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30 septembre 2020

BARRACUDA, UN PARI…
EN PASSE D’ÊTRE GAGNÉ

 Le 28 juillet dernier, le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren rejoignait Toulon, son port d’attache. Il entame la dernière ligne droite de ses essais à la mer pilotés par la DGA, qui en assurera ensuite la réception finale.


 Cette arrivée aura été précédée d’une première phase menée d’abord au large de Cherbourg, puis en Atlantique, qui a permis à l’équipe d’essai de vérifier les performances de manœuvrabilité du navire, d’ouvrir progressivement son domaine d’emploi (le fameux diagramme Immersion Vitesse), de mesurer sa signature acoustique et de commencer à tester les performances de son système de combat.

Initié à la fin des années 90, le programme Barracuda a fait l’objet en 2006 d’un contrat de développement-réalisation confié par la DGA à Naval Group, concepteur du navire armé, en co-traitance avec TechnicAtome, concepteur de la chaufferie nucléaire. La fabrication de la coque du Suffren a démarré en 2007, et sa construction s’est ensuite poursuivie en parallèle de la phase de développement, jusqu’à son transfert sur le dispositif de mise à l’eau en juillet 2019, en présence du Président de la République, Emmanuel Macron.

Avec un déplacement de 5300 tonnes, les Barracuda emportent deux fois plus d’armes, seront déployés deux fois plus longtemps, avec une vitesse tactique supérieure, que leurs prédécesseurs de la classe Rubis, construits dans les années 80, et ce avec un équipage équivalent en nombre (63 membres d’équipage). L’optimisation de l’équipage a été rendue possible par une forte automatisation du système de combat et du système de supervision et d’exploitation navire.

Doté d’une propulsion hybride, combinant une turbine pour la vitesse maximale, et deux moteurs électriques pour les vitesses discrètes, le Suffren intègre une chaufferie nucléaire dérivée de celle des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin, bénéficiant de tout le retour d’expérience ainsi que des exigences de sûreté renforcées. Pour améliorer sa manœuvrabilité, le navire a été doté de barres  en  X  : ces quatre ailerons disposés à l’arrière du navire en croix de Saint-André fonctionnent comme les gouvernes d’un avion et sont commandés par le timonier/barreur depuis le poste de contrôle navigation.

En matière de lutte sous-marine, le Suffren combinera sa discrétion acoustique aux performances de sa suite sonar de son partenaire Thales, de la nouvelle torpille lourde F21 développée sur le site Naval Group de Saint-Tropez et de son système de combat. Mais il est également doté de capacités d’emport exceptionnelles pour les nageurs de combat, ou de l’intégration du missile de croisière naval qui donne une capacité de frappe ciblée et en profondeur, nouvel outil stratégique.

Un défi technologique exceptionnel

C’est un puzzle en trois dimensions de 800 000 pièces. Il faut pour intégrer dans un volume de 5 300 tonnes en plongée tous ces éléments pour in fine constituer un ensemble de densité « 1 », lié au principe d’Archimède. Et au démarrage du développement, le mode d’emploi pour le réaliser n’existe pas… Dans ce défi, le développement d’une maquette numérique complète du navire et de tous ses composants a été un élément clé de maîtrise de la complexité. Il constitue la base éprouvée pour la réalisation des cinq autres exemplaires de la série. Ce sont dix-sept mille tronçons de tuyauteries qui ont été montés constituant plus de vingt kilomètres de réseaux, cent cinquante kilomètres de câbles qui ont été tirés, cent cinquante mille points de bornage électriques raccordés et plus d’un millier d’applicatifs logiciels qui ont été installés à bord.

L’optimisation de l’équipage et le développement de l’automatisation associée, ont conduit par ailleurs à généraliser l’emploi de plateformes d’intégration fonctionnelles pour tester en vraie grandeur les logiciels embarqués sur les sites Naval Group d’ Angoulême-Ruelle, de Nantes-Indret, de Toulon et de Cherbourg avant leur implantation à bord du navire.

400 compétences, 2500 collaborateurs, 800 partenaires

C’est aussi sur le plan humain que la réalisation d’un programme de cette envergure représente quelque chose d’unique. Plus de quatre cents compétences différentes ont été mobilisées au sein de l’entreprise industrielle, des plus manuelles comme celles des formeurs, soudeurs et charpentiers de la coque résistante à Cherbourg, ou encore celles des chaudronniers ou monteurs nucléaires à Nantes, comme des plus intellectuelles pour le développement de logiciels temps réel à Ruelle et à Toulon ou encore la maîtrise de l’équation acoustique du navire sur l’ensemble des sites.

Au global, plus de 2 500 collaborateurs de huit sites différents auront œuvré pendant la phase de développement et de réalisation du premier de série, combinant leurs compétences à celles de plus de huit cents partenaires.

L’entretien et le développement de ces quatre cents compétences représente un trésor inestimable au service de la souveraineté de la France et de sa force de dissuasion. Le juste enchainement des programmes de navire à propulsion nucléaire est un élément clé de sa préservation, et doit être combiné à la poursuite d’une activité de développement et de réalisation de sous-marins classiques pour des marines alliées comme celle de l’Australie. Mais tout ceci doit se combiner à d’autres initiatives en matière de formation professionnelle, telles que par exemple le développement à Cherbourg d’une école de formation des « emménageurs » : les intégrateurs/projeteurs qui développeront les maquettes numériques des nouveaux sous-marins. Cette nouvelle école vient s’ajouter à celles qui préexistaient pour les soudeurs d’acier à haute limite élastique, et est également complétée par le développement de chantiers écoles, focalisés sur la maîtrise de gestes techniques des différents métiers de montage.

Une organisation intégrée a été mise en place, renforçant l’esprit collectif entre les acteurs industriels, les différents sites du groupe et l’ensemble des parties prenantes. Cette adaptation des modes de fonctionnement dans une phase clé du programme a été menée en travaillant , en toute transparence avec la maîtrise d’ouvrage (DGA, CEA) et l’utilisateur final la Marine nationale.

Toulon prépare l’entretien

Le Suffren est aujourd’hui à Toulon. En raison de caractéristiques différentes, mais aussi pour répondre à de nouveaux référentiels de sûreté, les installations évoluent :

• le bassin dédié à l’entretien courant des sous-marins ainsi que deux postes à quai ont été transformés sous la maîtrise d’ouvrage du service d’infrastructure de la défense (SID).

• deux autres bassins et ateliers dédiés à l’entretien courant et majeur des sous-marins seront ensuite modernisés.

• les ateliers spécifiques ont été rénovés ou adaptés et la zone dédiée aux sous-marins sera considérablement agrandie.

• des nouveaux bancs d’essais seront adaptés aux composants hydrauliques du Barracuda ;

• une nouvelle tour de matage est en cours de construction pour tester et maintenir les mâts télescopiques.

• près de 1  000 autres outillages spécifiques sont également développés et installés.

« Quatre cents compétences … Un trésor inestimable »

Les équipes toulonnaises de Naval Group spécialisées dans le maintien en condition opérationnelle se sont formées aux nouvelles spécificités techniques tout en apportant, leur savoir-faire lors d’opérations particulières. Elles préparent également plus de 1 500 dossiers industriels numérisés indispensables aux phases d’entretien.

Une nouvelle ère va donc commencer. Un nouveau sous-marin aux capacités étendues sera soutenu par des infrastructures modernisées et des équipes soucieuses de pérenniser ce succès dans la durée.

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