UNE RÉGION MOBILISÉE POUR LA « DISSUASION »
Depuis 1962, le centre DGA Essais de missiles à Biscarrosse est au cœur de la dissuasion nucléaire française. Alliant sécurité et innovation, il a transformé la région tout en établissant un dialogue essentiel avec les communautés locales. Découvrez comment cette infrastructure militaire s'intègre dans le paysage de Nouvelle-Aquitaine tout en maintenant des relations harmonieuses avec son environnement.
Un Site Stratégique : Naissance d’un Centre d’Essais
L'aventure débute il y a six décennies, lorsque, suite aux accords d'Évian, le ministre des Armées, Pierre Messmer, décide, le 4 juillet 1962, d'implanter des infrastructures d’essais de missiles dans les massifs forestiers de Biscarrosse. Ce choix s’impose alors que la France doit évacuer le Centre Interarmées d’essais des engins spéciaux de Hammaguir en Algérie. Les décisions stratégiques qui en découlent prévoient que les expérimentations nucléaires se dérouleront dorénavant dans le Pacifique, les lancements civils en Guyane et les tirs de missiles en métropole. Le site de Biscarrosse présente des atouts indéniables : une superficie de près de 15 000 hectares, une zone peu peuplée garantissant la sécurité, une ouverture océanique propice aux trajectoires de tir étendues, ainsi qu’une proximité avec les acteurs majeurs du domaine balistique et les infrastructures aériennes de la base de Cazaux. La préexistence d’un champ de tir militaire et d’une zone d’interdiction de pêche facilite l’implantation du centre, inscrivant ainsi, au cœur des Landes, l’histoire d’une grande partie de la dissuasion française. Depuis, le centre a participé aux essais de tous les missiles tactiques et balistiques français.
Dès le départ, l'implantation du centre s’est inscrite dans une politique de développement territorial, nécessitant de rassurer les habitants et les autorités locales sur les impacts économiques et sécuritaires. Dans un contexte de développement touristique autour des lacs landais, il était crucial d'engager un dialogue constructif avec la communauté locale afin d'apaiser les craintes. Le centre a ainsi engendré une transformation significative de la région, avec une augmentation considérable de la population des communes avoisinantes, la construction de plus de 1500 logements et l'émergence d'infrastructures scolaires et sportives.
Aujourd’hui, bien que ces communes aient évolué grâce aux dynamiques touristiques et à l'urbanisme régional, les liens entre DGA Essais de missiles et la région restent solides, et l'impact du centre est prépondérant. L'activité du centre est donc largement acceptée par les habitants, qui se sont habitués aux bruits réguliers des tirs.
Sécurité et Coordination jusqu’au jour J
Cependant, à l'approche des échéances de la dissuasion, une certaine effervescence se fait sentir dans l’environnement du centre. En effet, bien que les dates des tirs soient bien sûr tenues secrètes, leur préparation nécessite des mesures particulières qui peuvent difficilement passer totalement inaperçues même à l’extérieur du site. Un dispositif complexe de sécurisation est mis en place pour prévenir toute intrusion sur le site, avec le déploiement dans toute la région de plusieurs centaines de personnels du ministère des Armées, ainsi que des forces de sécurité intérieure sous l’autorité des préfectures. En tout, près de 2000 personnels sont mobilisés pour garantir la sécurité.
Ces déploiements sont planifiés plusieurs mois à l'avance, en étroite collaboration avec les forces de sécurité et les autorités préfectorales, notamment le préfet délégué à la sécurité de Nouvelle-Aquitaine. La coordination entre ces entités et le centre nécessite de prendre en compte divers critères, parfois bien éloignés des préoccupations quotidiennes d’un centre d’essais et d’expertise de la DGA. Les opérations peuvent entrer en concurrence avec d'autres activités mobilisant les ressources de sécurité intérieure, ce qui nécessite une conciliation des contraintes locales avec les impératifs de la défense nationale, comme cela a été le cas pendant la Coupe du Monde de rugby à Bordeaux en 2023. La préparation des opérations implique également des arrêtés limitant la circulation sur certaines routes et la navigation sur l’océan ou sur les lacs. Ces arrêtés font l’objet de discussions très détaillées, sous pilotage de la préfecture, avec les communes, les gendarmes départementaux et, bien sûr, le centre, car ces restrictions peuvent perturber les activités locales. Pour ne citer qu’un exemple, en 2020, il a été particulièrement délicat d'interdire la pratique d'activités nautiques sur les lacs de Biscarrosse sans nuire à l'activité touristique, alors que les restrictions liées au COVID venaient d'être levées.
Une fois les principaux jalons de déploiement établis, des rencontres régulières sont nécessaires, car d'autres facteurs, tels que les conditions météorologiques, des éléments techniques ou le contexte international, peuvent nécessiter des modifications dans l’opération. Jusqu’au jour J, une coordination de haut niveau est donc nécessaire.
Un centre référent en Europe
DGA Essais de missiles (DGA EM) est un centre d’essais référent en Europe : seul centre capable de tester les missiles au sol, en vol et sous l’eau dans des conditions réalistes.
DGA EM regroupe aujourd’hui environ 1000 cadres, techniciens et ouvriers répartis sur 3 sites, le site Landes (ex CEL), le site Gironde (ex CAEPE), et le site Méditerranée (ex CEM).
Ces trois sites permettent aujourd’hui de proposer des prestations nombreuses et complémentaires que ce soit au service des clients DGA, des différentes armées ou des industriels.
Communication et coordination
La mise en place d'une telle organisation repose sur de bons échanges et une communication claire, même si parfois restreinte. Il est crucial d’instaurer une confiance mutuelle avec les acteurs concernés, notamment les forces de sécurité locales, les équipes préfectorales et les communes. Ces échanges sont également essentiels pour anticiper les conséquences d'un déroulement anormal d'un essai. En cas d'incident, tel qu'un incendie, la préfecture des Landes est responsable des opérations de protection. Pour cela, il est nécessaire d’avoir établi des échanges avec la préfecture pour expliquer les méthodes de maîtrise des risques adoptées par le centre. Des discussions régulières sont menées pour définir des procédures de gestion de crise et des plans d’action associés ; des exercices de crise sont aussi organisés avec les services préfectoraux. Les cellules de crise de la préfecture se déploient parfois sur le site pour les essais majeurs. Dans ce cadre, une très forte coordination est établie entre les pompiers du centre et ceux du département. Des déploiements et des formations en commun sont organisés.
La conduite de l’ensemble de ces échanges est une priorité pour le directeur du centre afin de garantir l’acceptabilité locale de l'activité de DGA Essais de missiles. Maintenir une communication fluide et établir une confiance mutuelle entre le centre et les acteurs locaux est indispensable pour assurer le bon déroulement des opérations.
Maintenir l’harmonie
En conclusion, DGA Essais de missiles incarne un modèle de collaboration entre une infrastructure militaire et son environnement local. Son développement a contribué à l'évolution de la région tout en répondant aux exigences de sécurité nationale. La gestion des opérations de tir et la communication avec les acteurs locaux, ceux de la sécurité en particulier, sont des éléments clés pour maintenir cette dynamique. La pérennité des relations entre le centre et les communautés environnantes repose sur une approche proactive et la plus transparente possible, garantissant ainsi l'acceptabilité des missions de défense tout en contribuant à l’harmonie locale.
Diplômée de l’ENSTA Bretagne, Corinne Lopez a assumé différents postes au sein de la direction technique de la DGA jusqu’au poste de responsable de pôle "Missiles », assurant le rôle d’autorité technique qui vise à garantir le niveau de sécurité des missiles avant livraison aux forces. Après un poste de directrice de programmes au sein de la direction des opérations de la DGA, elle a pris la tête de DGA Essais de missiles en janvier 2020.
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