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Dunkerque, 20 000 emplois industriels attendus ces dix prochaines années
06 octobre 2024

RÉINDUSTRIALISATION : QUATRE CLÉS
L’ESSENTIEL DES INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS SONT RÉALISÉS DANS DES COMMUNES DE MOINS DE 20 000 HABITANTS.

La réindustrialisation française - bien qu’incomplète et fragile après des décennies de désindustrialisation - est en marche.


Profondément implantées dans leurs territoires, les entreprises industrielles constituent un maillage territorial créateur d’emploi qualifié, localisées pour la plupart dans les villes moyennes et les territoires ruraux. Elles sont la garantie d’un dynamisme économique et social pour tout le pays.

Mener la réindustrialisation, c’est aussi agir, au plus près du terrain, sur les conditions de réussites de l’implantation de projets industriels qui s’inscrivent plus largement dans un projet de société plus global : l’industrie pour la transition environnementale et la souveraineté européenne.

A l’échelon territorial, plusieurs défis doivent être relevés : l’acceptabilité des projets, la bonne coordination des acteurs économiques locaux, la mise en place de conditions-cadres favorables au développement des projets, par exemple en assurant la disponibilité de terrains de qualité, en garantissant une offre de logements suffisante et en développant la formation et les compétences.

Trois principes clés

Depuis 2019, la France et l’Europe ont renforcé leurs politiques industrielles en adoptant une nouvelle approche, qui repose sur trois principes clés : D’abord, (i) Intégrer la dimension d’autonomie stratégique et de sécurisation des approvisionnements aux objectifs de la politique économique. Il s’agit d’identifier les besoins essentiels de la société et qui sont stratégiques pour l’économie. Ensuite, (ii) soutenir l’offre dans un nombre limité de secteurs capables de produire les biens et services nécessaires pour satisfaire ces besoins. Enfin, (iii) associer plus étroitement que par le passé les actions au niveaux européen et national afin de maximiser l'impact de la réindustrialisation des chaînes de valeur et d'optimiser les coopérations.

Cette politique a permis d’obtenir des résultats visibles. Les indicateurs font ressortir que le mouvement de désindustrialisation s’est interrompu et qu’une dynamique de réindustrialisation s’est amorcée : plus 600 usines supplémentaires nettes ont été ouvertes en France depuis 2017 ; 176 créations nettes de sites industriels en 2022, et 201 en 2023 selon le baromètre industriel mis en place par la direction générale des entreprises (DGE) pour mesurer la réindustrialisation. Pour la première fois depuis des décennies, la France ouvre plus d’usines qu’elle n’en ferme. Il en est de même pour l’emploi industriel.

L’industrie dans les territoires est un relais de croissance et d’innovation qui produit des effets durables. Les communes de moins de 20 000 habitants ont accueilli près de 75% des projets industriels et plus de 70% des emplois créés. De surcroit, on estime que 100 postes industriels créent, en moyenne, entre 83 et 154 nouveaux emplois indirects. Ces emplois industriels sont par ailleurs, dans le secteur privé, en moyenne 11% mieux rémunérés que dans le tertiaire à qualification égale.

Quatre piliers pour décliner la politique industrielle au niveau territorial

Le programme Territoires d’Industrie, lancé en 2018, co-piloté par la DGE et l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui part des projets définis par les élus et les industriels locaux et mobilise les différents acteurs publics, notamment les opérateurs (Bpifrance, ADEME), les chambres consulaires et les services économiques de l’Etat en région (SEER) pour les mettre en œuvre. Chaque territoire construit son plan d’action en fonction des priorités locales. Le programme accompagne ainsi une palette de projets variée allant de l’innovation, du développement des usages numériques, du soutien des filières locales comme les matériaux biosourcés à des sujets de transition écologique comme la gestion de l’eau ou l’ouverture de formations industrielles cohérentes avec les besoins de l’industrie locale.

Le deuxième pilier est la structuration de l’offre de sites industriels en France. Les remontées de terrain faisaient état d’un nombre trop important de projets qui ne se réalisaient pas faute de terrain disponible. Pour y remédier, une large démarche de recensement des sites les plus prometteurs a été lancée. Ainsi, 55 sites ont été labellisés “clés en main” grâce à une action concertée de l’État et des collectivités.

Des mesures ont été prises visant à pré-aménager ces sites et à anticiper les démarches administratives. Nous engageons par ailleurs le pré-aménagement de jusqu’à 1 500 hectares de foncier industriel de grande qualité pour l’industrie sur les grands ports maritimes de Dunkerque, du Havre et de Marseille et soutenons le recyclage d’une partie des 87 000 hectares de friches industrielles via le Fonds vert en privilégiant celles qui sont le plus réutilisables.

En continuité avec les efforts précédents, la loi Industrie verte vise à répondre au constat selon lequel, même lorsque des terrains sont disponibles, les délais réels des procédures d’autorisation des projets, de consultation publique et de raccordement peuvent être trop longs pour assurer le succès des implantations, notamment en comparaison avec nos voisins européens. Par une réforme des procédures de l’autorisation environnementale et en parallélisant les démarches, nous prévoyons de réduire le délai moyen de 17 mois à 9 mois d’ici 2026.

Dans ce cadre, l’acceptation locale de la réindustrialisation est aussi un axe de travail important. Après des années de désindustrialisation, il est essentiel de redonner une place centrale aux industries par la coordination locale. Cette tâche est réalisée par les services économiques de l’Etat en région, comme dans la zone de Fos-sur-Mer, où une co-gouvernance entre l’Etat, la région et la métropole a été mise en place pour traiter de l’ensemble des sujets liés à la réindustrialisation locale, tels que le raccordement électrique du bassin.

Le troisième facteur de réussite sur lequel nous agissons est le développement des compétences.

Entre 2022 et 2035, la réindustrialisation pourrait permettre la création de 740 000 emplois en France.  Pour répondre à la demande et assurer les appariements, l’Etat conduit une politique de soutien à la formation et de renforcement de l’attractivité des métiers industriels.

La DGE organise la Semaine de l’industrie, qui rassemble chaque année près de 6000 événements et attire plus de 2 millions de participants à travers toute la France. Ces événements sont destinés aux demandeurs d’emploi ainsi qu’aux collégiens et lycéens, dans le but de susciter l’intérêt pour l’industrie. Nous soutenons aussi les projets de formation, parmi lesquels des initiatives portées conjointement par des acteurs académiques et industriels, comme l’Ecole de la batterie pour développer les compétences répondant à l’essor de la filière, ou les écoles de production, qui forment aujourd’hui près de 1400 élèves aux métiers de l’industrie et dont la Loi Industrie Verte prévoit de tripler le nombre d’ici 2027.

Enfin, l’Etat accompagne les entreprises industrielles dans les transitions et dans leur développement.

L’État propose un continuum de financement pour accompagner les entreprises dans leurs projets de transformation et de développement. Cela inclut la numérisation et la robotisation de 8 000 PME via le guichet Industrie du futur, ainsi que la transition écologique, avec 5,6 milliards d’euros engagés pour soutenir la décarbonation des sites industriels les plus émetteurs, et 2,3 milliards d’euros investis chaque année par Bpifrance et l’Ademe pour soutenir la décarbonation des TPE, PME et ETI industrielles.

Au niveau territorial, la DGE agit également auprès des PME les plus prometteuses grâce au programme ETIncelles. Ce programme regroupe des entreprises en expansion, notamment dans la fabrication de machines et d’équipements, la santé, l’électronique, l’agroalimentaire et l’énergie. Chaque promotion de 50 entreprises, sélectionnée tous les six mois, bénéficie d’un accompagnement qui permet de faciliter les démarches administratives, l’accès à la commande publique et de soutenir le développement à l’export.

 

Une approche holistique pour favoriser les implantations - La situation de la zone Fos-sur-Mer.

Transition écologique et énergétique :

- Mobilisation des industriels et des élus pour élaborer des trajectoires de décarbonation à l’échelle de la zone : « Zones Industrielles Bas Carbone » (ZIBAC) ;

- Planification des raccordements électriques nécessaires : projet de liaison de ligne électrique 400 kilovolts structurant pour garantir le succès de la réindustrialisation de la zone, où 15Md€ d’investissement sont attendus.

Agir sur les conditions cadre d’implantation :

- Aménagement du foncier portuaire ;

- Structuration et construction d’une offre de logements, de soin et d’éducation pour accueillir les 10 000 emplois supplémentaires attendus.

Photo de l auteur
Thomas Courbe, IGA, Directeur Général des Entreprises

Ingénieur général hors classe de l’armement, Thomas Courbe débute sa carrière en 1995 à la direction générale de l’armement. Il rejoint la direction générale du Trésor en 2002. En 2010, il est nommé directeur de cabinet du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur et directeur adjoint de cabinet des ministres de l’économie des finances et de l’industrie (Christine Lagarde puis François Baroin). En 2012, il revient à la direction générale du Trésor où il occupe les fonctions de secrétaire général, puis de directeur général adjoint à partir de 2015. Depuis août 2018, Thomas Courbe est directeur général des entreprises.

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