L’ESPACE : DES PROBLÉMATIQUES TRÈS TERRE À TERRE
UNE DUALITÉ VUE À TRAVERS LES ÉTUDES AMONT
Sans les applications civiles et l’export, l’industrie spatiale n’œuvrerait qu’au profit des capacités militaires et serait plus difficilement soutenable. C’est pourquoi l’orientation des études amont pilotées par la DGA tient compte autant des perspectives civiles que des besoins opérationnels.
Une illustration de la dualité : Helios 2, un satellite militaire inspiré du satellite civil Spot 5
L’espace est un milieu dual par essence
Les récents succès spatiaux comme Starlink, Artemis ou Perseverance le masquent, mais l’espace est un environnement particulièrement hostile, par ses sollicitations thermiques, mécaniques et radiatives délétères. En témoignent les trois échecs de lancements Vega depuis 2019. Il est donc indispensable de mutualiser l’effort porté sur le développement entre satellites militaires et civils : d’où la création du CNES en 1961, qui regroupe une partie de l’expertise spatiale, placé sous tutelle entre autres du ministère des armées.
Dans le domaine des satellites d’observation, la série SPOT a donné naissance aux satellites militaires (HELIOS puis CSO) et à la filière commerciale portée par Airbus (par exemple Pléiades Neo). Pour les satellites de télécommunication, la dualité se matérialise par la plateforme, généralement récurrente entre militaires et civils ; la charge utile, elle, est réalisée à façon pour de la communication durcie (au profit des armées) ou de la diffusion haut débit (au profit des opérateurs civils). De manière plus exotique, les satellites de navigation (GPS et Galileo) sont sous contrôle gouvernemental tout en fournissant un service libre et gratuit aux civils. Même les lanceurs, autrefois réservés aux fabricants de missiles balistiques, connaissent aujourd’hui une prolifération au travers des microlanceurs qui constituent autant une manne économique qu’une opportunité de résilience de l’accès à l’espace.
L’émergence du New Space confirme que l’industrie spatiale s’appuiera de plus en plus sur des initiatives civiles privées aux évolutions rapides. Les innovations soutenues par la DGA doivent donc également tenir compte des opportunités pour les applications civiles, comme le montrent les exemples qui suivent.
Des équipements à l’état de l’art pour un marché dual
Au travers de ses futurs programmes d’armement (IRIS pour l’observation à partir de 2029, CELESTE pour l’interception électromagnétique à partir de 2028, SYRACUSE pour les télécommunications et ARES pour la maîtrise de l’espace) aux performances ambitieuses, la DGA concourt au développement de technologies à l’état de l’art essentielles à la compétitivité.
Sur les satellites d’observation IRIS qui succèderont à CSO, la performance image dépend directement du diamètre du miroir principal, plus grand que celui de CSO. Or, la durée de fabrication d’un miroir augmente avec le carré de ce diamètre ! Les développements que nous avons mis en place sur les grands miroirs spatiaux allégés permettent de contenir cette inflation et de conserver un planning programme maîtrisé. L’industrie, de son côté, y gagne en compétitivité à l’export.
Même principe pour la chaîne image bord, sorte de mémoire informatique doublée d’une capacité de compression. IRIS, par les débits qu’imposent ses images toujours plus précises, exige des développements technologiques ambitieux. L’industrie saura les faire fructifier dans des prospects. Même principe encore pour les actionneurs gyroscopiques, sortes de toupies permettant aux satellites de pivoter sur eux-mêmes et qui leur procurent de « l’agilité ». Sur IRIS, la dualité est omniprésente : au travers des études amont, nous suivons presque chaque équipement.
Un actionneur gyroscopique : sa roue en rotation lui confère un moment cinétique qu’elle peut échanger avec le satellite
Notre souveraineté repose sur une BITD spatiale très fragile
Avec seulement quatre grands programmes spatiaux, le ministère seul ne peut pas maintenir des compétences dans l’industrie tant chez les grands maîtres d’œuvre que chez les équipementiers. Le soutien à l’export – l’une des missions de la DGA – permet de maintenir l’activité industrielle tout en rentabilisant les investissements. Or, il ne doit pas entrer en conflit de ressources avec les programmes d’armement. Les industriels ont donc besoin d’une visibilité à long terme pour mettre en place et pérenniser les compétences.
Parfois, le soutien direct de la DGA ne suffit pas et il faut le rechercher ailleurs. C’est le cas des circuits programmables (FPGA) souverains et durcis à l’environnement spatial portés par NanoXplore, seule alternative actuelle aux solutions ITAR. L’industrie doit alors rechercher d’autres sources de financement telles que les Plans de relance. C’est aussi le cas dans le domaine de la cryogénie, peu représentée à la DGA mais nécessaire à l’observation infrarouge. Charge alors à l’industrie de convaincre l’ESA de la pertinence de sa feuille de route. C’est enfin le cas dans le domaine des fonderies de semi-conducteurs comme chez STmicroelectronics, dont les technologies spatialisées et uniques en Europe sont cruciales pour nos ASIC, nos FPGA, nos détecteurs. Comme le chiffre d’affaires spatial y représente une petite fraction du chiffre d’affaires global, le soutien de la DGE a été nécessaire.
Un wafer de semi-conducteurs : des composants nanométriques issus de milliards d’euros d’investissements
Tout comme les technologies militaires sont dérivées dans le marché civil, les prospects civils permettent de lisser la charge nécessaire aux programmes d’armement. De cette intrication dépend la soutenabilité industrielle sur le long terme et le maintien d’une filière française de précellence. Avec le New Space et la Stratégie Spatiale de Défense, cette dualité est appelée à se renouveler. Peut-être qu’un jour, tel le James Webb, un successeur d’IRIS arborera un miroir gigantesque en pétales ?
X2011 - Supaéro, Toan NHAM a effectué une première affectation chez Thalès Alenia Space à Cannes sur l’intégration de l’instrument CSO-2. Aujourd’hui, il est architecte satellite à la DGA sur les programmes d’observation par satellites MUSIS.CSO et IRIS. A partir de cet été, il en sera l’architecte de cohérence technique.
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