Retour au numéro
L’accès à l’AIA s’insère dans les vignobles, une des plus importantes productions du département du Var
Vue 6 fois
14 octobre 2024

L’AIA DE CUERS-PIERREFEU, DEUXIÈME INDUSTRIEL DU VAR
UN INDUSTRIEL ATYPIQUE DANS SON ENVIRONNEMENT

Situé dans un département dont l’économie est d’abord tournée vers le tourisme et l’agriculture, l’atelier industriel aéronautique de Cuers-Pierrefeu (AIA CP), avec son activité industrielle de maintenance aéronautique militaire et son millier d’agents civils et militaires, fait un peu figure d’OVNI au milieu des vignes qui entourent son emprise. Une situation qui est à la fois un atout et un défi…


Une situation qui ne se définit que par des contrastes appuyés : telle est l’identité de l’AIA CP, petite unité de 1000 personnes dans le département le plus militaire de France, le Var (32 000 agents du ministère des armées), mais aussi deuxième industriel du département derrière Naval Group. Un industriel de l’aéronautique dans une région Sud où ce domaine constitue une activité industrielle majeure… du département voisin des Bouches-du-Rhône (Istres, Marignane) ! Et que dire enfin de la double identité d’être à la fois organisme étatique de l’Armée de l’air et de l’espace, et industriel de plein exercice, armé de tous les agréments requis pour exercer son activité de maintenance aéronautique avec le niveau d’exigence le plus élevé !

Une longue et riche histoire militaire et industrielle

C’est en 1917 qu’a commencé l’activité aéronautique militaire sur le terrain situé sur les communes de Cuers et de Pierrefeu-du-Var, avec la création d’une expertise dans le domaine des dirigeables militaires. Le statut du site et ses activités ont ensuite souvent évolué, au point que pour le rejoindre depuis l’autoroute, il faut avoir l’esprit assez ouvert et suivre successivement les panneaux « Base aéronavale », « DGA », « Armée de l’air » — il est plus sûr, pour arriver, de suivre la direction « Pierrefeu » depuis Cuers… ou « Cuers » depuis Pierrefeu !

Dans son format actuel, l’AIA CP, c’est un peu plus de 1000 personnels civils et militaires, pour un chiffre d’affaires d’environ 170 millions d’euros : l’atelier effectue les visites de maintenance industrielle d’avions Atlantique 2 et Hawkeye, et d’hélicoptères Dauphin-Panther et NH90 Caïman ; il a aussi la capacité à modifier des aéronefs pour des mises à jour ou des adjonctions de systèmes nouveaux ; enfin, il est également un spécialiste des radômes, et en particulier de la pointe avant des avions d’armes (les radômes de tous les avions Rafale ont été conçus et fabriqués, et sont entretenus, par l’AIA CP).

Un site et des antennes

Situé très majoritairement sur le site de Cuers-Pierrefeu, l’AIA CP dispose de deux antennes pour permettre des activités de proximité immédiate avec les forces : sur la base aéronavale d’Hyères, au plus près des flottilles opérant les Dauphin-Panther et les Caïman Marine (une soixantaine de personnes), et sur le site de Phalsbourg, dans le hangar de maintenance du 1er régiment d’hélicoptères de combat, pour des visites de maintenance de Caïman Terre (une vingtaine de personnes.)

Une activité industrielle de main d’œuvre mais aussi d’ingénierie

Bien entendu, l’activité de maintenance des aéronefs est avant tout une activité de main d’œuvre et d’expertise manuelle : le « tour de main », la connaissance et la maîtrise des règles de l’art sont des compétences qui se construisent sur la durée. Les compagnons, formés pendant des années à l’exercice d’un métier manuel très pointu, consolident un savoir collectif d’autant plus difficile à préserver qu’il se prête mal à une description écrite, le ressenti individuel constituant une composante majeure de la compétence acquise. Dans l’aéronautique, un très grand nombre de principes, d’actions et de gestes sont écrits, mais cela ne fait pas tout. Il en résulte que l’acquisition des compétences est nécessairement longue… ce qui est parfois difficile à faire comprendre dans une société de l’instantané.

Par ailleurs, l’activité de l’AIA CP a besoin, au-delà du solide savoir-faire détenu par les compagnons, d’une capacité d’abstraction et de conception, pouvant aller de la justification d’une solution de réparation comme ne mettant pas en cause la navigabilité de l’aéronef, jusqu’à la vision système globale pour introduire de nouveaux équipements ou systèmes dans un aéronef déjà très complexe.

Un système nécessairement ouvert sur son environnement

Une telle activité ne saurait s’inscrire dans la durée sans une solide implantation territoriale, eu égard aux enjeux qu’elle rencontre :

En premier lieu, la problématique des ressources humaines : pour les prochaines années, l’AIA de Cuers-Pierrefeu va devoir recruter chaque année de l’ordre de 150 nouveaux agents, majoritairement — mais pas seulement — dans ses métiers d’ouvriers ; pour réussir, il faut convaincre que non seulement ces emplois sont intéressants professionnellement, mais aussi qu’ils offrent des perspectives de vie attractives pour toute la famille. La plupart des clés de cette réussite se construisent en étroite collaboration avec les acteurs locaux, à la fois pour consolider une offre de formation locale adaptée, mais aussi pour porter une attractivité forte pour la vie de la famille. C’est d’autant plus vrai que l’AIA CP, pour recruter les acteurs de ses métiers industriels, doit respecter toutes les règles régissant les statuts et la rémunération des agents de l’État, face à des concurrents sur le marché de l’emploi qui obéissent à des règles très différentes : c’est très souvent le sens de la mission qui est l’atout décisif pour convaincre les talents de faire le bon choix !

Un acteur industriel a nécessairement des interactions avec les ressources naturelles de son environnement : l’AIA de Cuers-Pierrefeu a inscrit cette dimension dans son ADN depuis vingt ans, à une époque où une telle préoccupation était moins commune. La gestion de l’eau, un enjeu sensible dans une région régulièrement placée en alerte sécheresse, a conduit l’AIA à effectuer des réalisations destinées à contribuer à une meilleure gestion des ressources partagées. D’autres dimensions incluent la prise en compte d’espèces protégées, la substitution de procédés industriels, ou encore la production électrique photovoltaïque.

Une intégration dans le tissu économique local : au-delà de ses relations avec les grands acteurs du domaine aéronautique, l’AIA a besoin de sous-traitants et de partenaires industriels et académiques locaux pour des actions en boucle courte, complémentaires du temps long organisé structurellement dans le domaine de l’aéronautique de Défense.

Ainsi, la double vie du directeur d’un AIA comme celui de Cuers-Pierrefeu, outre la mission de garantir l’atteinte des objectifs de production requis par les besoins des armées, inclut tout autant la participation à des cérémonies militaires qu’à des échanges entre industriels, des réunions avec la région, des représentants d’élus et l’Éducation nationale sur la montée en puissance de filières de formations, l’organisation d’un job dating annuel, ou encore la participation aux cérémonies d’anniversaire de la Libération de la Provence…

<i>Pour les 80 ans de la libération de la Provence, l’AIA CP a hébergé plusieurs avions de collection, dont ce splendide T6 ; de gauche à droite, Mmes Moulines et Bouisson, de l’association « Mémoire Bormes 1944 », MM. Masson, président du conseil départemental du Var, Léonelli, maire de Cavalaire-sur-mer et conseiller départemental, Martinelli, maire de Pierrefeu-du-Var, Mouttet, maire de Cuers, et Decourt, directeur de l’AIA de Cuers-Pierrefeu.</i>Pour les 80 ans de la libération de la Provence, l’AIA CP a hébergé plusieurs avions de collection, dont ce splendide T6 ; de gauche à droite, Mmes Moulines et Bouisson, de l’association « Mémoire Bormes 1944 », MM. Masson, président du conseil départemental du Var, Léonelli, maire de Cavalaire-sur-mer et conseiller départemental, Martinelli, maire de Pierrefeu-du-Var, Mouttet, maire de Cuers, et Decourt, directeur de l’AIA de Cuers-Pierrefeu.

Photo de l auteur
François Decourt, ICA, directeur de l’AIA de Cuers-Pierrefeu

X-Supaéro, après une carrière tournée vers les systèmes d’information et de communication et l’électronique, notamment comme sous-directeur technique de DGA Maîtrise de l’information de 2006 à 2010, François Decourt a retrouvé l’aéronautique en 2016, comme directeur adjoint de l’ISAE-SUPAERO jusqu’en 2019, puis sous-directeur technique de l’AIA de Cuers-Pierrefeu, dont il est directeur depuis 2023.

Auteur

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.