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01 février 2017

L’ÉQUIPE « FRANCE » AU RENDEZ-VOUS DE LA HAUTE TECHNOLOGIE

Le programme interministériel de R&D contre les menaces terroristes NRBC-e, piloté par le CEA, devient après 10 ans, une réalité industrielle et opérationnelle.


Une impulsion déterminante et continue du SGDSN, alliée à une collaboration exemplaire avec la DGA, a permis au CEA de donner une réalité industrielle et opérationnelle aux travaux du programme interministériel de R&D NRBC-e, une dizaine d’années après son lancement. La réussite de ce programme, qui est devenu un élément central de la recherche dans ce domaine de souveraineté nationale, au service de la Défense et des besoins civils, illustre la capacité de « l’équipe France » rassemblée à relever des défis majeurs dans un domaine de haute technologie où le tissu industriel est très fragmenté.

Un programme issu d’un besoin de terrain

Le CEA est en charge depuis 2005 du programme interministériel de R&D contre les menaces terroristes NRBC-e. La vocation de ce programme est de répondre de façon structurée et pragmatique aux lacunes capacitaires identifiées par les pouvoirs publics visà-vis de ces menaces, sur des thématiques où le marché seul ne suffit pas à générer de l’innovation. Financé annuellement à hauteur de 12 M€ par la subvention de recherche duale allouée au CEA dans le cadre du programme LOLF 191, le programme interministériel a vocation, au-delà des seuls besoins civils, à prendre en compte les préoccupations de la Défense et les feuilles de route DGA. Sur la base d’une expression des besoins partagée avec la DGA, le CEA pilote ces travaux de recherche (échelle de maturité TRL de 1 à 5) avec le souci permanent de trouver un relais industriel aux prototypes de laboratoire qui ont fait leur preuve et de satisfaire les utilisateurs finaux.

Un programme d’innovation structuré

Chaque année, une quarantaine de projets de recherche est financée, en portant sur l’ensemble des étapes de la réponse à une menace : préparation amont, détection et identification de terrain, protocoles de laboratoire, diagnostic, contre-mesures médicales sans oublier les phases de décontamination, voire de dépollution. Les projets, qui impliquent toutes les directions opérationnelles du CEA, s’étendent de la recherche amont jusqu’au développement de démonstrateurs de laboratoire permettant d’apporter les preuves de concept vis-à-vis d’un environnement réel. Afin de susciter un niveau permanent d’innovation, le Directeur du programme CEA, Laurent Olmedo, veille à maintenir le rythme annuel de lancement de nouveaux projets à un niveau significatif (une dizaine chaque année). Centrée à l’origine sur la menace biologique, la répartition s’est au cours du temps rééquilibrée pour tenir compte de l’analyse de la menace et des vulnérabilités.

Ce programme a d’ores et déjà permis près d’une quinzaine de transferts technologiques vers des industriels français, dont une dizaine concerne les menaces biologiques et chimiques. De nombreux protocoles de laboratoire ont également été transférés, en particulier vers des membres du réseau national des laboratoires BIOTOX-PIRATOX.

DE LA R&D À LA DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE : LES TICKETS IMMUNODÉTECTEURS POUR LA MENACE B
Ces tickets sont aujourd’hui en service dans les Forces armées, mais également au sein de la Sécurité Civile dans les véhicules de détection, d’identification et de prélèvement. Ils permettent, selon le même principe qu’un test de grossesse, une détection simple, rapide (résultat en moins de 30 minutes), peu coûteuse et qui peut être réalisée par des non-spécialistes sur le terrain. Les tickets en service sont avant tout dédiés à la détection environnementale, mais la technologie peut être adaptée à une utilisation diagnostic comme illustré dans l’encart sur Ebola.

 

Un programme centré sur les réponses aux menaces B et C

S’agissant de la menace B, celle ci mobilise encore aujourd’hui 50 % du financement des projets. Pour la détection de terrain, les avancées sont nombreuses, notamment autour de la miniaturisation et de l’augmentation des performances de la collecte, de la préparation d’échantillons et de la détection. Des systèmes simples, à bas coût comme les bandelettes immunochromatographiques (NBC-SYS) ou le mini bio-collecteur BIODOSI® (Bertin Technologies), en sont deux illustrations.
Les efforts conduits permettent également de disposer de protocoles d’identification en laboratoire fiables, sensibles, et robustes y compris vis-à-vis d’échantillons complexes. L’apport de la spectrométrie de masse est aujourd’hui indéniable, et complémentaire des approches microbiologiques, génétiques et immunologiques. Par ailleurs, les approches large spectre et sans a priori se développent, et prennent tout leur sens pour la menace B, compte tenu du nombre important d’agents potentiels à considérer. Ainsi la phylopeptidomique par spectrométrie de masse et le séquençage haut débit dans une moindre mesure sont désormais à des niveaux élevés de maturité et de performance. Au-delà des développements technologiques, il convient de souligner l’importance de la qualité des réactifs, qui conditionne la performance des systèmes spécifiques d’identifi cation. Des efforts ont été menés au plan national, et se poursuivent sans relâche pour accroitre encore la liste des cibles disponibles ; ils ne doivent pas être sous-estimés ni dans leur difficultés, ni dans leur impact sur la qualité globale de la réponse. Ces travaux ont récemment conduit à la mise en place d’une filière de réactifs génétiques avec la société BERTIN Pharma. S’agissant de la détection C, les efforts portent également sur le développement et l’adaptation de technologies de laboratoire pour des usages de terrain. Le CEA a ainsi mis au point des démonstrateurs portables, simples et à bas coût, mettant en œuvre des technologies de concentration d’un facteur 1 000 à 10 000, et de détection par micro-chromatographie en phase gazeuse, domaine qui a fait récemment l’objet de la création d’une start-up (APIX). 

DÉMONSTRATEUR PRIMOSAMP DE PRÉLÈVEMENT ET DE CONCENTRATION DE GAZ
La miniaturisation (technologies silicium) ouvre de nouvelles voies pour des systèmes de prélèvement et d’analyse portables et à bas coût. Objectif  : étendre la surveillance et permettre au plus tôt une première alerte sur le terrain


Le programme sait également porter des projets de rupture à horizon plus lointain, à l’image de l’ambitieux micro-spectromètre de masse sur puce silicium, dont les premières preuves de concept ont été acquises en 2015 et pour lequel nous sommes au meilleur niveau de l’état de l’art international. Au-delà de la mise au point de technologies performantes de détection, le programme prend toute sa place dans le domaine de la préparation, de l’anticipation d’une crise, avec la mise au point du logiciel CEA de modélisation de dispersion CERES®, mais également en matière de la décontamination, avec le développement de galéniques innovantes autours de gels ou encore de mousses adaptées à la décontamination des infrastructures, voire au confinement de petites contaminations. Là encore, l’objectif est de faire plus performant, plus pratique (moins d’effluents) et dans le cadre d’une filière nationale. 

Enfin, cette démarche globale et structurée vise également au développement de moyens de diagnostic et thérapeutiques. Le développement par le CEA en urgence d’un test de diagnostic rapide du virus Ebola, illustre la dualité d’application (bioterrorisme/ santé publique) des thématiques traitées au sein du programme, et l’intérêt de se préparer en amont d’une crise potentielle.

La spectrométrie de masse est une méthode de référence dans le domaine des analyses chimiques. L’enjeu pour le CEA vis-à-vis de cet équipement a consisté à faire passer cette technologie du laboratoire au terrain tout en lui conservant de très bonnes performances. Le CEA a mis à profit ses compétences en fabrication de microsystèmes pour miniaturiser le cœur de l’instrument. Micro-spectromètre de masse sur puce silicium
Schéma de principe du micro-spectromètre de masse, composé d’une source d’ions (zone d’ionisation, d’extraction et de focalisation des ions), d’une injection orthogonale et d’un miroir électrostatique (réflectron) Photographie du dispositif réalisé

 

Un programme à l’écoute des besoins des opérationnels

Au-delà des aspects scientifiques et techniques, chacun des développements, des protocoles, doit in fi ne s’insérer dans les chaines de la réponse opérationnelle, qui ont leurs contraintes et leur logique. Sur ce point, la création en 2014 par le SGDSN d’un comité d’utilisateurs pour les besoins civils (sécurité civile, gendarmerie, police), adossé au programme interministériel, permet d’accompagner au plus tôt les projets pour s’assurer de leur bonne adéquation avec le besoin. Dans le domaine N/R, dans le prolongement du programme NRBC-e, une première architecture nationale de détection destinée à lutter contre le trafic illicite de matières N/R est d’ores et déjà en place à titre expérimental dans un grand port français. En 2016, le programme interministériel a étendu cette démarche à la thématique B, dans le cadre du test par le SDIS 69 (Service Départemental d’Incendie et de Secours) d’une chaine complète d’analyse.

 

LA R&D EN BIOTERRORISME AU PROFIT D’UNE CRISE SANITAIRE : LE DÉVELOPPEMENT EN URGENCE D’UN TEST DE DIAGNOSTIC RAPIDE DU VIRUS D’EBOLA
Compte tenu de la situation en Afrique de l’Ouest à l’été 2014, le CEA a mis au point en urgence un test de diagnostic rapide du virus Ebola utilisable sur le terrain. Ce résultat a pu être atteint en trois mois, hors validations réglementaires, grâce aux résultats des recherches menées depuis plusieurs années par le CEA dans le cadre du programme interministériel. Le test a été validé sur le terrain pendant l’épidémie et aujourd’hui, il est reconnu réglementairement (marquage CE) et disponible commercialement (société Vedalab, France). Il est simple d’emploi, ne nécessite pas d’appareillage sophistiqué, ni même de source d’énergie et peut être réalisé par du personnel non spécialisé. La lecture du résultat est directe et visuelle.
Le test Ebola eZYSCREEN a fait la preuve de sa grande robustesse et stabilité, un stockage de 13 mois à 30°C et de 4 mois à 45°C, n’ayant pas altéré ses performances.

 

Ambition, détermination et réalisme

Les liens étroits et la confiance mutuelle qui se sont établis au cours des années entre le CEA et les autres services de l’Etat, dont en premier lieu la DGA et le SGDSN, ainsi que la structuration du programme, permettent désormais une prise en compte partagée des principaux besoins un positionnement de projets qui évite les doublons et une évaluation systématique de leur intérêt selon trois axes (performances, concepts d’emploi, inter comparaisons indépendantes).

Dans un environnement budgétaire contraint, la sélection des projets au sein de ce programme interministériel doit prendre en compte leur potentiel d’innovation au profit d’une amélioration de notre sécurité collective, mais aussi leur capacité à offrir aux utilisateurs finaux des solutions accessibles et utilisables, solutions qui devront être proposées par des industriels capables d’amener jusqu’au marché des prototypes issus de la R&D. Ce lien entre la recherche à l’industrie est consubstantiel à la raison d’être du CEA, depuis sa création en 1945 et il est essentiel dans un domaine où les commandes de l’Etat ne se situent pas à un niveau permettant une prise en compte des besoins de sécurité par le seul marché.
L’équipe « France » dispose aujourd’hui d’une capacité technologique à même de répondre aux besoins de souveraineté nationale en matière de réponse à des menaces B et C. Il est indispensable de définir et réunir les conditions pour que ces technologies trouvent non seulement un marché mais que tous les partenaires de cette équipe puissent continuer à anticiper les évolutions de la menace et bénéficier des avancées technologiques accessibles : les compétences au meilleur état de l’art sont présentes, il convient de les mobiliser en faisant preuve collectivement d’ambition, de détermination et de réalisme.

Dominique MONVOISIN, IGA
Directeur de Cabinet de l’Administrateur général et directeur de la Performance du CEA Il a effectué un long parcours à la DGA dans le domaine de la dissuasion nucléaire, où il a été en particulier le premier directeur de l’Unité de Management NBC ; il a rejoint le CEA en 2008, en tant que Directeur Adjoint des Applications Militaires et il est aujourd’hui en charge notamment du projet de transformation de l’ensemble des fonctions support du CEA.

 

 

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