L’ATELIER INDUSTRIEL DE L’AIR DE RAYAK (LIBAN)
C'est loin de la France, au cœur du plateau de la Bekaa encadré par les monts arides du Liban et de l’Anti-Liban, que se trouve située la ville de Rayak, au confluent du fleuve Litani et de la rivière Nahr Yahfufah, à soixante kilomètres de Beyrouth. Son aéroport accueille actuellement une base de l'Armée de l'Air libanaise et un musée de l'aviation, témoins d’une histoire aéronautique étonnamment riche.
En 1922 on voyait s'y poser les avions de "L'Aéro-club de Syrie et du Liban". En 1933 Paul Codas et Maurice Rossi battaient un record de durée de vol (56 heures) en reliant New York à Rayak (9000km).
L’aéroport de Rayak a été utilisé par l’Armée de l’air française lors des combats contre les Turcs « kémalistes » en 1920-1921 et contre les rebellions kurde et druze en 1925-1927.
Cet aéroport, de taille et de renommée certes modestes, a cependant joué un rôle important quand, à partir de l'été 1942, il a permis aux Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) de relier Alger à Moscou où le général de Gaulle avait une représentation diplomatique depuis mars 1942.
De 1940 au début de 1941 la base de Rayak avait dépendu du gouvernement de Vichy et appartenu à ce que l’on appelait alors l’Armée de l’Air du Levant, c'est-à-dire du Liban et de la Syrie, sous mandat français depuis la fin de la première guerre mondiale, la défaite des Ottomans et le partage de leur empire au Moyen Orient entre Français et Britanniques.
Dès l’été 1940, le gouvernement de Vichy s'était préoccupé de réorganiser l’armée de l’armistice et notamment l’armée de l’Air, et ceci en zone libre et outre-mer. Rayak est citée comme base-dépôt en août 1940. On y trouvait 14 avions dont 3 Simoun et 2 Goéland.
Au 31 octobre 1940 la "base dépôt" de Rayak comprenait 18 officiers, 45 sous-officiers, tous non navigants et 199 hommes de troupe, tous métropolitains. S’y trouvaient aussi des personnels civils : 26 agents, 241 sous-agents et 343 spécialistes dont les trois catégories correspondent visiblement aux catégories militaires. Il avait fallu transformer des militaires en civils pour se conformer aux termes de l'armistice, une mesure largement utilisée par le gouvernement de Vichy. Un certain nombre des personnels de Rayak seront d'ailleurs détachés auprès d’Air France au moment de la création d’un « Service civil de liaisons aériennes et d’aviation sanitaire au Levant ».
Mais les événements se sont ensuite précipités. La Seconde Guerre mondiale s'est aussi déroulée au Moyen-Orient. Le 1er avril 1941 éclatait en Irak une révolution soutenue par l'Allemagne, que les Britanniques allaient écraser. L’aéroport de Rayak servit alors aux Allemands, d’après les accords dits « Protocoles de Paris », pour se rendre d’Europe en Irak soutenir les insurgés. Les Britanniques soutenus par les Français Libres attaquèrent ensuite la Syrie et le Liban. Les combats durèrent jusqu’à l’armistice de Saint Jean d’Acre du 8 juillet 1941. Au cours de cette période l’aéroport de Rayak fut bombardé et une grande partie de ses installations détruites. Rayak est d’ailleurs cité dans les ouvrages mentionnant ces événements et notamment dans les mémoires de Jacques Benoist-Méchin ou dans le livre récent « Les combats et l’honneur » d’Etienne et Alain Schlumberger.
La base de Rayak allait alors devenir la première base des Français Libres au Moyen-Orient, avant celle de Damas, opérationnelle à partir d'octobre 1943. Elle fut remise en état et il s'y établit un AIA, d'envergure limitée il est vrai, où des avions furent entretenus et réparés.
Des recherches effectuées dans les archives du musée d’Air France, mises à notre disposition par Monsieur Parenteau, on retient tout d’abord que l’établissement possédait des hangars et un outillage mais pas vraiment l’équipement d’un AIA. On trouve aussi dans l’historique du Groupe Lorraine par le Lt Cl Charles Pijeaud l’expression : « Faute de pouvoir employer beaucoup de monde au parc de Rayak par manque d’outillage ».
D’autres remarques sont plus positives : Les deux escadrilles furent ensuite regroupées à Rayak en août 1941 et renforcées par des éléments venus des quatre coins du monde, elles formèrent le groupe de chasse « Alsace" au milieu de la plaine de la Bekaa encadrée par les monts arides du Liban et de l’Anti-Liban, la base de Rayak alignait très régulièrement ses hangars admirablement équipés, comme le rappelle l’ouvrage : Le groupe de chasse « Alsace », de Claude Raoul-Duval.
La base de Rayak sert donc de base aux groupes "Lorraine" (qui y reçoit la fourragère des mains du Général Catroux le 2 mars 1942) et "Alsace". C’est de Rayak que partent les avions pour une participation à la campagne d’Égypte. C’est aussi à Rayak que sont créées le 11 septembre 1941 les « Lignes Aériennes Militaires », c'est-à-dire l’Air France des Français Libres. C'est de Rayak que décollèrent vers Ivanovo, le 12 novembre 1942, les avions du groupe Normandie devenu ensuite "Normandie-Niemen". On connait l'histoire de ces aviateurs français qui combattirent sur le front de l'est, notamment lors de la bataille de Koursk.
Enfin Rayak servit d’étape entre Alger et Moscou comme l’indique encore H Collot dans son ouvrage « Alsace capitale Rayak » : « Ah que la vie est triste à Rayak, centre d’aviation ultra-moderne perdu dans un quasi-désert… La France Libre reçoit des Soviets l’autorisation de monter une ligne régulière Rayak Téhéran Stalingrad Moscou… Quelques Dewoitine 332 languissent à Rayak, ils sont en assez piteux état… Sur le terrain de Rayak on découvre une vingtaine de Morane 406. Certains appareils portent sur les ailes des croix gammées et aussi des drapeaux anglais, signes de victoires…Les équipages des Farman restés fidèles à Vichy attendent leur rapatriement. Toutefois, ne voulant pas nuire à l’action des Français Libres ils ont accepté de remettre en état leurs appareils, sur lesquels ils s’affairent…Le mess de Rayak est spacieux…mais la plupart des vitres ont été brisées…La base aérienne est la plus moderne du Levant".
Mais surtout les Français Libres entreprirent à Rayak la construction, de 1942 à 1944, de douze exemplaires du Rayack 43, avion d'entraînement imité du Tiger Moth britannique. Celui-ci fit son premier vol en mars 1944 avec Jean Morlaix aux commandes. Jean Morlaix était un nom de guerre. Il s'agissait de Jean François Demozay qui s'était vu donner à Alger au printemps 1943, par le général de Gaulle, les instructions suivantes : « Je veux que les pilotes français soient entraînés par des instructeurs français, sur un avion français, sur une base française. À cette fin je vous nomme, Morlaix, au commandement des Forces Aériennes Françaises au moyen Orient".
Des avions furent construits comme l'attestent les photos ci-après. Le projet d'avion Rayack 43 n'eut cependant pas de suite et les avions en construction furent abandonnés au Liban au départ des Forces françaises.
L’équipe de travail libanaise recouvrant le moteur et le vitrage devant le cockpit des pilotes
Mise en place des sièges des pilotes
Finition du montage du «Roupack 43-01»
Le souvenir de l’AIA de Rayak (photo prise par Henri de Wailly en 2004 et parue dans « Le Fana de l’Aviation en novembre 2004 »)
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