LE NUMÉRIQUE DANS TOUS SES ÉTATS
LA LIBERTÉ D’ACTION OU L’IRRESPONSABILITÉ ?
Le numérique est par nature transverse et horizontal, ce qui bride bien des initiatives pourtant nécessaires pour assurer notre liberté d’action dans les secteurs critiques via une maîtrise souveraine des ressources numériques. Le GINUM, Groupement des Intervenants du NUMérique pour la défense, la sécurité et les enjeux d’importance vitale a été créé pour faire émerger un numérique souverain et responsable, plus …vertical !
Un moyen pour une fin : la souveraineté numérique pour notre liberté d’action
Dans son acception usuelle, la souveraineté consiste pour un État à ne pas être soumis à un autre État ou à n’être déterminé que par sa propre volonté.
Elle n’est bien évidemment pas une garantie de réussite dans les politiques publiques. C’est souverainement que nous avons décidé, avant la pandémie Covid 19, de ne plus produire de masques chirurgicaux sur notre sol, ni même d’en stocker !
Dans le domaine numérique, on assimile souvent souveraineté et chaîne d’approvisionnement française ou, le cas échéant, européenne, par opposition à une dépendance vis à vis des États-Unis ou de la Chine. La production nationale contribue certes à la souveraineté en réduisant les dépendances ; mais, comme il est hors de portée d’imaginer disposer d’un écosystème numérique purement national, l’objectif de souveraineté reste théorique et illusoire, sauf à clairement déterminer et qualifier notre « besoin » en la matière.
Le besoin, pour nos activités vitales, est une liberté d’action garantie quelles que soient les circonstances ; celle-ci ne doit pas pouvoir être anéantie par la volonté d’un État tiers. Il y a donc évidemment un lien entre souveraineté et liberté d’action, mais, pour reprendre une formulation d’ingénieur, il ne faut pas se tromper dans l’analyse fonctionnelle !
Le GINUM
En septembre 2021, Orange Business Services, CS GROUP, Mentor Consultant et le Club Valin fondaient le GINUM (ginum.fr). Une quinzaine d’autres membres, grands groupes, ETI, PME et TPE les ont depuis rejoints avec l’ambition de promouvoir un numérique souverain et responsable, d’une part, en fédérant l’expertise technologique, académique et industrielle du secteur numérique pour la défense, la sécurité et les enjeux d’importance vitale et, d’autre part, en organisant le dialogue entre institutionnels et acteurs du secteur.
Un Livre Bleu, publié en mars 2022, met en avant 19 recommandations regroupées autour de quatre grandes thématiques.
Quatre thématiques
Tout d’abord, il faut promouvoir une stratégie industrielle qui doit être un levier pour notre liberté d’action. Les besoins prospectifs de la défense sont étudiés et pris en charge au sein du ministère des armées. Cela reste à faire pour la sécurité intérieure et civile et les OIV ! Et cette stratégie sera bien plus efficacement soutenue par des commandes, avec engagement de performance, que par des subventions. Il faut de plus prendre en compte les dépendances créées par le contrôle technologique international, notamment celui des règlements ITAR et EAR américains. Celui-ci concerne la totalité des technologies américaines, y compris les logiciels libres qui entrent dans son champ si des entités américaines y ont contribué.
« UN LOGICIEL LIBRE … PEUT ÊTRE LA MEILLEURE OU LA PIRE DES CHOSES »
Selon la formule multi-usage bien connue, un logiciel libre peut être selon les situations la meilleure ou la pire des choses ! Développé par une communauté française ou européenne élargie, il assure a priori un contrôle souverain et une bonne maîtrise des coûts. Développé par une communauté américaine au sein d’un grand groupe, le logiciel peut ne plus être maintenu sans préavis, entravant la liberté d’action.
Il faut également concilier innovation et respect des libertés fondamentales. Côté réglementaire, un Code du Numérique pourrait renforcer la cohérence et l’applicabilité des textes, et des outils d’analyse d’impact pourraient faciliter la mise en conformité des projets. Côté innovation, un bac à sable « Expérience-IA » (intelligence artificielle) pourrait être mis en place pour mener des expérimentations « sensibles », au lieu de les interdire par défaut.
Il faut encore renforcer la sécurité de notre chaine d’approvisionnement, sujet désormais bien identifié. Par exemple, les métaux rares sont une composante trop souvent méconnue de la chaîne de valeur des équipements matériels sans lesquels il n’y a pas de numérique. Autre exemple à méditer : le recyclage des composants électroniques dans une double logique de souveraineté et d’éco-responsabilité.
Enfin, et c’est évidemment essentiel, il faut former, attirer et conserver les compétences nécessaires pour une maîtrise souveraine du numérique. En vue de cet objectif, une première contribution serait d’assurer dans les cycles de formation, notamment de la fonction publique, un parcours numérique prenant en compte ces notions de souveraineté et de responsabilité. Plus largement, il faut cibler la mise en place d’une filière de souveraineté numérique au sein de laquelle une gestion des compétences et des parcours professionnels pourra être proposée.
Une approche par métier et des labels souverains
Le GINUM s’attache à traiter tous ces sujets dans le cadre d’une approche par grand métier ou secteur d’activité. En effet, le numérique d’usage général n’a jusqu’à présent pas été considéré comme industriellement stratégique à l’échelle nationale. Nous nous en remettons donc aux initiatives européennes qui ont manifestement encore un bon potentiel de progrès.
Le secteur couvert par le GINUM (défense, sécurité et OIV) n’est pas « monobloc ». Les libertés d’actions nécessaires et les domaines de souveraineté doivent donc s’appréhender par métier. C’est l’objet des groupes de travail et tables rondes organisées par le GINUM autour d’acteurs de ces secteurs clés.
Par ailleurs, à la suite de la première édition de son Livre Bleu, le GINUM s’est fixé l’objectif de définir et déployer des « labels souverains » pour les formations et compétences mais également pour les produits et les services. Si l’on se préoccupe, à juste titre, de la qualité des composantes de la chaine alimentaire, on ne peut qu’être interpellé par l’insuffisante propension à identifier la source des composantes de notre chaine d’approvisionnement numérique, pour savoir, par exemple, dans quelle mesure un produit a été conçu et/ou fabriqué en France ou en Europe.
Retrouver ou conforter notre liberté d’action sera une tâche ardue sur de nombreux points mais absolument nécessaire. En effet, au vu des enjeux colossaux que représentent la maîtrise de nos infrastructures vitales, de notre sécurité et de notre défense, l’ampleur des actions à engager et à continument soutenir ne saurait être un motif de renoncement.
Le GINUM a présenté son premier livre bleu le 21 mars 2022, autour d’une approche des enjeux de souveraineté numérique et les besoins métier
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