DU DOME A LA POMPE-HELICE
L’APPORT DE L’EXPERTISE EN AERO-HYDRO DYNAMIQUE
L’ONERA et les sous-marins cela peut à première vue sembler curieux, et pourtant l’Office a maintenu une activité soutenue dans ce domaine depuis pratiquement 40 ans. Mais les sous-marins n’évoluent-ils pas dans les trois dimensions de l’espace tout comme le font les aéronefs !
Les travaux se sont d’abord concentré dès le début des années soixante sur le pilotage des sous-marins et la mise au point de pilotes automatiques qui ont d’ailleurs été implémentés sur SNA. Il ne peut être question dans ce bref article d’être exhaustif, aussi trois « coups de projecteurs » sont donnés sur trois aspects : le calcul des écoulements, la manœuvrabilité et bien entendu les recherches relatives à la discrétion acoustique.
De l’incompressible à l’ONERA !
Même si l’essentiel de l’activité de l’activité de l’ONERA en calcul des écoulements est logiquement consacré à la simulation des fluides compressibles aérodynamique oblige un code dédié aux fluides incompressibles a été développé dans les années 80. Il s’agit du code TRIDENT basé sur une méthode de singularité de seconde génération pour le calcul des écoulements stationnaires, tridimensionnels avec prise en compte des sillages, code inclus dans une chaîne de calcul permettant notamment l’évaluation des caractéristiques hydrodynamiques d’un sous-marin. Ce code utilisait une méthode basée sur la représentation de la solution par une formulation dérivant d’un problème avec conditions aux limites internes de Dirichlet, où le saut de potentiel sur le corps est l’inconnue principale, le calcul des vitesses s’effectuant à partir de ce saut de potentiel. Le code de calcul TRIDENT était associé à un logiciel de CAO « CIRCE 3D » (Conception interactive et Représentation de Carènes) et à un code de visualisation graphique « PYTHAGORE » développé par l’ONERA. TRDENT était implémenté et optimisé sur deux configurations d’environnements informatiques : une pour CRAY XMP 18 et une pour CRAY 2. Il est vrai que c’était l’époque où l’ONERA était détenteur du « CRAY aéronautique » et pilotait le club des utilisateurs des CRAY pour les besoins aéronautiques, la puissance de calcul étant alors beaucoup moins élevée et encore largement concentrée dans les centres de calcul.
Pour fixer les idées, une configuration de sous-marin d’attaque équipé de barres de plongée avant faisait appel à un maillage de 956 facettes et le temps de calcul du champ de pression sur la totalité du sous-marin nécessitait un temps de calcul de quelques dizaines de secondes seulement sur CRAY XMP 18 ce qui permettait d’utiliser TRIDENT pour des études d’architectures et de configurations. La première version du code ne prenait pas en compte la modélisation de la surface libre qui fut ajoutée ultérieurement.
Visualisation au tunnel hydrodynamique de l’écoulement autour d’un sous-marin avec simulation du fonctionnement de l’hélice par une prise d’air
De la vrille aéronautique à la remontée d’urgence
Les nombreux développements, tant théoriques qu’expérimentaux, menés à l’ONERA dans le cadre de la mécanique du vol des avions de combat ont amenés les aérodynamiciens à mettre au point de nouvelles méthodes capables de traiter les cas du domaine de vol auxgrands angles. Ces efforts ont été transposés et adaptés à l’étude de la manœuvrabilité des sous-marins notamment en situation de dépesée. En effet lorsqu’un sous-marin doit effectuer une remontée d’urgence à la suite d’une avarie de barres par exemple, il est amené à vider ses ballasts. Ce type de manœuvres entraine généralement des comportements fortement instables caractérisés par des angles de gîte et d’assiette importants. Les méthodes classiques d’études du comportement ne donnent pas de résultats satisfaisants pour l’analyse des stabilités et des manœuvres aux grands angles. L’ONERA a appliqué la théorie des bifurcations pour répondre à ce besoin de méthodes et d’outils numériques nouveaux. Cette théorie permet notamment de rechercher numériquement l’ensemble des états d’équilibre en fonction des variations des commandes du système et a été implantée dans un code de calcul baptisé « ASDOBI » d’abord pour des besoins aéronautiques puis appliqué au sous-marin.
Parallèlement au travail théorique, des simulations expérimentales en souffleries ont été menées. Elles utilisaient des maquettes de sous-marins équipées de propulseur motorisé afin de tenir compte de l’influence de l’hélice ou de la pompe hélice, sur la stabilité du corps et sur les efficacités des gouvernes. Cet effort était indispensable pour constituer les bases de données permettant d’effectuer une corrélation avec les résultats issus des simulations numériques. Ces expériences en souffleries adoptaient une échelle de maquette et une vitesse de l’air fournissant un nombre de Reynolds correspondant à celui des essais en bassins. Un des moyens expérimentaux les plus remarquables qui fut mis à contribution est la soufflerie verticale SV4 du Centre ONERA de Lille habituellement dédiée à l’étude de la vrille des aéronefs. Ainsi après des maquettes de Mirage ou du Rafale, c’est une maquette du SNLE Naval Group suspendue à une balance de mesure d’efforts qu’il était possible de voir dans SV4 !
Analyse de l’influence de la déformation élastique des pales d’hélices sur le rayonnement acoustique.
Simulation numérique des coefficients de pression pariétale instationnaire.
La discrétion acoustique objectif prioritaire
La décision de lancer les études sur une nouvelle génération de SNLE a notamment eu comme conséquence la recherche d’un niveau élevé de discrétion acoustique et c’est cette recherche qui a orienté pendant plus de quinze ans les recherches de l’ONERA sur les bruits rayonnés par les structures. Au départ les travaux se sont surtout concentrés sur le développement de modules de calculs nouveaux de couplage fluide / structure capables de s’intégrer à des logiciels de calcul de structure utilisant les éléments finis comme ADINA afin d’en étendre les possibilités et de diminuer les temps de calcul du bruit rayonné par des structures axisymétriques. Au début l’accent fut mis sur les moyennes fréquences dans ces développements autour du code ADINA. Les développements ont concernés aussi bien le comportement des interactions entre le fluide et les structures internes ou externes afin d’être en mesure de calculer les bruits de cavités de toutes tailles ou de composants tels que les grilles ou les appendices.
La vérification expérimentale a fait l’objet de campagnes de mesures d’abord sur des maquettes au lac de Cadarache puis sur des structures de dimension réelles. Le propulseur, la pompe hélice, a aussi fait l’objet de travaux théoriques et expérimentaux en mettant à profit souffleries et tunnel hydrodynamique de l’ONERA.
Parallèlement aux efforts de modélisation pour la diminution du bruit rayonné par le sous-marin, la réponse du dôme sonar à la couche limite turbulente fut l’objet d’études spécifiques. A partir des premières esquisses, un travail d’optimisation de la forme du dôme et des matériaux fut mené afin de réduire le bruit propre. C’est d’ailleurs par un travail d’optimisation de dôme sonar que se sont terminées les études relatives aux sous-marins à l’ONERA puisqu’un travail similaire a été mené dans le cadre du Sous-Marin d’Attaque Futur (SMAF) devenu depuis Barracuda.
L’extension et l’adaptation de codes de calcul de structures aux problématiques sous-marines commencées avec ADINA/ONERA s’est poursuivie avec le code NASTRAN avec l’adjonction de méthodes nouvelles pour toutes les bandes de fréquences et tout particulièrement dans le domaine des basses fréquences. Une autre fonctionnalité ajoutée fut la prise en compte de la nature finie du milieu dont il est capital de tenir compte quand le sous-marin se rapproche de la surface.
Ces trois exemples illustrent quelques contributions de l’ONERA à l’effort effectué pour doter le pays de sous-marins performants. D’autres travaux ont concerné par exemple la chasse des missiles balistiques, le comportement hydrodynamique des missiles ou encore la furtivité d’un sous-marin vis-à-vis des menaces au-dessus de la surface mais cela nous entrainerait trop loin.
Jacques Lafaye, Conseiller du PDG de l’ONERA
Physicien de formation et entré à l’ONERA en 1987 pour des d’études liées la dissuasion « Système d’arme MSBS ». A la fin des années 90, détaché au STCAN (Service technique des constructions et armes navales) pendant quatre ans pour les besoins des travaux relatifs au SMAF (Sous-marin d’attaque futur) devenu depuis le programme « Barracuda ». Depuis 2014 Conseiller du Président Directeur-Général de l’ONERA Bruno Sainjon.
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