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Rafale durant l’opération Chammal : des indispensables fréquences !
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01 octobre 2016

FRÉQUENCES ET SOUVERAINETÉ
GALILEO, ESPACE, SATELLITES D’OBSERVATION, SNLE… : LES FRÉQUENCES, MAILLONS DE SYSTÈMES ESSENTIELS, SONT DEVENUES UN DOMAINE DE SOUVERAINETÉ CONVOITÉ

Publié par Jean-Pierre LE PESTEUR (1953) | N° 110 - LA SOUVERAINETÉ

A ceux qui voient avec une certaine inquiétude enfler inexorablement la vague des besoins en fréquences de la connectivité numérique : 5G, Internet des Objets… et à ceux qui connaissent la dépendance grandissante de nos forces et de notre sécurité vis-à-vis des fréquences, cet article propose des points de repère pour l’avenir : comment garantir de la place pour les besoins futurs, alors que progresse « l’addiction aux fréquences » ?


En attendant la publication prochaine par l’ANFr du premier plan stratégique sur l’évolution des usages et de la gestion du spectre et plutôt que d’énoncer des principes magistraux, voici une incursion dans le monde assez discret des fréquences, au gré d’épisodes ayant émaillé les récentes négociations au niveau mondial : quelques coups de projecteur sur des sujets d’actualité nationaux liant fréquences et souveraineté complètent cette courte visite !

 

Conférence Mondiale des Radiocommunications 2015 (CMR 2015) : quatre semaines de travaux à l’apogée d’un cycle pour préparer les prochaines évolutions, à cinq, dix ans et plus

15 jours à peine avant le début de la COP 21, un coup de maillet retentissait déjà… Festus Daudu, président nigérian de la conférence, marquait le terme des négociations de la conférence mondiale des radiocommunications : le 26 novembre 2015 au soir, pour les délégués de près de 170 pays, s’achevait alors un marathon entamé début 2012. Quelques heures plus tôt, la dernière ligne droite, entamée depuis 4 semaines à Genève, était encore très animée : accord très disputé pour en terminer avec l’offensive lancée par le monde du mobile sur les fréquences de la bande UHF, ultimes négociations pour protéger dans la bande C le cœur d’activité d’opérateurs satellitaires comme Eutelsat, dernières escarmouches pour convenir de nouvelles capacités en bande X et ouvrir un nouveau marché aux satellites de nos industriels…

 

 

Rafale durant l’opération Chammal : des indispensables fréquences !

 

Opérations extérieures : les surprises du « direct » à la CMR 2015 !

Les opérations extérieures de nos forces constituent une dimension incontestable de notre souveraineté. Mais pour garantir une utilisation sans brouillages des fréquences nécessaires en opérations, drones, aéronefs, moyens terrestres ou marins, il faut savoir se projeter sur l’utilisation actuelle et future du spectre sur le territoire d’autres États souverains. La CMR 2015 a été l’occasion de traiter des cas concrets découverts in extremis !

 

Nouvelles capacités pour les réseaux de sécurité et de protection civile du Ministère de l’Intérieur, objectifs : résilience, confidentialité, disponibilité

Le choix de la France est celui d’un réseau dédié, alors que d’autres, comme la Grande-Bretagne, ont choisi de s’appuyer sur les réseaux d’opérateurs privés.

Dès 2012, la France a été pionnière en cherchant à initier une harmonisation européenne au sein de la CEPT sur laquelle pourrait s’appuyer l’industrie pour normaliser les équipements de transmissions et faciliter les coopérations, notamment dans les zones frontalières. Les nouveaux réseaux vont se développer dans les bandes 700 MHz et 450 MHz.

 

La CMR 2015 ouvre une nouvelle voie pour le pilotage des drones

A l’issue de débats et négociations difficiles, un cadre a pu être élaboré pour la commande de drones par satellites en « espace aérien non réservé » (en d’autres termes, celui ouvert aux vols civils). Les forces françaises pourraient à terme recourir à de telles possibilités, plus flexibles que les solutions actuelles, si l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) parvient à définir les conditions de sécurité pour de tels usages. Les attentes à finalité logistique ou commerciale dans ce domaine sont également très fortes.

 

OTAN et fréquences : la coordination fera-t-elle la force ?

L’OTAN, est un prescripteur et utilisateur important de fréquences, mais son statut à la conférence mondiale est celui d’un observateur. Pour mieux faire valoir les enjeux de souveraineté liés à la gestion du spectre, une meilleure mobilisation de ses membres est actuellement recherchée, via une coopération amont accrue des composantes militaire/civile nationales. L’ANFr et l’affectataire Défense sont fortement impliqués dans cette initiative.

 

Bande 470-790 MHz (UHF) : la radiodiffusion audiovisuelle, enjeu de souveraineté culturelle à la CMR 2015

La télévision numérique hertzienne reste pour notre pays un vecteur majeur de sa politique culturelle, au travers des obligations de création et de diffusion données aux chaînes. En 2015, l’avis du RSPG et le rapport « Lamy » en réponse à la Commission européenne ont constitué des pièces maîtresses face à l’offensive des États Unis soutenus par plusieurs pays arabes voulant faire rapidement basculer vers le mobile la bande UHF, qui en France abrite toutes les fréquences de la TNT… L’issue positive de la CMR 2015 a conduit à stabiliser l’horizon industriel des acteurs de l’audiovisuel ainsi que leur modèle économique, leur permettant d’investir pour préparer l’étape suivante, après 2025.

 

La souveraineté des fréquences passe aussi par un cadre propice à l’innovation et au développement économique 

L’ANFr est engagée dans le soutien des usages innovants : promotion des solutions de partage du spectre radioélectrique, accompagnement avec l’ARCEP de l’émergence d’une offre de réseaux de communication bas débit et à faible consommation pour les objets communicants, mieux optimisés que les réseaux 2G ou 4G des opérateurs.

L’ANFr a également mis en place depuis 2015 un service d’accompagnement des porteurs de projets innovants nécessitant le recours à des fréquences radioélectriques.

Les fréquences radioélectriques sont par ailleurs au cœur de plusieurs plans de l’initiative Nouvelle France Industrielle du gouvernement. Enfin, pour dynamiser et rendre plus interactive la gestion des fréquences, la secrétaire d’État chargée du Numérique a confié à l’Agence la préparation en 2016 d’un plan stratégique sur l’évolution des usages et de la gestion du spectre.

 

Bandes de fréquences pour les communications mobiles : de nouvelles opportunités de développement ont été ouvertes à la CMR 2015, en attendant la 5G… pour 2019

En novembre 2015, la finalisation au niveau mondial des conditions du basculement de la bande 700 MHz, au moment même de la mise aux enchères réussie de la « bande 700 MHz » démontre le rôle influent de la France sur l’harmonisation internationale et européenne, et sa capacité à créer une dynamique propice à l’innovation des acteurs industriels nationaux. D’autres bandes de fréquences ont été ouvertes aux communications mobiles, notamment en bande L et en bande C, mais la CMR 2019 sera le grand rendez-vous pour choisir les nouvelles ressources au-dessus de 20 GHz répondant aux défis de la 5G.

 

Gouvernance des Fréquences dans l’Union européenne : la souveraineté sera un enjeu fort d’ici la prochaine conférence mondiale, en 2019…

Alors que la Commission européenne cherche à « prendre la main » sur les négociations à la prochaine conférence mondiale, la plupart des états membres défendent l’efficacité du système actuel.

On peut d’ailleurs penser que le Brexit renforcera l’intérêt de travailler au sein de la CEPT, dans lequel nos alliés d’outre-manche jouent déjà un rôle de premier plan, au côté de la France et de quelques autres pays.

 

Organes et règles du jeu pour la souveraineté des fréquences

 

Fréquences : Un État, une voix...

Chaque État défend sa souveraineté au niveau de l’UIT, Union Internationale des télécommunications, dont les travaux se déroulent sous l’égide de l’ONU. Le principe un État, une voix fonctionne en réalité en consensus depuis des années.

Un État, une voix…

L’Union Européenne et la Commission jouent un rôle essentiel en créant les conditions d’une harmonisation accélérée et obligatoire au sein des 28 (bientôt 27), en coopération avec les États membres ; grâce à une structure de haut niveau, le RSPG [pour Radio Spectrum Policy Group], la Commission dispose de l’éclairage des organes spécialisés des EM pour la politique du spectre.

Ces mêmes États se retrouvent au sein de la CEPT, Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications, instance de coordination entre les États européens, qui regroupe près de 50 États, dont la Fédération de Russie : reconnue comme instance régionale, le CEPT joue un rôle clé lors des CMR.

La France quant à elle dispose d’une force de négociation reconnue au sein de ces instances, mobilisée autour de l’Agence Nationale des Fréquences : ministères et autorités indépendantes, CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) et ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), CNES, acteurs économiques.

Pour en savoir (beaucoup) plus : www.anfr.fr

 

    
Jean-Pierre Le Pesteur, IGA, Président du Conseil d’administration de l’Agence Nationale des Fréquences
 
Jean-Pierre Le Pesteur a commencé sa carrière au GIAT en 1979, et après avoir été au Ministère de l’économie des finances et de l’industrie de 1993 à 2006, est devenu en 2009, sous-directeur des politiques d’exportation à la DGA. Il a rejoint l’ANFr en 2012, et a conduit la délégation française à la conférence mondiale des radiocommunications de 2015, à Genève.
 

Auteur

Jean-Pierre LE PESTEUR (1953)

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