Le 30 juin 2022, à quelques 15,000 pieds, dans les environs de St Jean d’Angély (17).

Blue contact : plastron à l’entraînement

Les alarmes s’enchainent. Le bip aigu isolé, se répétant à chaque passage du faisceau radar simulé adverse, laisse place à une succession de rampes de fréquence : me voici accroché ! Sur mon RWR – Radar Warning Receiver, un symbole PC-21 apparaît en continu, en dehors du cercle létal. A plus de 20 nautiques, c’est parfaitement normal. Pour cette dernière mission du module Red Air, j’ai à disposition toutes les aides possibles pour suivre l’évolution du Blue. Ma mission est en effet d’être plastron au profit de l’aspirant « Berthez’ », un de mes camarades, qui passe aujourd’hui son test clôturant le module Basic Fight Intercept. Au cours de celui-ci, les concepts de base de l’air-air défensif – Lane defense – et les fondamentaux du combat radar sont abordés pour la première fois dans le nouveau programme de formation des pilotes de chasse de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Plus tôt, en amont du briefing, le testeur m’avait pris à part pour préciser les scenarii qu’il voulait me faire réaliser pour évaluer mon camarade. Me conformant à cette requête, je viens donc d’initier un scenario qui va le conduire à s’approcher pour identifier visuellement mon aéronef. Rien de plus simple, comme je joue également le rôle de l’AWACS, je lance une diffusion tactique : « Single group crossing FLOT, bogey, perform VID ». L’AWACS vient d’ordonner au Blue d’aller identifier une piste dont l’IFF douteux ne permet pas la classification. Pour déclencher une certaine géométrie d’interception, j’ai également fait en sorte de ne pas éclairer le Blue au radar.

TALLY ! FIGHT’S ON !! Combat à vue sur PC-21

La météo est favorable, avec quelques cumulus bourgeonnants. Dans moins d’une minute, Berthez sera dans le champ visuel. Je prends le temps de configurer les modes radar, sélectionne les SRM – Short Range Missile, passe le MASTER en position armement simulé puis je pense à l’étape suivante : le testeur m’a demandé d’engager un combat à vue dès que j’aurai le Tally, le visuel sur mon ennemi. Je sais que je partirai en position désavantageuse car le Blue arrivera plus haut et plus rapide : c’est le jeu de l’entraînement ! Mon objectif est de rejoindre une position neutre et d’espérer exploiter chacune de ses erreurs pour reprendre l’avantage. J’aurai moins d’énergie au début du combat, un rayon de virage plus faible et je peux donc espérer m’inscrire à l’intérieur de son cercle. « METAL 51, Tally » : je réponds « METAL52, Tally » et, puisque le « Fight’s ON !! » avait été annoncé au début de l’interception, je l’engage immédiatement à vue. Pendant une minute trente, sous les invectives des instructeurs, le cou tordu en tous sens, grognant sous l’effet du facteur de charge, nous nous enroulons dans le ciel Charentais. « Terminate Terminate » : le combat prend fin une fois les objectifs d’instruction atteints. Et malgré une position initialement défavorable, j’ai rétabli une situation d’égalité : c’était l’objectif que je m’étais fixé. Au sol, les instructeurs débrieferont le combat et nous montreront toutes les erreurs que l’un ou l’autre n’a pas su exploiter : il nous reste beaucoup à apprendre et pour Berthez’, dont ce sera le métier, l’apprentissage ne sera à vrai dire jamais terminé. Pour le moment, sachant pour ma part que c’est la dernière occasion qui m’est donnée d’être aux commandes lors d’un combat comme celui-ci, je grave à jamais dans ma mémoire l’image de nos deux PC21 s’enroulant furieusement, les cumulus en toile de fond et les vortex en bout d’aile dessinant comme des rails sur lesquels nos deux aéronefs glissent vers le sol.

Alpha Jet et PC-21 : une page se tourne …

Cette mission illustre le large spectre de possibilités d’entraînement offert par le PC-21, car celui-ci achève aujourd’hui de remplacer l’Alpha Jet pour la formation des équipages chasse de l’AAE, ainsi que pour la pré-spécialisation chasse des pilotes de l’aéronautique navale. C’est une page chargée d’histoire qui s’est tournée pour l’AAE. Le transfert de l’Ecole de l’aviation de chasse de Tours à Cognac et l’arrivée du PC-21 dans le ciel Charentais en sont l’illustration. Les IA et IETA qui suivent le cursus chasse ont pu découvrir ce changement : le dernier IA breveté chasse sur ALPHAJET en 2020 est un certain Arnaud PROST et, après un IETA en 2021, l’auteur de ces lignes a ouvert en 2022 le bal des IA brevetés sur le turbopropulseur de PILATUS.

Les fondamentaux du chasseur, les ‘domestics’, comme le travail en patrouille, restent essentiels.

Comme leurs glorieux anciens avant eux, avant d’arriver sur la nouvelle monture des aspirants-chasseurs, les élèves-pilotes de l’AAE, de la Marine Nationale et les jeunes OCA qui les rejoignent se retrouvent sur la BA 701 de Salon de Provence pour débuter la formation initiale. Retour sur les bancs de l’école pour 6 mois de préparation aux épreuves de l’ATPL théorique. S’ensuit la formation de base sur CIRRUS SR20, avec vingt-sept missions permettant d’atteindre un niveau minimum en maniabilité, technicité en tours de piste et navigation en basse altitude. Les élèves-pilotes rejoignent ensuite la BA 709 de Cognac pour suivre le tronc commun sur GROB120A-F. Cette phase de sélection permet d’orienter les élèves-pilotes entre les spécialités chasse et transport, à l’issue de quarante-sept missions de voltige, de vol aux instruments ou encore de vol en formation. C’est seulement ensuite qu’ils rejoignent le cursus chasse proprement dit, sur PC-21.

La marche est sans doute moins haute qu’elle ne l’était lorsqu’il s’agissait de passer du TB30-EPSILON à l’Alpha Jet, au regard des performances de l’avion. En revanche, le système de mission du PC-21 ouvre des champs bien plus larges pour l’entraînement à la guerre moderne : radar air-air et airsol simulé, conduites de tir F2 et canon, etc. Il introduit une complexité tactique et offre un panel de missions jusqu’ici inconnus dans la formation des équipages de chasse.

L’ingénieur de l’armement volant : bilan d’une formation passionnante

Je laisse aux spécialistes de l’instruction le soin de clore le débat sur l’outil le plus pertinent entre l’Alpha Jet et le PC-21. En revanche, pour un jeune IA versé dans l’AAE afin d’engranger un maximum d’expérience aéronautique et de comprendre au mieux comment elle mène ses missions au quotidien, la formation sur PC-21 se révèle particulièrement pertinente. Elle conduit ce dernier non seulement à maîtriser les fondamentaux du pilotage militaire et disposer d’une solide culture aéronautique, mais aussi à acquérir de multiples connaissances en tactique interalliée, doctrine d’emploi des feux, techniques de combat air-air ou air-sol, etc. Autant de compétences qui lui permettent ensuite de naviguer avec aisance dans le milieu de l’aéronautique militaire.

Enfin, en référence au dernier numéro de ce magazine, les IA pour qui, aujourd’hui comme hier, la passion armement se conjugue à l’aéronautique trouvent dans cette formation une source qui ravive leur désir de servir la grande famille des aviateurs et des marins du ciel avec laquelle ils font désormais corps et, partant, les forces armées, l’État et la Nation.

Matthieu Hastings, IA

Entré à l’X en 2015, il rejoint le cours pilote de l’armée de l’Air et de l’Espace en 2019, à l’issue de son école d’application à l’ISAE-SUPAERO. Breveté pilote de chasse en 2022, il occupe désormais le poste de chef de projet mesure et informatique embarquée à DGA EV Cazaux.