DES TAXIS VOLANTS POUR LES JO 2024
UN BAC A SABLE A PONTOISE
La mobilité aérienne urbaine bénéficie régulièrement d’une couverture médiatique large mais pose encore de nombreux défis (acceptabilité, techniques, réglementaires), que souhaitent relever le Groupe ADP (Aéroports de Paris) et ses partenaires au travers d’une zone expérimentale unique en Europe sur l’aérodrome de Pontoise, afin de préparer une démonstration de services lors des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024.
A l’instar du monde automobile, le secteur du transport aérien est en train de vivre une véritable révolution au travers de l’électrification de nouveaux véhicules volants. Cette nouvelle mobilité aérienne représente l’exploitation de l’espace aérien basse altitude urbain et périurbain via des véhicules électriques à décollage et atterrissage vertical (VTOL) pour le transport de personnes et de marchandises.
Ces solutions reposent sur 3 avancées technologiques majeures qui viennent apporter une rupture par rapport à l’aviation conventionnelle :
- La propulsion électrique distribuée, qui va permettre, outre son absence d’émission carbonée directe, de diminuer drastiquement l’empreinte sonore par rapport aux hélicoptères
- Une redondance accrue (notamment des moteurs) pour offrir plus de sécurité
- Une plus grande automatisation des systèmes embarqués pour tendre vers un mode efficace et économiquement accessible aux classes moyennes
En réponse à une urbanisation accélérée dont la tendance ne devrait pas s’inverser, même dans un contexte post-Covid, l’exploitation de la dimension aérienne de l’espace public représente une opportunité pour faire face à la saturation des infrastructures terrestres existantes et permettre d’économiser du temps, que ce soit pour des interventions médicales urgentes ou pour le transport de passagers entre centres urbains et aéroports. Il s’agira d’une offre de service rapide, flexible, accessible et à faible coût d’infrastructure, complémentaire aux offres de mobilité existantes.
Cette mobilité va aussi permettre de préfigurer l’aviation zéro-émission, avec des véhicules 100 % électriques, tandis que d’autres émergent autour de l’hydrogène.
La technologie du décollage vertical est déjà une réalité, l’acceptabilité reste à démontrer
Dans ce contexte foisonnant et pour adresser les prévisions de marché encourageantes des analystes (ex : 30 milliards d’euros dès 2035 selon Oliver Wyman), près de 200 projets de véhicules ont trouvé un financement dans le monde (pour un montant total estimé à plus de cinq milliards d’euros). A noter les prises de position de la part des constructeurs automobiles (Geely, Daimler, Stellantis, Toyota ou Hyundai) et d’acteurs technologiques de premier plan (Tencent, Baillie Gifford, Uber…).
Les principaux constructeurs de eVTOL (electrical Vertical Take Off and Landing), qu’ils soient de grands groupes ou des start-up, européens, américains ou asiatiques, ont déjà démontré leur capacité à développer et faire voler des véhicules, aux conceptions très variées allant du multi-rotors, similaires à un drone classique, à un avion équipé d’hélices pour la sustentation et la propulsion, en passant par des rotors basculants. Ces derniers seraient susceptibles d’obtenir une certification d’ici 2 à 4 ans.
L’Île de France et Paris, en tant que zone économique de premier plan, présente un écosystème industriel et de recherche exceptionnel, une visibilité mondiale et un marché de la mobilité très dynamique qui offre un berceau favorable à l’émergence de cette industrie. En outre, la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 constitue un catalyseur exceptionnel pour mobiliser les acteurs et positionner la France comme pays de référence sur ce marché mondial avant un déploiement à horizon 2030.
Si la maturité technologique des véhicules progresse très vite, elle se trouve confrontée à un défi majeur d’acceptabilité, tant vis-à-vis de son intégration en environnement urbain (nuisances éventuelles, insertion architecturale, sécurité, réglementation…) que de son usage (nature du service proposé, accessibilité, intermodalité…).
Ainsi, si une grande attention a concerné jusqu’ici le véhicule, une attention aussi importante doit maintenant porter sur les conditions d’intégration de ce nouveau mode de transport en environnement urbain. C’est le sens de l’initiative que mènent les groupes ADP et RATP en Île de France.
Une zone expérimentale sur l’aérodrome de Pontoise pour adresser collectivement les premiers défis
Première étape dès l’été 2021 : l’aménagement d’une plateforme unique en Europe d’expérimentation en environnement réel.
Après une analyse multicritère entre le Groupe ADP et la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), en matière de contraintes aéronautiques, d’accessibilité, d’attractivité et de disponibilité foncière, c’est l’aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin qui a été choisi pour accueillir le lancement des premiers tests.
Le site, ouvert à l’ensemble de l’écosystème, a pour vocation d’accueillir différents constructeurs pour évaluer leur capacité à répondre aux contraintes d’une opération réelle, mais aussi de tester leur intégration dans le trafic aérien. Le site comprendra un lieu de maintenance et de stockage. Un bâtiment dédié permettra de tester le parcours passager en salle d’embarquement, tout en abritant les bureaux d’études et la zone de préparation des véhicules.
L'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin et les catégories de l'appel à manifestation d'intérêt lancé à l'automne 2020, Re.Invent Air Mobility
Avec l’appui de l’agence d’attractivité Choose Paris Region, le soutien de la région Île de France et au travers d’une collaboration étroite avec la DGAC, l’EASA et Eurocontrol, les groupes ADP et RATP ont lancé un appel à manifestation d’intérêt d’envergure mondiale, Re.Invent Air Mobility, pour attirer les meilleurs acteurs institutionnels, industriels ou start-ups. Plus de 150 entités y ont répondu, dont les principaux constructeurs du secteur, et les 30 lauréats ont été annoncés début janvier 2021 afin de procéder aux premiers tests dès l’été 2021.
Dans ce cadre propice à l’innovation, les partenaires, en lien avec le régulateur répondront aux multiples problématiques clés qui peuvent être regroupées en trois domaines : réglementation, maturité technologique et acceptabilité.
La feuille de route envisagée, avec les JO de Paris en ligne de mire, s’aligne sur un cadre réglementaire en construction accélérée, tant du point de vue du véhicule que des infrastructures et opérations, au niveau européen (EASA) comme américain (FAA soutenue par NASA / US Air Force). Il s’agit de déterminer quelles adaptations des règlements aujourd’hui applicables au sein de l’Union Européenne et plus spécifiquement en France (DGAC) seront nécessaires.
Sur le plan technique, l’automatisation accrue des systèmes embarqués et au sol (Unmanned Trafic Management), la consommation énergétique, l’empreinte sonore, les mesures de sécurité liées à l’usage des batteries et la fiabilité sont autant de composantes sur lesquelles on attend des avancées.
Bien plus qu’un laboratoire technologique, le site de Pontoise va permettre, en associant les communautés locales et le grand public, de mesurer l’acceptabilité sociale et environnementale, les usages et finalement de démontrer la création de valeur pour la société. A l’heure où le transport aérien traverse la plus grave crise de son histoire, c’est une aventure digne de celle des pionniers de l’aviation qui s’ouvre !
Alban Negret, Responsable projet VTOL chez ADP
Ingénieur aéronautique de formation (X2011-Supaéro), Alban a commencé sa carrière au sein du cabinet de conseil Roland Berger, sur des problématiques variées de transformation ou de croissance pour des industriels, des compagnies aériennes et des groupes aéroportuaires.
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