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Des marchés-sandwiches à trois étages particulièrement efficaces pour innover
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01 mars 2018

ACCÉLÉRER LA TRANSFORMATION DES INNOVATIONS EN APPLICATIONS DÉFENSE

DE NOUVELLES APPROCHES CONTRACTUELLES POUR PLUS DE RÉACTIVITÉ ET D’EFFICACITÉ

Comment trouver, au plus près des applications défense, des débouchés viables aux innovations qui sont bloquées dans les laboratoires de recherche ? Les nouvelles protections auriculaires du combattant (BANG), les futures technologies de détection et d’identification biologique et chimique (PI-ABC), et les greffes de peau pour les grands brûlés constituent trois exemples où la DGA relève ce défi en s’inspirant de la démarche britannique d’ITP (innovative technology partnership).


La DGA investit chaque année environ 100 millions d’euros dans l’innovation scientifique et technologique. En intégrant la recherche étatique subventionnée (ONERA, CNES, CEA, ISL, et SSA), ce sont au total plus de 300 projets, qui chaque année, produisent des résultats qui intéressent la défense. Des évaluations montrent qu’une part résiduelle de ces projets éprouve des difficultés à trouver des applications dans les systèmes d’armes. Ce constat est singulièrement marqué dans la défense biologique et chimique et dans le soutien médical aux opérations. Deux secteurs où l’innovation est particulièrement dynamique !

Le marché-sandwich à trois étages

Dans ce contexte, l’unité de management NBC s’est inspirée de la démarche britannique d’ITP pour construire des marchés d’études amont structurants qui assurent des débouchés défense aux innovations de son domaine.

Le principe consiste à organiser un contrat qui couvre toute la chaine de l’innovation, depuis la recherche jusqu’au prototype. Les activités scientifiques et technologiques à privilégier y sont sélectionnées conjointement entre l’administration et un maître d’œuvre. Le contrat est organisé sous la forme d’un sandwich à trois étages (voir schéma).

En dessus, pour l’horizon à court terme, les briques technologiques déjà validées en laboratoire sont rapidement intégrées dans un premier prototype proche de l’application. Au milieu, pour l’horizon à moyen terme, de nouvelles briques technologiques issues de la recherche sont validées individuellement en laboratoire (ces briques ont vocation à rejoindre une version suivante du démonstrateur). En bas, pour l’horizon à plus long terme, une veille est organisée sur la recherche du domaine. Elle identifie les résultats qui devront irriguer de futures briques technologiques. Un poste de management peut être envisagé pour demander au titulaire de proposer des recherches dans les différents dispositifs de soutien à l’innovation. Des primes forfaitaires peuvent être mises en place pour chaque recherche que le titulaire lance effectivement parmi celles convenues avec la DGA.

Cette approche permet de commander tout de suite ce qui est disponible pour un horizon temporel donné. Elle évite l’écueil fréquent qui conduit à commander des prestations qui dépendent des résultats d’une première étape du marché (ces prestations peuvent être contractualisées, le moment venu, dans un marché subséquent de même nature). En outre, le maître d’œuvre dispose d’une visibilité globale sur toute la chaine de l’innovation de son domaine. Il peut ainsi mieux accompagner et embarquer les innovations nécessaires ou utiles à ses systèmes.

Vingt années de recherche valorisées dans les protections auditives BANG

En 2015, les nouveaux algorithmes de la protection acoustique, issus de vingt ans de recherche au meilleur niveau mondial, restaient bloqués dans les ordinateurs de l’ISL. Pourtant, avec plus de 1 000 traumatismes sonores déclarés chaque année, l’exposition au bruit des armes constitue la première cause de traumatisme des combattants.

Dans ce contexte, la DGA a demandé à l’ISL de définir, avec un partenaire industriel de son choix, un programme de travail visant trois objectifs. En priorité, réaliser rapidement et valider sur le terrain un premier prototype de bouchons auriculaires de nouvelle génération (BANG). Parallèlement, valider en laboratoire de nouvelles briques technologiques capables d’améliorer une version suivante du prototype BANG. Enfin, poursuivre la veille scientifique et technologique du domaine. Un marché-sandwich à 3 étages a été négocié sur cette base.

Les trois natures d’exigences (primordiales, importantes et souhaitables) de la spécification technique ont été redéfinies. Sur les exigences primordiales, « le titulaire conçoit, développe et évalue les prototypes pour qu’ils répondent a minima aux exigences ». Sur les exigences importantes, « le titulaire évalue les performances des prototypes ; si le niveau d’exigence demandé n’est pas atteint, le titulaire réalise une étude où il reprend la définition des prototypes et où il propose les améliorations à apporter pour qu’ils répondent à terme a minima aux exigences ». Sur les exigences souhaitables, « le titulaire réalise une étude où il précise la faisabilité et le niveau d’exigence qui pourra être demandé à terme pour un futur système opérationnel. Il identifie les prestations nécessaires de recherche ». Ces redéfinitions ont permis à l’ISL de positionner très rapidement les fonctions à considérer pour chaque horizon temporel.

Pour les prototypes à court terme (exigences de résultats), les fonctions retenues ont été l’atténuation sur 3 modes (actif, passif et talk-through), la localisation de la source du son, la détection de fuite acoustique, la communication avec l’environnement, et l’impression 3D de l’oreillette. Pour l’horizon à moyen terme (exigences de moyens), les briques à évaluer individuellement en laboratoire ont été le microphone intra-auriculaire, la communication full-duplex, les interfaces aux moyens externes de communication, et la dosimétrie de bruit. Pour l’horizon à long terme, le programme de veille et de recherche a été précisé en incluant la surveillance de la température et du rythme cardiaque du porteur.

 

Au bilan, l’ISL s’est rapproché de la PME COTRAL, leader européen de la protection auditive professionnelle. Les prototypes ont été conçus, réalisés et testés en laboratoire en moins de 18 mois. Les comparaisons réalisées avec les produits étrangers positionnent déjà BANG parmi les meilleures solutions du marché. Des retours très positifs ont été obtenus lors de la présentation du prototype au Forum innovation DGA en 2016 puis au salon MILIPOL en 2017. Les essais terrain avec des représentants des forces armées auront lieu en 2018. Au titre des activités de veille, le programme d’amélioration des fonctions et des performances de BANG a été initié. COTRAL intégrera très prochainement, dans une seconde version de prototype, les briques technologiques qui ont été jugées matures en laboratoire.

Vers d’autres applications du marché-sandwich à trois étages

Les très bons résultats obtenus sur le marché BANG ont conduit l’Unité de management NBC à généraliser cette forme de marché à 3 étages.

La plate-forme d’intégration de technologies innovantes pour l’analyse biologique et chimique (PI-ABC) vient d’être notifiée sur cette base fin 2017 au groupement Thales Communications & Security et Bertin Technologies. Elle permettra de couvrir tous les besoins de développement de nouvelles technologies pour les futures chaines d’équipements dédiés à la détection et à l’identification biologique et chimique. PI-ABC s’adosse en particulier à des technologies issues du programme de recherche duale du CEA et des dispositifs de soutien à l’innovation de la DGA.

Une demande d’informations a été lancée fin 2017 concernant « la réalisation de prestations relatives aux méthodes, technologies, simulateurs numériques et moyens d’essais hybrides pour améliorer la prise en compte des nouveaux usages et des facteurs humains dans les systèmes d’armes ». Elle donnera lieu en 2018 à une procédure d’acquisition basée sur des marchés dits de « partenariat d’innovation », option jugée la plus adaptée pour mettre en œuvre les principes précédemment évoqués un contexte concurrentiel.

Enfin, en alternative à un marché public, un projet de programme structurant pour la compétitivité (PSPC) est en cours de construction. Il visera à faire aboutir une offre de soins pour les grands brûlés. Le projet VITAL (vascularisation et innervation de tissus cutanés après lésions) va notamment transférer des recherches du Centre de transfusion sanguine des armées vers un acteur industriel capable de produire des greffes de peau en quantité et en qualité. Le projet sera présenté à la BPI mi-2018. A noter que pour déposer un PSPC, il faut construire un programme de travail qui, lui-aussi, couvre toute la chaine de l’innovation d’un domaine.

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