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01 mars 2020

Un nouveau porte-avions ? Avec quelles innovations ? Et contre quelles nouvelles menaces ?

Qui pour succéder au CDG ?

La ministre des armées a lancé des études d’un PA NG (Porte-Avions de Nouvelle Génération) et c’est au premier semestre 2020 que ces études devraient permettre de décider de la suite, si suite il y a …


Flight deck crew preparing to launch the X-47B, an experimental unmanned drone aircraft, aboard the USS Theodore Rosevelt, off the coast of Virginia, Sunday, Nov. 10, 2013

La presse laisse entendre qu’il devrait être plus gros que le CDG (Charles de Gaulle), jusqu’à 70000 tonnes. Cette inflation résulterait en partie des nouveaux aéronefs (du programme SCAF). Le nouvel avion de combat (NGF) ne ferait pas moins de 18 m de long sur 14 d’envergure et plus de 25 tonnes, aussi imposant que le Super-Hornet (mais ce dernier a des bouts d’ailes repliables). 

S’il faut conserver une quarantaine d’aéronefs à bord et leurs drones, il pourrait être difficile de garder les dimensions du CDG. On en profiterait pour permettre le ramassage et le catapultage simultanés. Plus volumineux, il faudrait aune propulsion plus énergétique que celle de deux réacteurs K15 du CDG. De plus, si la seule option restait de suivre les USA sur les catapultes électromagnétiques, le besoin énergétique en serait augmenté.

Si une énergie/propulsion conventionnelle est faisable, le CEA évoque un nouveau réacteur K22 de 230 à 250 MW qui serait une émanation du K15. Est-ce aussi simple ? Ne serait-ce plutôt pas là le souci de maintenir une compétence en propulsion nucléaire dans la perspective des prochaines générations de sous-marins lanceurs d’engins ? Cet argument pourrait être plus déterminant que celui des avantages de la propulsion nucléaire par rapport à une propulsion conventionnelle. Les autres compétences resteront disponibles aussi longtemps que le PA CDG sera exploité.

Mais Parle-t-on de nouveau porte-avions ou de second porte-avions ? Les ressources de la Marine permettront-elles de déployer deux portes avions ? Si oui, n’hésitons pas à lancer dès 2020 un second porte-avions ! En supposant une durée d’études et de construction de 8 ans à 10 ans selon le type de propulsion conventionnelle ou nucléaire, il serait opérationnel avant 2035 et même plus tôt car les capacités industrielles des Chantiers de l’Atlantique et de Naval Group permettraient une construction en 5 ou 6 ans pour une version à propulsion conventionnelle ! Si non, Il serait plus raisonnable de remplacer le porte-avions Charles de Gaulle en 2040 en ne lançant le programme PANG que vers 2030, voire un peu plus tôt si le développement d’une nouvelle chaufferie nucléaire était nécessaire ! 

Cette alternative pourrait se compliquer selon la durée de développement d’une chaufferie nucléaire K22 qui « ne s’éloigne pas trop » de la K15. Pour équiper les futurs SNLE au-delà de 2035, le CEA considère qu’il faudrait commencer le développement dans la décennie 2020, c’est bien vague, et la fabrication en 2025… La clé se trouverait donc dans ce délai de développement. Si la K22 n’est pas trop éloigné de la K15, faudrait-il vraiment autant de temps pour la développer ?

Il faudra également assumer un flux financier pour maintenir une veille sur les innovations américaines actuelles d’EMALS (catapulte électromagnétique) d’AAG (presse de frein électromagnétique), de DAPS (blindage électromagnétique) et sur le développement du programme SCAF avec une version aéronavale du NGF !

Augmenter la taille d’un PA NG pose aussi de nombreuses questions :

À quel prix ? Un PACDG correspond à un prix de 4,6 milliards d’€. Un PANG plus volumineux pourrait donc frôler les 5 ou 6 milliards d’euros, alors qu’un Nimitz couterait aujourd’hui environ 6 milliards d’euros… Ces coûts sont ceux d’industries navales militaires en situation de monopole. L’apport de compétitivité de l’industrie navale civile pourrait diminuer les coûts et prix.

Où pourra-t-il être entretenu si les bassins militaires sont trop petits ? À quel prix un bassin civil pourra-t-il s’adapter aux contraintes d’une propulsion nucléaire ? Faudra-t-il draguer la rade de Toulon selon le tirant d’eau d’un PANG ? Si l’option d’une nouvelle chaufferie nucléaire était choisie, ne faudrait-il pas en exiger aussi de ne plus changer le combustible nucléaire tous les 8 ans mais de donner son énergie au PANG pour sa durée de vie comme pour les PA US ou ne faire des changements de cœurs moins fréquents ? C’est en partie lié au taux d’enrichissement. Ne pourrait-on pas rêver d’obtenir de l’uranium fortement enrichi des USA ou de la Russie ? Ceux qui y objecteraient le souci d’indépendance devraient réaliser que, de toute façon, nous dépendrons des USA pour les catapultes, des presses de frein et les avions de guet E2D… En outre, une fois l’uranium livré, il pourrait être stocké des lustres sans perdre son énergie et sans que le vendeur ne puisse venir le rechercher en France !

Enfin, faut-il maintenir un besoin d’une quarantaine d’aéronefs ? En quoi un parc aérien de 20 ou 30 aéronefs serait-il rédhibitoire pour l’efficacité d’un PANG ? Je crains certes que la plupart des scenarii d’interventions requièrent un nombre de sorties aériennes qu’une vingtaine d’aéronefs aurait du mal à assurer… Qu’en serait-il d’une trentaine ? La question de l’optimisation nombre d’aéronefs/taille du porte-avions se pose. 

Diagramme schématique des nouveaux porte-avions américains de la classe Ford réalisé par General Atomics.

Un nouveau PA avec quelles innovations ?

Les principales innovations d’un nouveau PA seraient celles de son parc aérien. C’est donc dans les perspectives du programme SCAF, son NGF, ses drones et ses armements qu’il faut se tourner. Globalement plus gros que Rafale, le NGF pourrait aussi être déployé avec des essaims de drones. Ajourons la perspective de drones de combat embarqués, mais lesquels car je doute que le drone Male puisse être embarqué ? Le projet de nouvel avion de combat de l’US Navy pourrait d’ailleurs avoir une version drone. On pourrait aussi réfléchir aux ballons d’observation qu’un groupe aéronaval pourrait mettre en œuvre.

Pour ce qui est la plate-forme du PANG, le verre de l’innovation serait à moitié vide ou à moitié plein. En effet peut-on inclure dans les innovations les nouvelles technologies US de catapultage et freinage électromagnétiques déjà en œuvre que le Gérald Ford ? Ira-t-on jusqu’à mettre en œuvre également le blindage électromagnétique installé sur ce dernier ? Par ailleurs, on peut s’attendre à l’installation sur un nouveau PA des innovations non spécifiques d’un porte-avions qui affecteront la multitude des fonctions de vie et de travail à bord d’un navire militaire, des cuisines aux locaux hospitaliers, en passant par les radars de nouvelle technologie tels que le Seafire ou ses successeurs.

Contre quelles nouvelles menaces ?

Les grandes nations y compris asiatiques investissent dans des porte-avions milite pour que la France conserve sa capacité aéronavale, si tant est qu’elle puisse rester une « grande nation. Les principales menaces me semblent être celles d’états terroristes mais aussi les crises qui résulteront des conséquences climatiques, la montée du niveau des mers et la raréfaction des ressources.

Les nouvelles menaces technologiques pourraient être les suivantes :

  • Les missiles hypersoniques, mais à condition soient guidables en phase terminale, ce qui est problématique vu leur vitesse. Le principal atout d’un PA est sa mobilité et cela peut lui permettre d’échapper à cette menace si elle reste conventionnelle.
  • Le canon électromagnétique, dont des premières versions équipent des navires américains et chinois. Ces canons, gourmands en énergie, sont capables d’expédier à plus de mach 10 et jusqu’à 300 km des obus inertes dont l’énergie cinétique suffit à occasionner des dégâts importants. Là encore, la mobilité du PA est la parade, au cas où le canon électromagnétique n’aurait pas été déjà mis hors service par l’aviation du porte-avions…
  • Les nouvelles générations de sous-marins, y compris des mini-submersibles sournois que même des trafiquants de drogue produisent en série…
  • Et bien entendu les nouveaux avions de combat et armes des ennemis potentiels (y compris les nouvelles armes russes révolutionnaires même si j’espère bien que la Russie ne sera jamais un ennemi potentiel) et contre lesquelles on peut aussi s’interroger sur les défenses qui seront déployées sur un nouveau PA (quid du canon laser par exemple, déjà déployé sur certains navires US ?).

Mais, sauf à considérer qu’il serait une composante d’une véritable défense européenne encore hypothétique, un nouveau porte-avions n’aurait sans doute pas vocation à participer à un conflit armé avec une grande puissance actuelle ou émergente.

Une dernière chose importante : trouver un nom au PANG. Je suggère le « Jacques Chirac » !

    
Xavier Lebacq, IGA, consultant
Ch’timi et polytechnicien, Xavier Lebacq a fait une carrière d’ingénieur au ministère de la défense et en cabinets ministériels, dont celui du premier ministre. Il exerce désormais le métier de consultant depuis 10 ans. Il a achevé le PACDG mais aussi initié le projet de PA2 franco-britannique et le démantèlement du Clémenceau. Il a dernièrement contribué à la réalisation d’une maquette numérique de porte-avions.
 

 

 

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