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17 mars 2021

LE COMMANDEMENT DES OPÉRATIONS SPÉCIALES
INC(HUB)ATEUR OPÉRATIONNEL

Publié par Eric Vidaud, GDI | N° 122 - Les Forces Spéciales

S’éloignant de l’image véhiculée par le 7e art, les forces spéciales se muent en intégrateurs interarmées, interministériels et internationaux pour affronter les conflits de demain.


Vingt huit années d’existence ont enrichi le spectre d’emploi du commandement des opérations spéciales (COS). D’un commandement de troupes de choc, il a étendu ses savoir-faire à la guerre asymétrique et au contre-terrorisme. Le retour des menaces hybrides et des Etats puissances, les nouveaux champs de confrontation, l’appropriation de nouvelles capacités sont autant de défis à relever pour le COS. Son état-major poursuit sa continuelle mutation pour gagner en agilité, transformer ces défis en opportunités et garder l’ascendant sur l’ennemi.

Fondé en 1992 sur la base des enseignements tirés de la première guerre du Golfe, le COS devait initialement répondre à une mission de troupes de choc, capables d’opérer en amont des forces conventionnelles. Son emploi s’est par la suite enrichi, tout en restant dans le domaine des actions revendicables hors territoire national.

Le panel des savoir-faire du COS est le reflet de ses quatre vies

En vingt-huit années, le COS a déjà vécu quatre vies. Son premier emploi a été celui de l’urgence. Les missions aux Comores (1995), en République Centrafricaine (à partir de 1996) et plus récemment, celles dans le cadre de tueries de masse à Ouagadougou (2014) et à Bamako (2015) illustrent ce COS « urgentiste ».

Puis, deuxième temps de l’histoire, le COS a été engagé dans des campagnes de longue durée en République de Côte d’Ivoire et dans les Balkans à la recherche des criminels de guerre. Il s’est vu confier des missions de formation, notamment en Afrique de l’Ouest. Ces pré-positionnements lui ont permis, en premier, de contrer très rapidement l’offensive islamiste au Mali en janvier 2013.

La troisième génération du COS, c’est la lutte contre le terrorisme. Depuis l’Afghanistan (Arès dès 2003, puis Jehol en 2009), le COS a tiré les enseignements pour devenir aujourd’hui un des référents dans ce domaine. Il a étendu son expérience grâce à la diversité de ses cadres d’engagement, au Sahel et au Levant. Il a progressivement intégré les capacités nécessaires à cette traque de longue haleine : chaîne décisionnelle très courte, moyens dédiés, rapprochement avec tous les services français et alliés impliqués dans ce combat, procédures spécifiques, approche globale et systémique des réseaux terroristes, mise en œuvre de moyens de renseignement. Aux échelons tactique et opératif, il est devenu un intégrateur interarmées, inter-services et international, comme on le voit par exemple aujourd’hui avec la Task Force (TF) Takuba au Mali, TF européenne ; intégrateur interministériel aussi en permettant l’accès à certaines zones de conflit à d’autres ministères.

Le COS aborde désormais sa quatrième ère. C’est le retour des affrontements entre Etats puissances au travers de stratégies hybrides, caractérisées par la multiplicité des acteurs civils et militaires et l’ambiguïté des actions difficilement attribuables, le plus souvent sous le seuil du conflit ouvert. Le jeu des grandes puissances se fait en partie par procuration. Nous faisons face à des adversaires qui possèdent des capacités modernes rétablissant une forme de symétrie technologique : brouillage, jumelles de vision nocturne, drones...


Bienvenue au sein des FS

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De fait, le spectre capacitaire à mettre en œuvre s’élargit nécessairement : drones, appui feu, renseignement, guerre électronique, cyber, déminage, combat urbain, NRBC, capacités médicales pour soigner à distance... Tous ces savoir-faire ont été mis en œuvre au Levant dans l’offensive contre l’état islamique. Au-delà des milieux physiques de confrontation, le champ des perceptions est aussi l’objet d’une féroce compétition au point d’être devenu un espace de bataille à part entière. 

Dans ce contexte, il va s’agir de synchroniser toutes les actions pour mettre en œuvre la stratégie nationale, c’est le défi de demain.

Pour cela, à l’horizon des quinze années à venir, le COS s’est fixé quatre priorités :

- garder l’homme au cœur de son système,

- toujours anticiper, toujours innover,

- agir et interagir en réseau,

- générer une structure de commandement agile et dynamique.

Le COS, commandement opérationnel, tributaire des armées, services et directions pour ses moyens capacitaires

Le GCOS est un contrôleur opérationnel. Il dirige l’ensemble des opérations spéciales, en employant les capacités humaines et matérielles fournies par les armées. Sans les efforts consentis par les armées et les services, il ne pourrait mener à bien ses missions. Ses succès sont collectifs, ce sont aussi ceux de très nombreuses unités.
Certaines lui sont quasi-dédiées dans les quatre composantes de forces spéciales, au sein du CFST (Commandement des Forces Spéciales Terre), d’ALFUSCO (les commandos marine), de la BFSA (Brigade des Forces Spéciales Air) ou du service de santé des Armées (1re Chefferie du service de santé forces spéciales). D’autres viennent en appui de ses opérations : c’est le cas des escadrons de drones, de navires de la marine, de régiments de transmissions, d’artillerie, de la direction du renseignement militaire...

Dès lors, une des difficultés du COS est de satisfaire ses besoins opérationnels sans avoir les prérogatives pour les développer lui-même. Ses impératifs viennent parfois en conflit avec les priorités des armées, qui portent cette responsabilité, dans un environnement financier contraint. Par ailleurs les processus de développements capacitaires sont peu adaptés aux impératifs de flexibilité, de réactivité et d’innovation rapide imposés par nos adversaires.
Or le faible volume d’opérateurs déployés et le besoin d’adapter le matériel utilisé à chaque théâtre rendent l’acquisition sur étagère (fusil de précision) ou l’adaptation de matériel existant (ARAVIS de NEXTER ou version FS du NH90) ou même la location parfois plus pertinente. Restent les processus de qualification dont les délais sont peu compatibles avec des besoins souvent immédiats, parfois éphémères.

L’équilibre entre les risques à consentir dans l’emploi d’un équipement et l’exigence de réussite de la mission est donc un exercice difficile, qui ne trouve aujourd’hui d’issue que dans le dialogue entre de multiples acteurs parmi lesquels les ingénieurs de l’armement.

Les enjeux capacitaires du COS

Contrairement aux guerres asymétriques, les affrontements hybrides posent le défi d’une course capacitaire pouvant impliquer des acteurs étatiques. Cela est déjà sensible dans les opérations actuelles et constituera le quotidien de celles de demain. Ce domaine de lutte est également l’antichambre des conflits de haute intensité auxquels le CEMA nous a demandé de nous préparer.

Je vois au moins cinq enjeux majeurs pour le COS dans les années à venir pour répondre aux nouvelles menaces :
- le système de commandement est l’enjeu principal. Sans une transformation profonde de celui-ci, les opérations spéciales françaises risquent un déclassement progressif et inexorable.
- La résilience de nos systèmes doit être considérablement renforcée selon deux axes : l’autonomie nationale dans l’accès aux capacités les plus structurantes et la capacité à opérer dans des environnements perturbés ou contestés (approvisionnements, électromagnétique, cyber, etc.).
- L’accès aux zones de conflits, en discrétion, dans tous les milieux, conditionne l’aptitude à s’opposer aux stratégies de déni d’accès qui se multiplient.
- La capacité à opérer dans les champs immatériels (cyber, influence) doit nous permettre de saisir les opportunités tout en nous protégeant, avec l’impératif de tenir le tempo de cycles d’innovation particulièrement rapides.
- Enfin, la gestion de masses de données constitue la clé pour distinguer les opportunités opérationnelles dans un contexte « d’infobésité » qui paradoxalement génère un nouveau brouillard de la guerre susceptible de paralyser la décision.

Je compte donc sur vous, sur votre talent de chercheurs, développeurs, manageurs pour entendre les besoins opérationnels, trouver des idées, gagner la course capacitaire. Les succès de nos armées sont collectifs. Disposer « ici et maintenant » du bon équipement est un maillon essentiel pour le succès de nos missions.

 

    
Eric Vidaud,
commandant des opérations spéciales
Saint-Cyrien de la promotion général Callies (86-89), le général de division Eric Vidaud choisit de servir dans les Troupes de marine, spécialité infanterie. Après un parcours riche de nombreux engagements en opération, d’un passage à la Direction du Trésor et au cabinet du MINARM, il exerce le commandement des opérations spéciales depuis l’été 2019.
 

Auteur

Eric Vidaud, GDI
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