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Carte de bruit ambiant lié au trafic maritime. Le bruit ambiant n’est pas qu’un paramètre de l’équation du sonar…, il intéresse aussi la communauté civile pour les perturbations sur la faune
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26 juin 2023

2007 : LE SHOM ÉLARGIT ENCORE PLUS SON PÉRIMÈTRE
DÉSORMAIS INTRINSÈQUE AU SHOM, LA DUALITÉ BÉNÉFICIE À TOUTES LES PARTIES PRENANTES

Depuis 2007, le Shom – établissement public sous tutelle du Ministère des Armées - fait bénéficier une large communauté de ses nombreux savoir-faire. Océanographie, acoustique sous-marine, sédimentologie, hydrologie, géospatial, etc. Tous ces domaines ont initialement été investis avant tout pour le soutien des opérations militaires et la sécurité des navigateurs. Récit d’une transition profitable.


De nombreuses applications civiles en demande de produits et services maritimes

Sous l’effet de la maritimisation du monde, du développement de l’économie bleue, des politiques de prévention des risques naturels ou conséquemment à la prise de conscience de l’importance de l’océan dans le changement climatique, un nombre grandissant d’activités civiles nécessitent les produits et services du Shom initialement développés pour les Armées. Et leurs applications sont nombreuses.

L’exemple de la sédimentologie marine est évocateur à cet égard. À l’origine, c’est pour satisfaire les besoins de la navigation et de la défense que le Shom a développé une expertise dans ce domaine dont les applications sont multiples : connaissance de l’environnement pour les opérations amphibie avec l’analyse des sites de plageage ; enfouissement des mines, chassabilité d’une zone au profit de la guerre des mines ; tenue d’une ancre au mouillage, déplacement des dunes sous-marines sous l’effet des courants pour la navigation.

Aujourd’hui, ces compétences sont exploitées au profit de ministères civils, de collectivités territoriales ou même de l’Union européenne pour la sélection des sites d’implantation des fermes éoliennes marines, les études sur l’érosion côtière, la détermination du trait de côte ou encore la définition des aires marines protégées.

Symétriquement, le Shom fournit des outils de prévision pour la vigilance vague submersion (VVS) opérée par Météo-France (fig.1) à la demande du ministère en charge de l’environnement. Ce service, dont la précision et les performances ont fortement progressé depuis la tempête Xynthia en 2010, a désormais une déclinaison « défense » pour la prévention des risques pour les infrastructures militaires.

Enfin, civils comme militaires partagent l’analyse d’une faible connaissance des océans, dont à peine 20% de la bathymétrie est « raisonnablement » connue. Ces deux mondes déploient en parallèle des efforts pour y remédier. Ainsi la direction générale de l’Europe en charge des affaires maritime et de la pêche a mobilisé des financements importants pour rassembler la connaissance des fonds océaniques dans le cadre du programme EMODNET dont le Shom pilote le volet bathymétrie. Ces efforts complètent les travaux de collecte du Shom qui se concentrent le plus souvent sur des zones d’intérêt en dehors de la ZEE de l’Europe.

Simulation du modèle Tolosa -Atlantique développé par le Shom et exploité par Météo-France pour la VVS. Surcotes au passage de la tempête Klaus (24/01/2009).

Simulation du modèle Tolosa -Atlantique développé par le Shom et exploité par Météo-France pour la VVS. Surcotes au passage de la tempête Klaus (24/01/2009)

Partager les coûts et additionner les financements pour gagner en performance

Il y a toujours un bénéfice croisé et ces quelques exemples l’illustrent parfaitement. Généralement et historiquement, c’est le besoin militaire qui conduit le Shom à développer des outils qui ensuite trouvent des applications civiles. Les financements apportés par l’institution ou le client civil contribuent alors à l’amélioration des outils.

Parfois, comme pour la VVS, le besoin civil a été précurseur et alors la défense hérite des produits développés dans ce cadre. Il est néanmoins intéressant de noter que les modèles « civils » ont eux-mêmes très largement hérité des modèles que le Shom a mis au point sur financement de la DGA.

 

La notion émergente, pour l’environnement, de « jumeau numérique » risque de changer ce paradigme. En effet, le jumeau numérique de l’océan - que l’on va s’efforcer de construire - vise à répliquer la nature de la manière la plus inclusive et sans (trop) préjuger des applications. Il est donc par essence dual. On peut ainsi envisager qu’un jumeau numérique d’une baie sera aussi bien utile pour y évaluer l’impact d’une tempête sur la qualité des eaux, la visibilité sous-marine, la modification de l’estran, les conditions de propagation acoustique…

La dualité peut aussi consister à construire un objet commun pour une utilisation en temps partagé chacun suivant des objectifs qui peuvent être différents. C’est le cas du navire océanographique Pourquoi pas ? cofinancé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et par le ministère des Armées, affrété soit par l’Ifremer soit par le Shom pour leurs missions respectives.

Un intérêt qui ne se limite pas au critère économique

Toutefois, l’intérêt de la dualité pour le Shom dépasse la question économique. Elle permet au Shom de compléter le champ de ses compétences ou de développer des partenariats nationaux et internationaux, pour traiter plus largement des sujets jusque-là vus sous le seul prisme de la défense ou du navigateur.

Il existe aussi des programmes civils sur lesquels la défense a tout intérêt à se positionner. Ainsi la directive cadre stratégie pour le milieu marin de l’UE (17 juin 2008) qui s’impose aux États membres vise à fixer des objectifs d’atteinte ou de maintien du bon état écologique des eaux. Parmi les « descripteurs » du bon état écologique l’un concerne le bruit ambiant (fig.2), objet bien connu de préoccupation pour sa nuisance pour les cétacés notamment. La sensibilité pour la défense de ce paramètre a fortement milité pour que le Shom pilote ce descripteur au plan national.

Le Shom, un atout dans la manche des chantiers navals français pour l’export
Le Shom connaît les capteurs océanographiques et a une grande expérience de leur mise en œuvre sur les bâtiments spécialisés de la Marine. Ce sont des atouts prisés de chantiers navals nationaux – et surtout de leurs clients - pour gagner des contrats à l’export. Ainsi, le Shom a accompagné les chantiers Océa et Piriou dans la vente de navires spécialisés à l’Indonésie, au Maroc et au Nigéria. L’apport du Shom concerne la sélection, le contrôle de bonne intégration et de performance des capteurs océanographiques. Il peut également inclure un accompagnement à la prise en main du central opération du navire - ce qui est le cas pour les 3 exemples cités. Outre le bénéfice commercial, l’intérêt réside dans la veille active des capteurs du marché qui permet au Shom d’affiner ses propres choix d’équipements.

Le Lana de la marine Nigériane et le BH2 Borda bord à bord.

Le Lana de la marine Nigériane et le BH2 Borda bord à bord

La dualité résulte aussi très souvent d’une convergence naturelle entre les enjeux de l’économie et de la défense. En effet les zones à enjeu pour l’économie bleue, qu’il s’agisse d’y exercer des activités de pêche, de transport maritime, d’infrastructures sous-marines comme les câbles… sont aussi des zones à connaître, à surveiller et à défendre.

Un processus qui n’est pas inné

Pour autant la montée en puissance des activités duales au Shom n’a pas été d’emblée une évidence. Il a fallu dépasser le réflexe naturel qui fait voir le risque d’éviction de services rendus aux forces plutôt que l’opportunité de faire quelque chose de plus grand.

Aujourd’hui, chiffres à l’appui, la démonstration est faite que la dualité est un jeu où tout le monde gagne. Par ailleurs, au Shom, la satisfaction des Armées reste le fil conducteur et bien souvent le majorant du besoin en termes de précision, réactivité du service et de zone d’intérêt.

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Laurent Kerléguer, IGA, DG du SHOM

Laurent Kerléguer (ENSTA Paris 88, SN46 IHEDN) a exercé différentes fonctions au Shom, dans le domaine du soutien environnement aux opérations, comme directeur de groupes hydrographiques et océanographiques en métropole et outremer, et dans les relations internationales. Il est directeur général de cet EPA depuis juillet 2019.

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