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01 juin 2021

LA CERTIFICATION, UNE AFFAIRE INTERNATIONALE

 La DGA s’investit dans la certification, souvent en coopération avec d’autres nations pour les projets militaires, et via l’EASA. Qu’est-ce au juste que la certification, et qui en sont les acteurs ?


 La certification est une étape essentielle de la mise en service d’un aéronef nouveau ou modifié. Elle intervient une fois le développement terminé et consiste à vérifier la conformité aux normes de sécurité. Elle est assurée, non pas par le pays du constructeur, mais celui de l’opérateur de l’aéronef. Ainsi, pour les aéronefs civils opérés depuis l’Union Européenne, c’est l’EASA (European Union Aviation Safety Agency) qui détient cette responsabilité, même pour un Boeing. Pour les aéronefs militaires opérés en France, c’est la DGA. Dans certains cas, ces deux entités interviennent conjointement. Mais la certification se fait en coopération étroite entre l’industriel et le certificateur.

 

La certification est une opération très codifiée

qui ressemble pour l’essentiel à un audit qualité doté d’une dimension technique renforcée. Le socle est constitué par les « certification spécifications », publiées par l’EASA par catégorie d’aéronefs : par exemple, CS-23 et -25 pour les avions, CS-27 et -29 pour les hélicoptères, CS-E pour les moteurs. Elles sont autant que possible harmonisés avec les autorités de certification d’autres pays (comme la FAA aux Etats-Unis ou la JAA au Japon), afin de ne pas induire de surcoûts aux avionneurs, dont la clientèle est le plus souvent mondiale. Une collaboration étroite existe donc entre les certificateurs, notamment via le « flight test harmonization working group », qui inclut aussi les avionneurs principaux. Puis la CS est amendée par le certificateur, sur proposition de l’avionneur, pour tenir compte des spécificités de l’aéronef à certifier. Par exemple l’A400M dispose d’une fonction « ATOC » (automatic take-off compensation) visant à limiter la dissymétrie latérale en cas de panne d’un moteur. Pour la certifier, il a fallu amender certains règlements existants. Les amendements de la certification peuvent porter sur les exigences elles-mêmes, ou sur la manière de les interpréter. Une fois la base de certification agréée, le certificateur définit son niveau d’implication en fonction du projet (aspects novateurs, expérience de l’industriel et performance passée). En règle générale, l’essentiel de la certification est réalisé par l’industriel lui-même, au titre de son DOA (design organization approval), et l’EASA, outre la validation de la stratégie de certification d’ensemble, ne réalise que des vérifications ponctuelles (sur les points les plus critiques en général).

 

DGA Essais en vol intervient sur la certification

au titre du contrat en partenariat avec la DGAC pour offrir à l’EASA une expertise en sous-traitance. L’EASA sous-traite également avec d’autres partenaires, en général dans le but de disposer d’experts au plus près des industriels et ainsi améliorer la richesse des compétences disponibles pour la certification. Ce contrat de sous-traitance au profit de l’EASA répond aussi indirectement à l’un des objectifs de la DGA, à savoir soutenir la BITD sur son volet expertise (les avionneurs ont souvent une activité duale civile/militaire). Il y a aussi un intérêt direct pour la DGA de s’investir de la sorte dans la certification : rester au contact des technologies développées pour le monde civil et imaginer des transpositions à l’aviation militaire ; maitriser des plateformes civiles qui pourraient être transposés demain à des systèmes d’arme (comme les Falcon 2000 pour AVSIMAR, projet de patrouilleur maritime, et Falcon 8X pour Archange, avion de renseignement électronique) ; et enfin, être familier de la méthode « certification » et des techniques essai associées. Le référentiel technique de DGA Essais en vol s’enrichit aussi de partages de connaissances de ses personnels « certification » avec l’EPNER, concernant en particulier des nouvelles méthodes d’essai.

 

Ce dernier point est primordial car la tendance actuelle est de reproduire pour l’aviation militaire ce qui se fait dans le civil en termes de certification. Ainsi, tous les programmes lancés récemment prévoient une certification de l’aéronef selon le modèle EASA. Les programmes A400M et NH90 ont été en cela des précurseurs. Pour l’A400M, une certification duale a été mise en place : par l’EASA pour la base « civile » (plateforme elle-même), et par le CQO (certification and qualification organization) pour les particularités militaires (grosso modo tout ce qui concerne le cargo et les missions militaires). La base de certification CS-25 a ainsi été amendée et complétée pour prendre en compte les spécificités militaires. DGA EV a été particulièrement impliquée sur ce programme. Les responsables de la partie « flight » (qualités de vol, performances, facteur humain, ergonomie cockpit,….) venaient souvent de DGA EV, la même personne cumulant souvent cette responsabilité à la fois côté EASA et côté CQO (en tant qu’expert national). Il pourrait en être de même à l’avenir pour les projets AVSIMAR et Archange.

 

Cette certification peut se faire en collaboration internationale

Par exemple pour l’A400M, représenté à l’OCCAR par 6 pays (UK, DE, SP, BE, TR, FR), on retrouve dans le panel « flight » des experts de 5 de ces pays (la Turquie participe globalement assez peu aux travaux), qui apportent à la fois leur vision propre et leur culture, ce qui peut conduire à des dissensions dans la manière de formuler les exigences de qualifications.. Les traits culturels n’échappent pas à quelques clichés. Les Allemands sont souvent attachés au respect du texte, les Anglais sont capables de tours de passe-passe contractuels surprenants, parfois à leur seul profit, quand les latins (Espagnols et Français) sont relativement pragmatiques, parfois au grand désarroi des Allemands attachés à la rigueur. Ces divergences peuvent donner lieu à de longues discussions en « closed session » (sans l’industriel) ; mais elles permettent aussi une complémentarité dans la revue des projets lorsque le coordinateur du panel sait jouer sur les forces de chacun. 

Les premiers responsables de l’organisation de certification A400M avaient anticipé ces difficultés : chaque panel comprend trois membres votants (coordinateur inclus), ce qui permet d’éviter les impasses, même s’il est rare de ne pas parvenir à un compromis. Chaque panel est présidé par un coordinateur, chargé d’orchestrer l’activité de ses pairs, mais qui pèse ni plus ni moins qu’eux sur les décisions. Il peut même être amené à défendre une position qu’il ne partage pas, s’il est mis en minorité par les deux autres membres. Il signe au final les recommandations d’approbation au nom du panel dans son ensemble (à destination du comité de certification, qui approuve le projet).

 

A l’inverse, les panels de l’EASA sont souvent de taille réduite (un ou deux experts maximum) et les échanges s’en trouvent plus limités et les délais de revue d’un projet de certification fortement réduits. Il est toujours plus facile de se mettre d’accord avec soi-même qu’avec une large équipe (le panel flight CQO A400M comporte pas moins de 14 personnes !) ; l’adage « deux pilotes, trois opinions » bien connu des essais en vol étant tout à fait applicable aux ingénieurs, y compris non navigants.

 

On pourrait s’attendre à ce que la certification soit une activité ne laissant pas de place à l’interprétation, mais la réalité est bien différente. Pour mener à bien ce travail, la coopération européenne apporte des grilles de lecture différentes parfois difficiles à faire cohabiter, nécessitant une bonne coordination pour aboutir dans des délais raisonnables. Mais il apporte aussi une diversité de connaissances et de point de vue bénéfiques à un travail de qualité et enrichissant pour tous.

 

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