L’ARABIE SAOUDITE, NOUVEL ELDORADO DES ARCHÉOLOGUES
L’Arabie apparaît souvent au lecteur occidental comme une terre sans histoire avant la mission du Prophète Mohammed. Pourtant, depuis plus d’un siècle, les archéologues, souvent français, mettent au jour des vestiges remontant à des temps immémoriaux, dont certains sont inscrits aujourd’hui au patrimoine mondial de l’humanité.
La péninsule arabique apparaît souvent au vulgus pecum comme une terre dépourvue de passé avant l’apparition de l’Islam, sauf à sa marge méridionale où tout un chacun a entendu parler du royaume de Saba.
Pourtant le royaume d’Arabie saoudite regorge de vestiges anciens d’un intérêt exceptionnel, des milliers d’inscriptions et de dessins dans le désert, des centaines de tombes datant pour certaines de plus de 3000 av. J.-C. comme à El Kharj, ou des sites d’une ampleur comparable à Pétra ou aux Pyramides et classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme celui de Madaïn Saleh au Nord-Ouest du territoire.
Les Français ont été parmi les premiers à s’intéresser à cet immense patrimoine dès le début du XXème siècle avec les pères dominicains Jaussen et Savignac qui firent les premiers relevés des ruines de Madaïn et prirent de nombreuses photos du site.
Les Saoudiens ont commencé quant à eux à s’intéresser à ces vestiges il y a une vingtaine d’années avec la création de la Commission nationale du tourisme et de l’archéologie. L’idée du Roi Abdallah était d’abord de contribuer à la formation d’une nation saoudienne en montrant à son peuple qu’il avait une longue histoire au-delà des limites connues de l’Islam et des tribus. Ce ne fut pas un long chemin tranquille que de contribuer à la découverte archéologique du royaume. En effet, l’on entrait ainsi dans des territoires où la religion se mêlait à l’histoire, où la science voisinait avec des traditions séculaires, où un bétyle, statue d’un dieu antique, passait pour une idole à détruire aux yeux de cet Islam conservateur que représente le wahhabisme. Madaïn Saleh, merveilleux site nabatéen comparable à celui de Pétra, est ainsi mentionné dans le Coran comme le pays des Thamud qu’Allah détruisit pour leur paganisme. Un hadith présente le lieu comme maudit, et en conséquence de nombreux saoudiens se refusaient à y séjourner.
Aujourd’hui le climat est plus apaisé et les autorités saoudiennes sont parfois fières d’exhiber leur passé comme elles l’ont fait dans l’exposition « Routes d’Arabie » commencée au Louvre et qui n’en finit pas désormais de parcourir le monde. Cette ouverture a permis en particulier d’installer en Arabie plusieurs missions archéologiques françaises en coopération avec le CNRS : outre Madaïn, le MAEE et l’ambassade de France soutiennent en 2014 les archéologues français à Dumat El-Jandal dans l’oasis de Jauf ; à Al-Kharg au Nord de Riyad, à Kilwa dans le Nord du pays, dans la région de Najran pour les inscriptions, et enfin tout récemment une dernière mission a été installée sur les îles Farasan.
« Un immense patrimoine à découvrir »
Outre leur travail habituel de fouilles, de dégagement des sites et d’interprétation des vestiges, les archéologues français se sont aussi engagés récemment, avec le soutien de l’ambassade, dans la préservation des sites. C’est en effet le plus grand défi que l’archéologie saoudienne doit aujourd’hui relever : il faut, d’une part, assurer avec les autorités locales la protection des vestiges mis au jour, et d’autre part les mettre en valeur et les ouvrir au public. Ce n’est pas une tâche facile en l’absence de législation du patrimoine. C’est pourquoi l’ambassade a décidé de répondre au vœu des autorités de faire venir en Arabie des experts français pour créer un droit du patrimoine bâti. De même nous avons commencé en janvier 2014 une série de formations en partenariat avec l’Institut National du Patrimoine et le Louvre à destination des responsables de site, conservateurs de musée et autres archéologues, dans l’espoir de soutenir les efforts de nos partenaires saoudiens pour préserver et faire connaître leur richesse culturelle. Nous sommes aidés dans notre travail par des mécènes comme le groupe Airbus.
La prochaine étape de la découverte du passé saoudien sera sans doute à brève échéance l’ouverture du pays au tourisme étranger. Cet accès au tourisme à plus grande échelle devrait permettre la création de tout un environnement (guides, brochures, signalétiques, hôtellerie, musées, etc) où la France - avec son expertise reconnue tant dans le tourisme que de l’archéologie - pourrait rapidement occuper la place de premier partenaire du royaume.
La forteresse de Doumat Al Jandal, où officie une des missions archéologiques françaises, témoigne des efforts de réhabilitation du patrimoine entrepris par la Commission Saoudienne du Tourisme et des Antiquités
Quelques tombeaux de Madaïn Saleh
Jean-Louis Laveille, IGA
Jean-Louis Laveille Jean-Louis Laveille est agrégé ès lettres modernes hors classe. Il a fait la majeure partie de sa carrière dans les services culturels français à l’étranger, et en particulier dans le monde arabe. Passionné depuis toujours par l’archéologie, il a suivi la coopération française dans ce domaine dans deux pays où elle a une présence depuis longtemps, Egypte et Syrie, et maintenant en Arabie.
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