SOUVERAINETÉ... DE SOI-MÊME
Les différentes définitions de la souveraineté renvoient aux moyens que nous mettons en œuvre pour exercer notre bon vouloir sur notre domaine.
Ceci se produit à toutes les échelles, des empires nationaux ou industriels jusqu’à l’individu. Nous proposons de nous centrer sur la souveraineté de la personne et de tenter d’une part une approche par la légitimité de nos besoins, et d’ouvrir un questionnement sur la gouvernance de notre « royaume ».
Que pourrait-être ma souveraineté ?
Exercer sa souveraineté, c’est se réserver la possibilité d’agir, de parler, d’influencer pour faire valoir son point de vue et se faire respecter. Il n’est pas nécessaire d’agir pour cela. La dissuasion a depuis longtemps montré son efficacité à toutes les échelles : la possibilité d’agir suffit. Et même si on ne le peut pas, que l’adversaire le croie produit le même effet. La simple présence donne un droit, celui du respect et de la vérité. « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ». Je pense encore à la célèbre phrase de Staline : « le Vatican, combien de divisions, » dont l’histoire a démontré la fausseté.
agir, parler, ... se faire respecter
Ainsi, par un réseau d’actions, de relations, de postures, on construit dans l’esprit de nos interlocuteurs une position de souveraineté, qui nous rend légitime sur un périmètre d’action, ce que nous pouvons explorer sans risque d’opposition directe.
Une souveraineté qui s’applique partout, mais qui a ses limites
Depuis la Genèse où Dieu donna la terre à l’homme en lui disant « croissez, multipliez-vous et dominez la terre », l’homme se comporte en roi de la création. De fait, chacun est souverain d’une sphère d’action, d’un ensemble des choses qu’il touche directement ou indirectement. Cette sphère intègre une dimension temporelle, puisque nous essayons toujours d’anticiper le futur. Combien d’actions ne sont que des calculs pour l’avenir ? Ses proportions peuvent devenir gigantesques et l’on reste confondu des royaumes humains qui émaillent notre histoire : Alexandre, Napoléon et bien d’autres. La mégalomanie n’est pas loin lorsqu’on ne reconnaît plus d’autre mesure que soi-même, qui se confond avec notre empire.
Mais que nous soyons roi terrestre ou simple souverain de nous-même, il nous faut reconnaître que notre souveraineté n’est pas absolue, car nous subissons des événements imprévisibles. J’en veux comme exemple le tremblement de terre de Lisbonne qui traumatisa Voltaire en son temps, ou les drames de la vie auxquels chacun est confronté. Il faut y ajouter ces situations causées directement ou indirectement par l’homme, depuis les guerres qui emportent des millions de vies jusqu’aux problèmes de santé liés à une mauvaise hygiène de vie ou à un conflit personnel. Nous avons, à l’évidence, des limites.
Notre souveraineté se heurte également à celle de nos voisins. Le principe affirmant que la liberté de l’individu finit où commence celle de l’autre a beau être inscrit dans la déclaration des droits de l’homme et dans notre constitution, il cache dans son apparente justice bien des dérives, depuis l’indifférence à ce qui arrive à autrui tant que c’est sa liberté, jusqu’à la police de la pensée qui nous interdirait même d’avoir un avis sur les choix de sa sphère privée. En poussant un peu, je me demande même si le terme souveraineté ne sera pas bientôt objet d’opprobre, tout comme l’est le mot identité : acte « souverainiste » et réflexe « identitaire »...
Quelle légitimité à notre souveraineté ?
Qu’est-ce qui pourrait dès lors fonder notre souveraineté. Serait-ce le simple « je veux », l’un des premiers mots de l’enfant ? Chacun a observé que les premiers souhaits de l’enfant reflètent une toute puissance tyrannique: « je veux tout sinon je te tue. » L’éducation lui apprend à remplacer « je veux », par « j’aimerais » ou « s’il vous plaît » pour qu’il civilise sa volonté et la mettre en phase avec ses besoins comme ceux de son entourage. Gardons cependant à l’esprit qu’un excès de civilisation en ce domaine conduit à une forme de castration de la volonté : savons-nous encore vouloir, et plus précisément « bien vouloir» ?
Il semble légitime de connecter notre vouloir à nos besoins d’êtres humains. Pour les explorer, je vous propose d’utiliser la pyramide d’Abraham Maslow, qui les répartit en cinq classes. Dans ce modèle, très utilisé en management, on considère que les besoins de niveau supérieur ne sont ressentis que si les besoins de niveau inférieur sont satisfaits. « Ventre creux n’a pas d’oreilles » dit-on avec sagesse. Parcourons-en les degrés.
Les cinq degrés de la pyramide de Maslow en entreprise
1/ Au niveau fondamental, on trouve ce qu’on peut qualifier de droit de vivre : droit de respirer, de se nourrir, de dormir, de se protéger du froid ou du chaud, et de se prolonger dans une famille et des enfants. Chacun est légitime à réclamer ce minimum vital, qui fonde l’estime de soi pour sa personne. Si on ne l’a pas, on meurt.
-> En milieu professionnel, on peut ressentir des abus de pouvoir qui nous démolissent et ne nous laissent pas même la force de réagir... La souveraineté est réduite à zéro.
2/ Au dessus, on trouve les besoins de sécurité, comme avoir une stabilité de vie, construire sa maison, soigner sa santé, épargner pour envisager l’avenir sans crainte, être soutenu, être informé ; Si ces besoins ne sont pas remplis, certains vont jusqu’à fuir le pays qui les a vus naître...
-> En entreprise, décider de quitter une situation trop insécurisante peut être salutaire. C’est une manière de se préserver, de restaurer sa dignité intérieure : « on me dit que je suis nul, mais ce sera vrai surtout si je continue à me laisser humilier. »
3/ L’appartenance fournit un statut social. Faire partie d’une communauté nous donne le droit de nous exprimer et d’être écoutés, de bénéficier d’une solidarité, de partager des aspirations collectives. Cela permet de tisser des relations sociales et personnelles. Cette appartenance démultiplie notre rayon d’action, augmente notre sphère d’influence. En soignant nos réseaux, nos relations de confiance, nous donnons ainsi davantage de légitimité à nos actions. Aujourd’hui, de quel(s) groupe(s) nous reconnaissons-nous et que nous apportent-ils ?
4/ Le quatrième niveau est celui des besoins d’estime et de reconnaissance. Acquérir cette estime passe par pouvoir s’exprimer, être reconnu, développer son indépendance, faire valoir ses qualités propres et apporter une contribution personnelle. Se sentir apprécié et aimé fait partie des aliments les plus recherchés par l’homme. Et comme nous ne sommes pas les plus tendres avec nous-mêmes, nous recherchons souvent cette considération dans le regard d’autrui. Combien de réalisations n’ont comme motivation que le besoin viscéral d’être considéré. Et réciproquement, quel prince n’a pas sa cour ? Est-ce notre cas ?
5/ Enfin, nous trouvons au sommet ce qui concerne l’accomplissement de soi : s’épanouir en tant que personne et par ses réalisations, accéder à sa part spirituelle, vivre dans la paix intérieure et pour cela répondre à sa vocation individuelle et accéder au pardon. Notre souveraineté prend alors une dimension supérieure, moins matérielle, et conduit à s’accepter soi-même sans besoin de se comparer.
Ainsi, ce qui pourrait fonder notre souveraineté serait de vouloir progresser vers notre accomplissement : agir pour la survie, pour la sécurité, pour la construction sociale, pour apporter notre « service personnel » au monde, pour vivre en communion. Mais bien souvent, nous nous égarons hors de ce chemin. Comment retrouver notre boussole ?
Le royaume de notre vie
Pour cela, imaginons-nous comme à la tête du royaume de notre vie : notre souveraineté s’organise dans les actions quotidiennes que nous décidons. Mais en y regardant de plus près, décidons-nous de manière satisfaisante? Un certain nombre de personnes ont voix au chapitre. Il y a nos proches bien sûr, mais aussi des voix dans notre dialogue intérieur : des prudentes, des audacieuses, des bienveillantes et des déprimantes.
Réfléchissons à notre stratégie de vie : quels sont les objectifs de notre règne ? A quels besoins de la pyramide de Maslow répondent-ils aujourd’hui ? Comment saura-t-on qu’ils sont atteints ? De quelles ressources disposons-nous ? Y a-t-il des résistances extérieures ou intérieures aux changements souhaités ?
Qui a voix au conseil de mon royaume ?
Pour gouverner, qui avons-nous invité à notre conseil ? Y a-t-il des membres qui possèdent des droits (véto, parole, menace ou chantage) et d’autres qui n’en n’ont pas ? Pourquoi les leur avons nous accordés ? Dans les discussions, l’ambiance est-elle courtoise et les oppositions sont-elles entendues ? Y a-t-il des prises de pouvoir par certains intrigants ?
Et si nous voulions changer, comment pourrions-nous organiser une recomposition qui nous ferait reprendre la maîtrise de notre souveraineté ? Peut-être inviter les « mauvais conseillers » à expliquer l’intention positive qui sous-tend leur action – car il y en a toujours une –, les remercier de leur vigilance et reprendre la maîtrise de la décision lorsque leur opinion semble inadaptée. Inviter également des « bons conseillers » dans notre conseil en nous rappelant toutes les personnes qui nous ont fait grandir et en les convoquant intérieurement. Ils seront toujours là pour nous donner confiance en nous. Sans oublier bien sûr les personnes physiques à qui nous nous fions.
Cela permettra de lever des blocages parfois anciens et d’ajuster une stratégie de vie qui prenne en compte nos véritables besoins, en montant les étages de la pyramide. Notons qu’en y réfléchissant, nous ouvrons déjà un pied-à-terre au cinquième étage...Ainsi, nous serons en mesure de mieux hiérarchiser nos besoins, de prendre des décisions bonnes pour nous et de construire une sphère d’action légitime et proportionnée. N’est-ce pas la clef d’une saine souveraineté ?
Auteur
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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