50 ANS DE COOPERATION
FRANCO-AMERICAINE SUR LES HELICOPTERES
L’accord au niveau des ministères des deux nations fête cette année ses 50 ans. Opérée par l’ONERA sous la tutelle de la DGA en France et par l’US Army outre-Atlantique, la coopération scientifique et technique couvrira un large spectre d’activités, qui inclut le domaine des facteurs humains.
1971-2021 – 50 ans de travaux communs entre l’US Amy et l’ONERA
Le premier accord signé entre les ministères de la défense des deux pays en 1971 a été successivement maintenu, renouvelé et adapté jusqu’à aujourd’hui. Dès le début, la DGA a confié à l’ONERA la réalisation et le pilotage technique de la coopération. De l’autre côté de l’Atlantique, les travaux sont réalisés par l’US Army et en particulier l’équipe historiquement en charge des études aéromécaniques hélicoptères basée sur la base de Moffett Field en Californie qui jouxte le site d’Ames de la NASA. Au fil des années, de nombreux autres contributeurs ont participé à certaines taches : la NASA bien sûr et en particulier les équipes de son site d’Ames, d’autres équipes de l’US Army basées à Huntsville ou Fort Rucker, mais aussi des universités comme Georgia Tech ou du Maryland aux USA ou le laboratoire Luminy en France. Une visibilité est également donnée aux industriels des deux pays sur les études menées et les résultats obtenus, et des représentants d’Airbus Helicopters sont ainsi invités aux réunions en France.
Au cours de ces cinq décennies, de très nombreux sujets ont été abordés accompagnant les recherches appliquées sur les hélicoptères et les développements de la filière. De très forts liens se sont aussi tissés entre les équipes et les chercheurs à la faveur notamment des échanges de personnel de plusieurs mois à deux années, en immersion. La riche production scientifique d’articles communs retrace l’histoire des activités de recherche de l’ONERA et l’US Army sur les hélicoptères et démontre la très forte implication, toujours soutenue, des équipes pour ce cadre coopératif.
La coopération, initialement centrée sur l’aéromécanique des parties fixes et tournantes des hélicoptères, n’a cessé de s’enrichir et de s’ouvrir à toutes les disciplines d’intérêt pour les hélicoptères (acoustique, dynamique du vol, conception préliminaire, navigation drone). Si les besoins et spécificités des missions défense ne sont pas oubliées, les travaux de la coopération n’abordent la plupart du temps que des sujets ouverts et non-sensibles, mais souvent duaux.
Aéromécanique et sécurité
Six taches actives, dont trois relevant du domaine aéromécanique, donnent lieu à une revue biannuelle, alternativement en France et aux Etats-Unis. Ainsi, les méthodes de simulation numérique en mécanique de fluides sont confrontées à des cas tests communs de méthodes dites de « fidélité intermédiaire » pour une prise en compte simplifiée de configurations complexes ; les méthodes à frontières immergées simplifient le travail de mise en place d’une simulation numérique en aérodynamique. Une autre tâche aborde les aspects liées à la modélisation de la transition laminaire-turbulente dont la compréhension et la maitrise sont primordiales pour une évaluation fine et précise des performances des rotors d’hélicoptère. Un volet est également consacré à l’étude des simulations haute-fidélité des rotors avec prise en compte de la réponse aéroélastique des pales. Ce travail est l’occasion de partager des bases de données expérimentales et de confronter pour chacun des partenaires ses outils numériques sur de nouvelles données difficilement accessibles en dehors de ce contexte. L’ONERA a ainsi partagé des données d’essais en soufflerie réalisés sur plusieurs rotors à échelle réduite dans la grande soufflerie transsonique S1MA à Modane. En contrepartie, l’US Army a mis à disposition des données de ses essais à échelle 1 réalisés en vol sur l’appareil UH-60A et dans la grande soufflerie 80x120 de la NASA Ames. Enfin, des travaux ont récemment été lancés sur l’application de technique de propagation et quantification d’incertitudes sur des cas particulier de rotor d’hélicoptère. L’objectif visé est d’enrichir un résultat de simulation numérique d’un intervalle de confiance à partir des incertitudes sur les paramètres d’entrée (nombre de Mach de la soufflerie, propriété structurale pale, etc…).
Un autre sujet est l’étude de la fonction autonome de protection des appareils en cas d’autorotation. L’étude est centrée sur les appareils à pilotage optionnel ou les drones qui nécessitent des systèmes autonomes de gestion des défaillances. Dans le cas d’appareils pilotés, des algorithmes sont développés pour déterminer automatiquement une aire de poser atteignable en autorotation ainsi que des aides au pilotage telles que le contrôle direct du régime de rotation rotor. Pour les appareils autonomes, à la détermination du point de poser s’ajoute le système de contrôle de vol de l’appareil selon une trajectoire calculée pour y atterrir en cas de panne moteur. Dans les deux cas, des navigants de la DGA-EV participent à la définition et à l’évaluation des différents concepts.
La désorientation spatiale et les facteurs humains.
L’étude des facteurs humains pour les équipages des hélicoptères est une activité récente et importante. L’hélicoptère se distingue par une charge de travail du pilote plus importante que dans les autres aéronefs. Par ailleurs, les missions spécifiques de l’hélicoptère amènent souvent à opérer dans des conditions difficiles, dont la bonne perception et la prise en compte par le pilote sont primordiales pour la sécurité. Les travaux de coopération avec l’US Army sont dédiés à la problématique des conditions visuelles dégradées et la compréhension de l’importance des facteurs gravito-inertiels, c’est-à-dire la perception des mouvements, des accélérations et de sa position par rapport au sol. Pour cela, les équipes de l’ONERA ont pu mener des expériences sur le Vertical Motion Simulator (VMS) de la NASA. Cette installation consiste en un simulateur de vol (ici adapté en cabine d’hélicoptère UH-60) monté sur un système de mise en mouvement à 6 degrés de liberté avec de fortes amplitudes de mouvement possibles (jusqu’à 18m verticalement et 12m latéralement), rendant cette installation unique au monde. Des expériences sur plusieurs pilotes ont été menées au VMS avec la simulation d’un vol tactique basse altitude avec fréquent changement de relief de terrain (alternance creux-collines) dans de bonnes conditions visuelles puis dans plusieurs niveaux progressifs de conditions visuelles dégradées et ceci avec ou sans mouvement. Ces expériences permettent de distinguer l’importance des signaux visuels, des perceptions de mouvement et mettent en évidence l’importance de la perception des changements d’attitude en particulier dans les cas où la visibilité est mauvaise. Plusieurs publications scientifiques communes détaillent les résultats et leur analyse.
Exemple de scénario soumis aux pilotes dans le VMS
Une coopération tournée vers le futur
Pour l’avenir, de nombreuses idées sont discutées à chaque rencontre et dessinent le contour des études qui vont progressivement être lancées. Les échanges portent par exemple en ce moment sur les nouvelles formules pour la grande vitesse avec les nombreux nouveaux sujets associés (interaction hélice/rotor/voilure, rotors grande-vitesse). De nouveaux sujets relatifs à la conception préliminaire d’aéronefs hybrides (voilures tournantes et fixes avec propulsion hydride thermique/électrique pour de plus petits appareils comme les eVTOL et les drones) ou l’extension des études sur des fonctions autonomes pour accroitre la sécurité ou les performances de la mission sont aussi en perspective. Au-delà de la coopération qui se poursuit, les bénéfices continuent à irriguer notre recherche dans le domaine des hélicoptères.
Arnaud Le Pape, Directeur du programmes Hélicoptères ONERA
Diplômé de l’Ecole Centrale de Nantes, Arnaud Le Pape rejoint l’ONERA en 2001. Il réalise des travaux de recherche sur l’aérodynamique des voilures tournantes et des hélicoptères. Il est nommé Directeur du programme Hélicoptères en 2019 et coordonne depuis les activités réalisées à l’ONERA sur la finalité hélicoptère.
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