PAS DE SOUVERAINETÉ SANS SCIENCES NATIONALES
Préserver un niveau suffisant de souveraineté nécessite aussi la présence, sur le sol national, d’écoles, d’instituts et d’universités au meilleur niveau mondial.
Ouverture internationale et contribution à la souveraineté nationale font bon ménage
Le monde de la recherche est l’un des domaines professionnels les plus internationalisés. Chaque chercheur connaît ses collègues et concurrents du monde entier. Les chercheurs collaborent avec leurs homologues du monde entier, réalisent leur bibliographie en oubliant les frontières et rencontrent dans les congrès des scientifiques venus de tous les continents. L’enseignement, surtout supérieur, se mondialise lui aussi de plus en plus. Les jeunes comparent les offres de formation en Europe, en Amérique du Nord, voire dans le reste du monde, et s’expatrient plus souvent que les générations précédentes.
Dans ce contexte d’ouverture, de compétitions et de coopérations internationales, l’École polytechnique œuvre-t-elle encore non seulement pour les sciences et la gloire, mais aussi la patrie ? Est-elle encore utile, voire nécessaire ?
L’École polytechnique crée et partage des connaissances
1 600 personnels de recherche dont 500 doctorants travaillent chaque jour dans les 22 laboratoires de l’École (dont 21 unités mixtes avec le CNRS). Ce potentiel de compétences se compose de chercheurs du monde entier venus de plus de 35 pays.
Le goût pour la science la plus fondamentale, l’immersion dans un environnement scientifique civil, n’empêchent pas une contribution directe aux recherches ou aux besoins de formation pour la Défense. Le niveau d’excellence internationale ne peut se maintenir que si on se confronte aux meilleurs où qu’ils soient. C’est donc, au contraire, une source de richesse pour la défense dont elle peut tirer bénéfice. On pourrait citer de nombreux exemples, comme les contrats pour la Défense -- en particulier la Mission pour la Recherche et l’Innovation Scientifique, pour des industriels ou dans des travaux de simulation et de modélisation. Le laboratoire d’utilisation des lasers intenses (LULI) est, par exemple, un creuset qui a largement contribué aux compétences nécessaires pour la mise en place du laser mégajoule. Une grande partie des scientifiques de ce projet essentiel pour la dissuasion militaire ont en effet poursuivi des recherches et été formés au LULI.
L’installation LULI 2000 et les travaux de recherche du LULI sur les laser de très haute puissance contribuent à former la compétence nécessaire au CEA/DAM pour le laser Mégajoule
Au-delà de son rôle de contributeur direct à la souveraineté par la recherche et la formation pour la Défense, l’École représente également un élément clé d’un écosystème de la connaissance. Car quelle serait la souveraineté d’un pays qui ne maîtriserait pas les technologies clés et ne disposerait pas d’une base industrielle ? En France, un tissu d’entreprises porte ces éléments de souveraineté. Ce réseau de maîtres d’œuvre et de sous-traitants a besoin d’une base arrière scientifique que l’enseignement supérieur et la recherche sont en capacité d’assurer. L’École polytechnique y contribue puissamment et ses 21 chaires industrielles actuellement actives en sont un témoignage en constante croissance. De nombreux professeurs de l’École entretiennent ainsi des interactions scientifiques avec des entreprises dans le cadre des chaires, dans les contrats mais aussi en conseil. Les compétences scientifiques et la capacité à former des ingénieurs de grand talent sont des atouts pour la France et des facteurs d’attractivité dont des industriels témoignent régulièrement en commentant leurs choix d’implantation.
La souveraineté nationale n’est ni une notion absolue ni une notion statique
Il existe, dans le monde, encore quelques groupes humains vivant en complète autarcie. Leur mode de vie est bien loin du nôtre et je ne crois pas qu’il constitue un modèle enviable. Il faut donc admettre les échanges et donc la dépendance, ou mieux, l’interdépendance. Pour autant, un niveau satisfaisant de souveraineté est compatible avec ces interactions dès lors qu’est préservée la capacité à faire ses choix en autonomie.
Il y a quelques conditions nécessaires pour cela :
- une culture vivante, dynamique et capable d’originalité sans se glisser dans les produits de l’industrie nord-américaine ;
- un accès aux ressources naturelles et intellectuelles ;
- une économie saine et compétitive avec les savoir-faire nécessaires ;
- une cohésion nationale autour de quelques valeurs dont la démocratie.
L’École polytechnique contribue, dans ses domaines de compétences, à ces piliers de la souveraineté.
Plus encore, le rôle de l’École et son influence dépasse son champ d’action sur des sujets où elle n’est pas immédiatement attendue. Par exemple, les travaux sur le solaire photovoltaïque à moindre coût initiés par l’École et actuellement en cours de transfert à Total, EDF et l’Air Liquide par le biais de la création de l’institut Photovoltaïque d’Ile-de-France contribuent à réduire la dépendance énergétique.
Assurément, l’École polytechnique, républicaine, basée sur le mérite, diverse dans sa composition, est très fière de contribuer chaque année au tutorat de 3 500 jeunes pour leur donner les chances de réussir et confiance dans la collectivité nationale. Au-delà de ces initiatives, l’École poursuit activement sa contribution à ces éléments de cohésion en s’engageant dans l’action de la cordée mutualisée Paris - Saclay ou dans le projet X-Talents.
Enfin, l’École croit beaucoup à la prospérité par l’innovation
Les sciences et les technologies offrent un formidable potentiel pour le développement de produits et de services innovants. Elles sont la clé pour un renouvellement dynamique des entreprises, pour la compétitivité, pour la qualité des produits et services et pour, in fine, assurer au pays les performances et les revenus nécessaires pour garantir un niveau de bien-être, s’y développer et y être attaché.
L’École forme des jeunes dynamiques et engagés qui deviendront entrepreneurs ou « intrapreneurs ». Elle encourage les initiatives collectives créatrices telles que les projets scientifiques collectifs, une activité pédagogique menée tout au long de la deuxième année, dont certains aboutissent à un dépôt de licence ou à un projet de start-up. L’entrepreneuriat et l’innovation, troisième pilier stratégique de l’École aux côtés de l’enseignement et de la recherche, sont mis à l’honneur dans le nouveau bâtiment « la fibre entrepreneur Drahi X Novation Center ». Ce lieu accompagne la création de start-up innovantes, la maturation de projets issus des laboratoires ou sélectionnés sur appel ouvert à propositions et facilite les interactions entre élèves, formateurs, créateurs, chercheurs, financiers... On peut aussi y rencontrer de jeunes américains ou de jeunes japonais, ou d’autres qui viennent voir les initiatives de création d’entreprises ou suivre des enseignements d’entrepreneuriat. Pour autant, cette initiative sur le sol national contribue d’abord à former des jeunes français et à montrer que la France est l’un des leaders pour la création d’entreprises, ce qui participe de la pérennité de notre souveraineté.
Yves Demay, IGA, Directeur général de l’École polytechnique
Yves Demay (X77, docteur-ingénieur) a débuté sa carrière au CEA/LETI (recherches sur les détecteurs d’infrarouge). Successivement sous-directeur technique au SPOTI, directeur du centre technique d’Arcueil, puis responsable des systèmes d’information de la DGA, il a été directeur de l’ENSTA ParisTech jusqu’en 2008, avant de rejoindre l’École polytechnique en août 2012.
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