CHINE : COMMENT PROGRESSE L’ARABIE SAOUDITE DE LA DONNÉE ?
Par cette formule frappante, The Economist signalait en juin 2017 la carte maîtresse de la Chine dans le numérique, que sont ses énormes bases de données. Cela ne fait pas tout pour gagner la bataille de l’IA. Pour cela la Chine déploie une stratégie dynamique et très complète, en reconnaissant les apports de ses entreprises et ses leaders internationaux (Baidu, Alibaba, Tencent, etc.). Le principal défi à relever sera celui de la compétence. Sur ce terrain, elle poursuit un parcours exceptionnel entamé il y a 70 ans en relevant le défi de l’instruction élémentaire.
La Chine en 2018, c’est 800 millions d’internautes, 5 milliards de formulaires électroniques échangés chaque mois entre citoyens et administration, 1,8 milliard d’utilisateurs réguliers cumulés pour WeChat et Baidu (Facebook tutoie les 2,2 milliards), et 9000 Md USD de paiements par smartphone en 2016 (112 aux Etats-Unis). Après avoir mis l’accent sur la maîtrise technologique du cloud et des données en masse depuis 2012, elle s’attaque aux problématiques de maturation de service et de gouvenance des données, notamment en machine-learning. Elle mise sur son immense marché et sur le dynamisme de ses usages et de ses acteurs pour accélérer, sur deux plans.
L’international tout d’abord : aux Etats-Unis comme chez nous, les leaders chinois du numérique débarquent, dans la foulée de ceux de l’électronique de grande consommation, avec des offres qui ont fait leurs preuves et une puissance financière considérable. Par exemple Alipay projette d’engloutir une levée de fonds record de 14 Mds USD.
Au niveau national, l’objectif affiché est de détrôner les Etats-Unis en IA en 2030. On peut voir cela sous deux angles.
L’angle historique : après avoir relevé le défi de l’éducation et de la formation professionnelle (cf. figure ci-dessous), puis refondu au tournant du siècle le système universitaire pour inverser le brain-drain vers les Etats-Unis, la Chine fait désormais pleuvoir un déluge de brevets (autant que l’Europe, l’Amérique et le Japon réunis), pour moitié dans le numérique.
Sous un angle plus stratégique : au-delà des chiffres évoqués ci-dessus, la Chine garde un appétit énorme pour les nouveaux usages et déroule un programme très complet. Au plus haut niveau, un plan de développement d’une nouvelle génération d’IA1, publié en juillet 2017, approfondit celui de septembre 2015 sur le Big Data. Il promeut la complémentarité entre entités académiques, publiques et privées, fait une large place au développement des usages et aux leaders privés (pour mémoire, 78% des financmeents de R&D du pays proviennent du secteur privé), et aussi, prône la multidisciplinarité. Ce socle est complété par des centaines de réglementations promulguées par les ministères (agriculture, sécurité intérieure, santé, education, etc.) et au niveau central comme par exemple, des lignes directrices publiées fin 2017 sur la numérisation dans l’automobile, la robotique, la santé et d’autres secteurs. Les enjeux de rapidité, maximisation de valeur et sécurité intérieure priment sur la protection des données personnelles, qui font toutefois l’objet de travaux, notamment dans la santé.
Le pouvoir central a aussi lancé une dynamique forte au niveau provincial. Quelques uns des dispositifs présentés ci-dessous ont déjà été rejoints par des
institutions publiques de premier plan. L’émulation est vive, ce qui aggrave le décalage entre les ambitions et le déficit de talents, qu’un brain-drain et un effort de formation même bien orchestrés, comme cela semble être le cas, peinent à combler.
Que font les Etats-Unis et l’Europe pour développer leurs talents et leurs forces d’innovation ?
Tout d’abord, on peut constater que ces forces sont bien réelles et à l’oeuvre, y compris chez nous ; il n’y a donc pas lieu de céder à la panique. Si l’on considère par exemple les multiples dénombrements, sources d’informations et études sur les startups en IA (Crunchbase, sources officielles nationales, publications par des V.C, etc.), au-delà de discordances parfois fortes, on peut toutefois estimer leur nombre entre 1000 et 2000 aux Etats-Unis, entre 500 et 1000 en Europe (au Royaume Uni au moins autant qu’en France et Allemagne réunies, ce qui pourrait reflèter le décalage entre les niveaux de financement), et entre 200 et 500 en Chine. On ne peut donc pas dire que le terrain européen ne reste pas propice, mais il convient absolument de le cultiver ; d’autant que la Chine semble dominer désormais nettement – en ces termes, tout au moins - chaque pays européen pris isolément.
Les Etats-Unis ont édicté en mai 2016 un plan fédéral sur la recherche en IA et ses applications. L’effort public portera sur des domaines distincts de ceux developpés par les GAFAM, censés poursuivre sur leur lancée.
L’Europe, quant à elle, avec 4 Mds USD d’investissements annuels, fait pâle figure face aux quelques 15 Mds USD investis en en R&D en 2017 de part de d’autre du Pacifique dans le Big Data et l’IA2.
Peut-on espérer que France IA, la New Digital Strategy britannique et l’usine 4.0 impulsée par l’Allemagne, institut Fraünhoffer en tête, pallieront à l’absence de stratégie européenne ? Certes, le volume de données allié a la puissance brute de calcul ne remplaceront jamais la qualité des algorithmes ni la créativité de nos mathématiciens. Il y a peut-être là une opportunité pour la France. Pour la saisir, il sera nécessaire de faire preuve de persistance dans l’effort et de discernement dans les priorités.
2 : https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/dem/monitor/sites/default/files/DTM_AI%20USA-China-EU%20 plans%20for%20AI%20v5.pdf
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