LA MARINE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE,
UNE ADAPTATION PERMANENTE ?
La Marine a su, en conservant globalement le fonctionnement de son ministère avant-guerre, s’adapter aux nouvelles contraintes de celle-ci. Elle a redirigé son armement et sa production pour lutter contre les sous-marins et les avions et s’est adaptée pour le maintien en conditions opérationnelles de sa flotte durement usée par la permanence à la mer.
La réalité de la guerre telle qu’elle se dessine dès le début de la Grande Guerre, une guerre d’usure et de surveillance, nécessite une adaptation de la Marine. D’une part le maintien de blocus efficaces et d’autre part des convois et escortes systématiques des navires de transport et de commerce entrainent une permanence à la mer et un maintien opérationnel conséquent. Ainsi parler d’économie de guerre pour la Marine désigne la prise de mesures protectives, la continuation de la recherche de contrats et des investissements nécessaires pour faire face à la durée d’une guerre. Le maintien d’une escadre en mer signifie en effet un ravitaillement efficace et régulier, un entretien et des réparations à faire au plus près des zones de combat ou de patrouille.
Une entente est nécessaire entre les marines alliées pour le ravitaillement et les réparations. D’une part parce que les denrées de première nécessité tout comme les industries d’armement sont protégées en temps de guerre par des lois et des règlements, d’autre part parce que les réparations sont faites loin des ports de base des navires. Des Services centralisateurs sont mis en place en France dès le début de la guerre pour les matières premières comme le charbon industriel, les aciers ou le bois. Ils doivent faciliter la prise des commandes et le fait que ces dernières soient assurées. Il faut par ailleurs obtenir l’accord des alliés dès que l’on sort du territoire national. C’est notamment le problème rencontré en Adriatique par la flotte française puisque le gouvernement italien empêche toute sortie du bois, des céréales et du charbon de son territoire.
Le contre-torpilleur Arc faisant enlever ses chaudières pour être réparées, à Toulon 16 août 1916. SPA/SPCA Amédée Eywinger/ECPAD/Défense
L’entretien des navires est pour sa part d’abord réalisé sur place avec éventuellement des navires et des hommes formés spécifiquement à la réparation d’urgence. Le vieux cuirassé Marceau est par exemple reconverti fin 1915 en navire de réparation pour la flottille française stationnée dans le port de Brindisi avec l’envoi de machines-outils depuis Toulon. Puis, si cela ne suffit pas, par exemple dans le cas d’une fuite dans une chaudière dûe à une malfaçon ou à une trop grande usure du bâtiment sans passage en bassin, les navires sont dirigés dans les ports et les arsenaux alliés. Si besoin, la France est prête à créer sur place ses propres locaux et arsenaux, comme cela a été le cas par exemple à Salonique. Enfin les grosses réparations ont lieu dans les arsenaux du pays, Toulon ou Bizerte pour l’escadre de Méditerranée. Ce sont alors les ingénieurs et les officiers mécaniciens des Majorités générales de chaque port qui les prennent en charge.
Réparation du croiseur-cuirassé à Bizerte en janvier 1916 SHD MV SS Kd 4
Par ailleurs, la guerre ne signifie pas la fin de la recherche d’augmentation des capacités. C’est une recherche perpétuelle de nouvelles inventions pour faire face aux enseignements de la guerre actuelle, de nouveaux modèles parfois testés en condition opérationnelle ou parfois du rachat de nos propres modèles exportés avant la guerre. Par exemple, quand en 1916 la marine française cherche à équiper ses navires de nouveaux modèles de brassières de sauvetage et à moderniser les périscopes de ses sous-marins stationnés dans l’Adriatique, plusieurs entreprises lui proposant les leurs. Parfois des ingénieurs et des marins proposent leurs inventions au ministère de la Marine. Certaines sont effectivement testées, d’autres sont rejetées dès la présentation du brevet comme « l’écran pare-torpilles complet à propulsion et direction propres » qui consiste ni plus ni moins à faire naviguer des plaques de métal verticales autopropulsées de plusieurs centaines de mètres carrés sur les côtés des navires. Les deux secteurs les plus actifs sont la lutte contre les avions et celle contre les sous-marins. Pour appuyer cette dernière, la Direction de la guerre sous-marine créée le 17 juin 1917 reçoit en première dotation un budget de 2 millions de francs. Son Service des inventions est chargé de mettre au point et de tester les systèmes de détection et de lutte contre les sous-marins ennemis.
Deux types de financements se côtoient selon la destination du paiement : une enveloppe budgétaire pour les achats courants confiée aux commissaires, aux chefs de mission de ravitaillement et aux attachés naval et militaire, et une ardoise pour les grosses sommes. Des sommes d’argent s’échangent en permanence, les directeurs et les chefs de service demandant leurs crédits auprès du cabinet du ministre de la Marine.
Comme en temps de paix, un marché est ouvert avec un cahier des charges puis une mise en adjudication est décidée ainsi que l’ouverture des crédits nécessaires. Tout ceci peut occasionner des problèmes de paiement ou des problèmes de fourniture réelle de ce qui a été contracté. Il y a des enquêtes au cours de la guerre pour vérifier que ce qui a été livré correspond bien au cahier des charges et au contrat signé. Les restrictions, voire la pénurie de certaines matières premières, obligent par exemple à remplacer le bois par de la brique creuse dans l’arsenal de Sidi-Abdallah, dans la baie de Bizerte. Des procès ont eu lieu après la guerre pour opérer une réfaction sur certains contrats.
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