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24 octobre 2015

ARCHITECTURE RESEAU IP/MPLS
UN ATOUT POUR LA DEFENSE

Publié par Etienne Lafontaine, GCA, ALCATEL LUCENT et Philippe Agard, ALCATEL LUCENT | N° 107 - Profession décideur

La numérisation au cœur de la supériorité décisionnelle des armées

« Le commandement en opérations s’exerce aujourd’hui dans un environnement d’une rare complexité : multiplication du nombre de parties prenantes au règlement des crises, nature interarmées des opérations, actions en coalition avec des règles d’engagement propres à chaque théâtre [...] prégnance d’une communication permanente et instantanée »

Général Irastorza (Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre 2008-2011 – Doctrine Tactique, n°20, 2010)

 


Ces dix dernières années ont été marquées par une évolution des cadres d’engagement des forces armées. Plus mobiles, plus autonomes, et plus dispersées également, elles interviennent dorénavant dans des opérations interarmées et multinationales aux configurations variées. Ces interventions requièrent la prise en compte d’un nombre croissant de paramètres interdépendants provenant de capteurs ou sources d’informations eux-mêmes très divers.

L’utilisation systématique de drones, de positions géo-référencées, l’apport des images, ou l’usage des réseaux de téléphonie de circonstance, sont la réalité des opérations actuelles qui nous permettent d’anticiper les opérations futures. Des robots terrestres, aériens et maritimes avec des senseurs multiples renseigneront l’espace de bataille. Le soldat sera équipé d’objets connectés lui permettant de disposer des informations nécessaires à sa mission. Ainsi la généralisation de l’usage des données, de l’image et de la vidéo sont des évolutions majeures. Ces développements et l’apparition concomitante de nouvelles menaces ont suscité, dans toutes les armées modernes, un effort de « transformation » important, pour renforcer leur supériorité opérationnelle et décisionnelle. 

Mais, les performances croissantes de ces capteurs de renseignement (drones, caméras de vidéosurveillance, moyens de renseignement satellitaires, etc.) génèrent un flux accru d’informations. A celui-ci s’ajoute le besoin d’un traitement et d’une diffusion rapide de l’information, qui a pour conséquence une forte demande en transmission de données sur les moyens existants, dont les limites sont déjà atteintes. Les réseaux de communications garantissent donc à tous les acteurs de pouvoir mutualiser leurs informations détaillées de la situation en direct pour définir et appliquer, ensemble, la meilleure stratégie opérationnelle.

Ils constituent une composante clé de la supériorité décisionnelle pour les armées modernes. 

Une nouvelle approche pour faire face à l’explosion de ces besoins

Les principaux types de réseaux de communication sont classés actuellement en trois types: • des réseaux d’infrastructure (fixes), reliant notamment les infrastructures permanentes de la défense (bâtiments, ports, bases militaires, centre opérationnels et administratifs…), ces réseaux peuvent également s’interconnecter avec d’autres réseaux nationaux et alliés, ainsi que les réseaux des autres ministères, dans le cas de missions de sécurité globale ou de situation de crise ; 

• des réseaux d’élongation (essentiellement satellitaires), reliant les structures de commandement aux forces déployées sur les théâtres d’opération ; 

• des réseaux tactiques (mobiles), assurant les communications tactiques nécessaires aux forces déployées. 

Les réseaux d’infrastructure ont été construits initialement de manière très hiérarchique pour acheminer essentiellement de la voix. Ils ont ensuite progressivement été adaptés pour transporter des données. Cette situation a pu conduire à des contraintes fortes en matière : • d’utilisation : certains officiers d’état-major doivent désormais utiliser quotidiennement plusieurs intranets, or les échanges entre intranets nécessitent un nombre important de manipulations pour les usagers et les administrateurs,

• de déploiement : la réglementation en matière d’échanges d’informations classifiées impose la mise en place de plusieurs réseaux séparés,

• de ressources humaines : le nombre de spécialistes de l’administration et de la maintenance des réseaux pourraient devenir difficile à obtenir, et la superposition de systèmes hétérogènes est très coûteuse, 

• d’interopérabilité : la multiplicité des standards utilisés conduit à une hétérogénéité extrême qui fragilise la cohérence sans tirer parti des atouts qu’offrent les technologies issues du monde des télécoms civiles et de l’Internet,

• d’investissement : la multiplicité de réseaux représente un coût d’acquisition, de fonctionnement et de maintenance de plus en plus élevé. Si l’intégration croissante d’équipements disponibles sur étagères est une première réponse, elle n’est cependant pas suffisante.

Une architecture des réseaux d’infrastructure s’appuyant sur le protocole IP/MPLS permet de faire face à ces contraintes. Elle associe alors les bénéfices de l’IP avec la résilience et la qualité de service apportée par le MPLS (Multi-Protocol Label Switching), ce qui est indispensable pour les réseaux critiques. 

Cette technologie offre une solution évolutive. Elle supporte des débits supérieurs à 100 Gbit/s et peut accueillir plusieurs applications et systèmes sur un réseau fixe convergé. Elle permet de résoudre les problématiques d’interopérabilité et d’interconnexion de systèmes hétérogènes et de réseaux possédant des caractéristiques différentes (par exemple transport des liaisons X25, X21, FR, ATM, SDH, TDM, FXO). Grâce à sa grande résilience, elle assure la convergence de la voix, des données et de la vidéo et traite les flux des données opérationnelles en temps réel, intégrant également la capacité de gérer des niveaux de priorité et de qualité de service différenciés. L’IP/MPLS offre la possibilité de facilement mettre en place une architecture de cloud privé, permettant de déporter à distance et de façon centralisée de plus en plus de systèmes d’information métier, gage de l’optimisation des ressources informatiques et télécoms. Enfin, en mutualisant les besoins des différents services et armées sur un même réseau, les coûts opérationnels peuvent être significativement réduits, tout en améliorant la performance des réseaux. 

Par ailleurs certaines armées ont sélectionné des architectures réseaux combinant l’IP/MPLS et la 4G/LTE, par exemple pour des applications de couverture haut débit des bases, pour étudier la protection de convois de véhicules en zone de conflits ou pour la connection de multiples capteurs. Le LTE est également en voie d’adoption par les grandes agences de sécurité publique au niveau mondial pour apporter le haut débit en mobilité (données, video) en complément des réseaux voix déjà en place. Le standard 3GPP va introduire dans ses futures versions les évolutions nécessaires pour supporter également les communications de groupe (Voix, Multimedia) mission critique.

Dans le secteur civil, les opérateurs télécoms bien sûr mais aussi de grands opérateurs d’importance vitale ont adopté ces architectures de réseaux. Ces technologies contribuent aussi aux évolutions des réseaux militaires, tout en prenant particulièrement en compte les besoins particuliers de la Défense en matière de Cyber Sécurité. On peut souligner ici l’importance d’une initiative comme le Pôle Excellence Cyber, portée par le Ministère de la Défense et la Région Bretagne. Elle vise entre autres à développer la R&D et la collaboration entre certains acteurs clefs du monde des Telecoms (dont Alcatel-Lucent), de l’IT, des OIV et des intégrateurs Sécurité/Défense pour contribuer à faire émerger des solutions de confiance et une filière d‘excellence française dans le domaine de la Cybersécurité. Pour satisfaire ces besoins et tenir compte des contraintes budgétaires, l’architecture des réseaux militaires peut donc de plus en plus s’appuyer sur les technologies développées pour les télécommunications civiles (IP/MPLS, architecture Cloud, LTE,…) tout en gardant leurs spécificités. Une telle démarche permet de bénéficier d’économies d’échelle sans compromis sur la performance. Cette intégration des technologies civiles et militaires doit toutefois, pour des raisons évidentes de sécurité et d’interopérabilité, être organisée.

Cela sera la condition pour continuer à offrir à nos forces la supériorité de l’information, essentielle à la prise et à l’exécution des décisions les plus pertinentes.

Auteurs

Etienne Lafontaine, GCA, ALCATEL LUCENT
Philippe Agard, ALCATEL LUCENT
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