TIR M51 DEPUIS LE TRIOMPHANT
Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, exprime sa grande satisfaction après le succès du lancement d’un missile balistique stratégique M51 par le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Triomphant, le vendredi 1er juillet 2016 à 9h18, depuis la baie d’Audierne (Finistère).
Un tir de ce type, même s’il ne dure qu’une poignée de minutes, nécessite une longue et minutieuse préparation et la mise en œuvre de moyens importants ; c’est un jalon fort pour plusieurs opérations d’armement complexes, rassemblées dans le programme d’ensemble Cœlacanthe.
Dès son origine, la force de dissuasion a été construite en France comme un outil de souveraineté, à la disposition du chef de l’État, indépendante des structures OTAN ou d’autres pays. Tous n’ont d’ailleurs pas fait le même choix, témoin le Royaume-Uni qui s’appuie sur les États-Unis en mettant en œuvre le missile américain Trident D5 sur ses SNLE de type Vanguard.
Le programme d’ensemble Cœlacanthe, constitué dès le début des années 1960, regroupe les programmes de construction ou d’adaptation des SNLE, les programmes de missiles stratégiques MSBS, les programmes des têtes nucléaires conduits par le CEA/DAM, ainsi que les infrastructures et démantèlements associés. Le rythme des tirs est donc soigneusement pensé, pour répondre au besoin du développement des programmes actuels et futurs, la requalification des SNLE en sortie de période d’IPER (indisponibilité périodique pour entretien et réparations) ou d’IPER - adaptation, tout en optimisant le coût de ces programmes.
Lancer un missile stratégique à partir d’un sous-marin en plongée est une opération techniquement très complexe dont peu de pays sont réellement capables. Un tir de MSBS à longue portée (plusieurs milliers de kilomètres) doit de plus s’effectuer pour nous en tenant compte des contraintes géographiques (on ne survole pas de terres habitées, contrairement aux Russes par exemple, et il faut donc lorsque l’on tire du site Landes de DGA Essais de missiles ou du large de la Bretagne, éviter la péninsule ibérique, sans pour autant atteindre le continent américain, tout en évitant les différentes îles) dans le respect des objectifs de sauvegarde des personnes et des biens. À tout moment du vol le centre DGA Essais de missiles suit les paramètres du missile et est capable, si besoin, de le neutraliser.
Un tir comme celui du 1er juillet dernier se situe au confluent de plusieurs programmes au sein du programme d’ensemble Cœlacanthe, et nécessite la mise en œuvre d’importants moyens d’essais et de mesures, notamment du centre DGA Essais de missiles.
Le missile M51 après sa sortie de l’eau.
Le SNLE Le Triomphant qui a effectué le tir a été modifié au terme d’une IPER – adaptation de presque 3 ans pour être capable d’emporter et de mettre en œuvre le missile M51. Cette opération combine une IPER au cours de laquelle les éléments combustibles de la chaufferie sont débarqués, les circuits, la coque et les différents équipements sont contrôlés, et une adaptation de la partie centrale du sous-marin (composante embarquée du système d’armes) pour passer d’une capacité M45 (génération précédente de nos missiles MSBS) au M51 missile plus gros (diamètre, masse, hauteur) et plus performant, dont la première version M51.1 a été mise en service en 2010. L’IPER - adaptation est aussi l’occasion de moderniser d’autres systèmes du sous-marin (sonar, système de navigation).
Des essais sous haute surveillance.
Le missile de vol est un missile prélevé sur la chaîne opérationnelle, puis transformé en missile d’exercice en lui ajoutant près d’une tonne d’équipements ou de dispositifs pyrotechniques destinés à neutraliser le missile en cas de comportement anormal, ainsi qu’à mesurer des centaines de paramètres lors du vol, à les retransmettre aux installations de DGA Essais de missiles, et à le trajectographier dans ses différentes phases de vol.
Un missile d’exercice n’emporte bien sûr pas de charge nucléaire (les communiqués officiels post-tirs le rappellent systématiquement au cas où certains auraient des doutes…) mais peuvent embarquer des objets d’exercice ou d’expérimentation CEA ou DGA : ces vols permettent en effet de réaliser des tests en ambiance réelle (vol balistique exo-atmosphérique).
Le bâtiment d’essais et de mesures Monge, intégré dans le dispositif de DGA Essais de missiles permet, grâce à ses radars et équipements performants, de suivre les dernières phases de vol, en complément des moyens radars et de trajectographie déployés sur la façade Atlantique.
Le bâtiment Monge.
Il est nécessaire également de faire appel à différents moyens des armées et de la DGA pour sécuriser des zones (zones de départ, zones de retombées des étages propulsifs) : plusieurs bâtiments de la Marine ou affrétés par la DGA, ainsi que des avions et hélicoptères pour tester le dispositif avant le tir, surveiller des zones ou intervenir ; au total plusieurs centaines de militaires sont mobilisés pour sécuriser le dispositif.
Le suivi à terre fait partie du tir.
« …Une démonstration de souveraineté… »
Les tirs d’essais, en plus de leur utilité propre pour la qualification des systèmes de lancement, le fonctionnement du missile et les objets emportés, participent sur le plan technique à la crédibilité de notre dissuasion et sont regardés de très près par nombre d’observateurs. A ce titre, l’essai du 1er juillet dernier est une démonstration de souveraineté : le SNLE Le Triomphant est maintenant apte à mettre en œuvre le missile M51 et participera à la dissuasion en rejoignant la permanence à la mer après embarquement de sa dotation de missiles M51.
Un sans faute.
Guillaume de Garidel, IGA, Directeur du programme d’ensemble Coelacanthe
Guillaume de Garidel (X88, ENSTA) a commencé sa carrière à Cherbourg sur la construction du SNLE LE TRIOMPHANT, puis à Brest et à l’Île Longue dans l’entretien des SNLE. Après un passage à l’international de 2004 à 2010 il a dirigé DGA Techniques hydrodynamiques puis en octobre 2016 a été nommé directeur de l’UM Cœlacanthe et du programme d’ensemble du même nom à la direction des opérations de la DGA.
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