même qu’elle serait un peu de tout cela à la fois vu son grand âge, cela n’est pas essentiel : aucune image d’Epinal ne répondra à la question.
Mais il faut entrevoir les maillons puissants laissés au fil des siècles ! Certains sont profondément ancrés : sous l’église se trouvait une chapelle, puis une cabane … la déterrer fragiliserait l’édifice. Flavien nomme six d’entre eux, à ses yeux de robustes outils du pouvoir, que je cite avec son accord : l’Etat, le droit, la langue française, la république, la guerre et l’espérance. Dans la foulée, il convoque six personnages historiques, chacun ayant illustré un de ces outils de manière remarquable, au creux d’une épreuve apparemment insurmontable de l’histoire nationale. Quel fil plus exigeant pour tester l’étoffe de l’unité de la France et les piliers de son rebond ? Et quel meilleur projecteur que celui du récit historique pour apercevoir la forêt de symboles et toucher du doigt les précieux maillons ?
Le « contrat de lecture » est exigeant : l’époque veut (à la benne, les symboles populaires) que le lecteur découvre seul les nœuds, déchirures et remaillages filés dans la trame de l’histoire. Est-il tenable, rentable ? Gageons que le lecteur trouvera plaisir à suivre la plume alerte et parfois truculente, riche de précisions et éléments de contexte solides et référencés, sans nous perdre ni être pesante, avec un objectif : cadrer les fameux ressorts de l’unité nationale sous les tension de l’adversité, des doutes et douleurs, dans leur jeu et en mouvement. Fi des fioritures : avant de figurer au panthéon de l’histoire, les personnes ont vécu leur vie avec ses parts d’ombre, essuyé des échecs cuisants dont les prémisses et les causes sont présentées pour mieux mettre en relief le rebond sur fond de combinaisons heureuses ou moins heureuses : le protagoniste, français à son époque animé de volonté et paré de sa consistance, des circonstances et d’autres personnages, plus ou moins adroits. Tel spécialiste noterait-il un déséquilibre quelque part ? Faisons crédit à l’auteur d’avoir rendu une proportion équitable entre les multiples aspects en jeu, pour permettre au lecteur de se représenter les leviers de l’unité nationale au fil de récits qui ne mégotent pas avec la complexité. C’est captivant.
Les dernières lignes renvoient au testament spirituel du « général-prophète », Charles de Gaulle : n’est-il pas au fond, « qu’en dépit des drames et des abaissements, il ne faut jamais désespérer de la France ? »
Frédéric Tatout, ICA