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IPER/Adaptation au M51 du SNLE Le Téméraire avec les équipes du SSF, des forces sous-marines et de Naval Group
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01 octobre 2019

« Il faut que ça vogue (*) »

Publié par Jean-Georges MALCOR, Président du CORIMER | N° 119 - Le MCO

(*) Reprise du titre du discours de la Ministre Florence Parly à Toulon le 5 mars 2019

La mission sur le MCO Naval lancée par la Ministre fin 2018 a montré un bilan plutôt positif : le MCO naval remplit globalement ses objectifs et les utilisateurs finaux sont satisfaits alors que leurs missions sont toujours plus complexes. Il est de plus bien positionné en comparaison avec ce que l’on peut trouver dans d’autres pays. Les conclusions prônent  notamment l’emploi des nouvelles technologies de l’information, du digital et de la communication.


État du MCO Naval

Le contrat opérationnel de la Marine exige de garantir un niveau de disponibilité technique élevé chez toutes les parties prenantes partout dans le monde, qu’’il s’agisse des 35 navires et 4 000 marins quotidiennement à la mer ou de la permanence d’une posture nucléaire.

Pour autant, les plateformes navales peuvent être très complexes, font appel à de très nombreux corps de métiers, et sont très hétérogènes en technologie, en maturité et en âge.

Le coût du MCO naval (de l’ordre du milliard d’euros par an) dépend très fortement de la politique d’acquisition et représente entre 45% et 60% du coût de possession global, selon le niveau de complexité de la plateforme. Enfin, le MCO est une composante importante du succès à l’export et de la capacité à nouer des relations durables avec les marines étrangères opérant des plateformes d’origine françaises.

Le MCO naval français, un modèle particulier reposant sur 3 piliers

Depuis la réforme de 2003 et la privatisation de la DCN, le MCO s’est finalement organisé sur un modèle reposant sur 3 piliers indissociables :

- L’équipage. Un bâtiment de la marine, c’est à la fois un outil de travail et un lieu de vie. Le marin est attaché à son bateau et il en prend soin, il le respecte, il le connaît par cœur.

- L’appareil étatique majoritairement au sein des 2 services de soutien de la marine : le SSF et le SLM avec le support du SID pour les infrastructures industrielles et portuaires. La DGA, en tant que responsable des programmes neufs et de rénovation, échange quotidiennement avec le SSF pour prendre en compte les exigences du MCO. Sans ces acteurs étatiques, aucun dépannage d’urgence le dimanche soir, et aucune infrastructure pour accueillir et épauler les bâtiments.

- Les partenaires industriels qui ordonnent, assemblent, et assurent l’entretien des plateformes, de leurs systèmes et équipements, main dans la main avec les personnels étatiques.

Les apports des nouvelles technologies pour un MCO innovant

L’apport des nouvelles technologies (information et communication, énergie, cognitive...) aura un impact considérable sur les plateformes et sur leur maintenabilité. Les plateformes sont de plus en plus complexes, à logiciel prépondérant et font appel à des technologies modernes et interconnectées. Les équipages se réduisent avec souvent une logique de double-équipage. Les interfaces se multiplient, les plateformes évoluent par incréments technologiques rapides et le volume des données à traiter explose. Le numérique peut et doit révolutionner le MCO notamment au travers de la maintenance prédictive.

En passant d’une approche réactive à une approche proactive, il est possible de changer radicalement la stratégie de maintenance, de n’intervenir que lorsque c’est réellement nécessaire et de réduire considérablement les budgets tout en conservant, voire en améliorant, la disponibilité. Il est possible de définir 6 étapes dans cette nouvelle approche de maintenance prédictive. Elles ont toutes des degrés de complexité et de maturité différents :

- Etape 1 : articuler clairement les objectifs de maintenance basés sur les missions à remplir (les fiches d’expression de besoin), la connaissance intime de sa plateforme, de ses points critiques (au sens ‘mission critical’), des retours d’expérience et de l’historique. Cette étape est impérative et peut se mettre en place immédiatement.

- Etape 2 : sur ces bases, définir ce que l’on veut mesurer et collecter et instrumenter la plateforme (senseurs, IoT, technologies). Cette étape est accessible dès à présent mais demande une connaissance intime de la plateforme. Il est techniquement possible d’instrumenter les premiers systèmes, si ce n’est déjà le cas.

- Etape 3 : manager, stocker, sécuriser et garantir l’intégrité de la très grande quantité de données rendues disponibles. Il ne faut pas sous-estimer le tsunami de données ni les points contractuels à traiter : à qui appartient la donnée, qui peut y avoir accès et sous quelles conditions (secret de la défense nationale, propriété intellectuelle...), où est-elle stockée, quels sont les impératifs de cybersécurité à respecter ? Cette étape est essentielle. L’État doit impérativement rester propriétaire de la donnée quitte à en garantir l’accès aux industriels concernés. Ce sujet doit rapidement être abordé et discuté avec les différents industriels concernés (concepteurs ou équipementiers principaux), qui prennent tous des initiatives.

- Etape 4 : traiter la donnée et mettre en place les systèmes et algorithmes pour extraire la valeur de la donnée et proposer un diagnostic. Cette phase fait appel aux technologies de l’intelligence artificielle, du deep learning et du machine learning, jumeaux numériques... Elle est en phase de maturation rapide et les industriels y travaillent déjà très activement. L’Etat (sous couvert en particulier de la DGA) a déjà pris un certain nombre d’initiatives qu’il convient de saluer et d’accélérer.

- Etape 5 : en rebouclant avec les objectifs définis plus haut, prendre les décisions de maintenance prédictive et finaliser le modèle et la stratégie de maintenance avec son corpus contractuel qui doit l’accompagner. Il s’agit ici de ne plus faire de maintenance préventive souvent coûteuse basée sur des visites programmées liées au nombre d’heures de fonctionnement et d’entrer dans une logique d’inspection/d’intervention/prédiction en s’appuyant sur les modèles avec à la clé une formation continue efficace. C’est la partie la plus délicate mais la plus prometteuse. Elle posera des questions complexes de transfert de responsabilité, d’engagement de garantie, d’engagement de disponibilité et de structure contractuelle qu’il faut anticiper dès aujourd’hui en recherchant les conditions qui permettront pour les objectifs recherchés, un transfert de risque vers les industriels à un coût acceptable.

- Etape 6 : avec les premiers retours d’expériences, anticiper les conditions futures, bâtir les nouveaux modèles de maintenance, les infuser dans les différentes organisations (EMA, EMM, équipages, SSF, DGA, SLM, SID, DIRISI ...) et les intégrer dans les nouveaux programmes dès les premières études de conception.

En conclusion

Les points d’amélioration ou d’optimisation proposés devraient rendre l’écosystème du MCO naval plus résilient et mieux préparer l’avenir. Ils s’articulent autour de quatre thèmes :

- Simplifier, améliorer et optimiser l’existant pour continuer à satisfaire les utilisateurs finaux dans les budgets impartis tout en structurant la filière industrielle navale française ;

- Se préparer aux métiers de demain pour disposer d’une flotte « physique » qui navigue plus avec des marins bien formés qui naviguent moins grâce aux doubles équipages ;

- Intégrer l’apport des nouvelles technologies et de la maintenance prédictive ;

- Améliorer nos offres MCO export pour proposer une offre française qui gagne.

La Ministre Florence Parly a repris à son compte l’ensemble de ces lignes de force dans son discours du 5 mars 2019 à Toulon. Il conviendra maintenant d’en suivre la mise en œuvre.

 

    
Jean-Georges Malcor, Président du CORIMER
 
Centralien et docteur-ingénieur, il est familier du monde naval, civil et militaire. Après 26 ans chez Thomson/Thales, dont 11 ans en Australie, il est DG de CGG de 2010 à 2018. Il siège dans différents conseils d’administration en France et à l’étranger, est « senior advisor » chez Alix Partners et préside le Conseil de la Recherche et de l’Innovation des industriels de la MER (CORIMER).
 
 

 

Auteur

Jean-Georges MALCOR, Président du CORIMER

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