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01 mars 2019

UNE EUROPE EFFICACE QUI PROGRESSE SANS BRUIT...
QUINZE ANS DE PROGRÈS DE LA SÉCURITÉ DE L’AVIATION CIVILE EUROPÉENNE GRÂCE À L’AGENCE EUROPÉENNE DE LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

L’Union Européenne s’est dotée en 2002 d’une organisation chargée de rendre toujours plus sûrs les voyages en avion de ses citoyens : l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne. Le contrat est rempli, comme le démontre l’évolution du nombre des accidents. Les meilleurs experts européens ont mis en place une réglementation exigeante, uniformément appliquée dans tous les États membres et ont procédé à la certification rigoureuse des aéronefs et de tous les acteurs du système. Le système européen est reconnu dans le monde entier.


 L'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne : l’aboutissement d’une longue évolution.

Airbus naît dans les années 60 et propose le premier projet d’avion européen. Comment certifier cet avion alors que les pays qui en­treprennent sa conception et sa construction ont des exigences techniques de sécurité différentes ? Car à l’époque chaque pays euro­péen a ses propres standards inté­grés dans son corpus législatif.

Quelques États décident donc en 1970 de créer les Joint Airwor­thiness Authorities (JAA) afin d’éta­blir une réglementation commune pour les avions de transport et leurs moteurs. Les JAA étendent progressivement leurs activités et prennent le nom de Joint Aviation Authorities. Quels sont les objec­tifs ? Créer une réglementation de sécurité aérienne globale commune aux États partenaires et mettre en commun des res­sources pour certifier les avions. Cette collaboration est un progrès significatif, mais rien de ce qui sort des JAA n’est contraignant pour les partenaires ! Les règlements doivent être introduits dans les lé­gislations nationales et beaucoup ne le sont pas. L’industrie reste confrontée à l’obligation d’ob­tenir une certification de type de chaque modèle d’avion dans cha­cun des pays « acheteur ». Cette obligation permet quelques dis­torsions de concurrence au profit de l’industrie locale par l’ajout de contraintes particulières…

La non harmonisation des diffé­rentes exigences nationales et la multiplication des démarches techniques et administratives créent pour l’industrie des incerti­tudes et des coûts prohibitifs. Par ailleurs, les constructeurs euro­péens certifiant aussi leurs appa­reils auprès de la Federal Aviation Administration (FAA) pour pouvoir les vendre aux États Unis n’ont pas le soutien d’une autorité eu­ropéenne forte agissant comme autorité de certification primaire.

Ce constat pousse la Communau­té Européenne à réagir et il est dé­cidé de transférer progressivement des États Membres vers la Com­munauté les compétences en ma­tière de sécurité aérienne. C’est le point de départ de l’aventure de l’Agence Européenne de la Sé­curité Aérienne (AESA en français EASA en anglais).

Quelques mots sur la structure réglementaire européenne.

Le plus haut niveau est le « Rè­glement européen » adopté par le Parlement européen et le Conseil. Le Règlement qui crée l’AESA et en fixe les compétences est de ce niveau. La Commission euro­péenne a l’initiative de ces Règle­ments européens qui constituent un acte politique majeur et font l’objet de négociations longues et difficiles entre la Commission, le Conseil et le Parlement puisqu’il s’agit de transférer des compé­tences des États Membres vers la Communauté.

Le deuxième niveau est la « Règle de mise en oeuvre ». C’est une sorte de décret d’application pris au niveau de la Commission expli­citant et détaillant les missions de l’Agence et la façon de les remplir. La difficulté essentielle est ici de trouver un compromis acceptable entre les intérêts particuliers des États et leurs visions diverses de la sécurité aérienne.

Enfin le directeur exécutif de l’Agence adopte les « Spécifi­cations de certification » et les « Moyens de conformité » explici­tant les règles de mise en oeuvre pour faciliter le travail des usagers.

Les missions de l’Agence pour répondre aux besoins des citoyens européens et de l’industrie

En 2002, l’Union Européenne souffrait :

- D’avoir des réglementations de sécurité aérienne multiples entraînant des exigences tech­niques disparates d’un pays à l’autre

- De l’obligation pour les constructeurs d’obtenir dans chaque État une certification de type de leurs aéronefs.

Les missions de l’Agence ont donc consisté à obtenir :

- Un corpus réglementaire com­plet, unique et uniformément appliqué dans tous les États Membres

- La vérification sur le terrain que les États Membres appliquent de la même façon cette régle­mentation et n’en dévient pas

- Une certification unique des matériels, des organisations et des personnels, délivrée se­lon les cas par l’Agence elle-même ou par les autorités des États Membres, valable uni­formément dans toute l’Union européenne

Commençant par la navigabilité en 2002, les missions de l’Agence vont au cours du temps s’étendre à toute l’aéronautique civile.

Il aura fallu sept ans pour qu’ap­paraissent dans le « Règlement européen » fondateur de l’Agence toutes les composantes de l’aéronautique civile : navigabilité et compatibilité environnemen­tale, exploitation des aéronefs, li­cences des personnels, navigation aérienne et aérodromes. Et bien plus encore pour qu’elles soient réellement intégrées dans le travail quotidien, ne serait-ce que parce qu’une période de transition était toujours prévue pour la mise en oeuvre.

Ce délai peut paraître long mais pour l’Agence ce fut un travail continu de production de textes harmonisant 28 réglementations nationales et tenant compte des aspects culturels, géographiques (l’Union européenne s’étend presque du pôle nord au sud de la Méditerranée !), économiques, sociaux (le règlement sur le temps de travail des personnels navi­gants en est l’illustration), sans oublier les pressions multiples des lobbys et de ceux qui ne voulaient pas se faire dépouiller de leur tra­vail ou de leurs prérogatives… Et sans compter la volonté de pro­duire les textes les plus modernes possibles en y introduisant déjà la notion de vérification de la confor­mité basée sur les performances par exemple…

Au total, l’Union Européenne a mis en place une réglementation complète, et l’objectif d’unicité technique a été atteint. Cette ré­glementation s’impose dans les États Membres sans qu’ils aient à l’introduire dans leur propre cor­pus réglementaire. L’objectif d’uni­cité d’application est donc atteint aussi.

A l’international cette réglementa­tion est adoptée totalement ou en partie par de nombreux pays dans le monde ce qui témoigne de sa qualité et représente un grand succès pour l’Europe et pour son industrie.

Reste à vérifier la mise en oeuvre effective des règlements européens dans les États Membres…

Le législateur européen répar­tit les tâches de mise en oeuvre des règlements entre l’Agence et les autorités nationales des États Membres. Il les attribue de façon constante dans un souci d’effi­cacité et de subsidiarité à l’orga­nisation la mieux à même de les accomplir.

C’est ainsi que la responsabilité de la certification de type des aéronefs a été donnée à l’Agence dès le 28 septembre 2003. Une seule régle­mentation, un seul certificateur : l’objectif principal des construc­teurs était atteint. Quelques cer­tifications de type emblématiques données par l’Agence : celle de l’Airbus A 380 en décembre 2006, celle du Dassault Aviation Falcon 7X en avril 2007 ou encore la va­lidation du Boeing B 787 en août 2011 et la certification de l’Airbus A 350 en septembre 2014…

Par ailleurs, l’Agence est chargée de certifier toutes les organisa­tions utilisées par l’industrie eu­ropéenne, constructeurs ou com­pagnies aériennes, situées dans les « pays tiers ». Par exemple, les ateliers de maintenance utili­sés par Air France aux États-Unis doivent être agréés par l’Agence.

Enfin, l’Agence est chargée de certifier certaines organisations complexes ayant des activités dans plusieurs États Membres. C’est le cas de la production Air­bus. Cela pourrait être le cas de certaines compagnies aériennes.

Le reste de la mise en oeuvre est à la charge des États Membres et de leur autorité d’aviation civile comme la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) en France.

Quand c’est le cas l’Agence a pour mission de vérifier la bonne application des règlements. C’est ce qui est appelé la Standardisa­tion. Elle consiste à inspecter le travail des autorités nationales. La Standardisation a petit à petit harmonisé les pratiques à travers l’Europe.

Et le Brexit dans tout cela ?

Le Royaume Uni est un acteur ma­jeur de l’aviation européenne. Sa contribution aux travaux de l’AESA est importante.

Les conséquences du Brexit se­ront fonction de l’accord qui sera trouvé ou non entre l’UE et le RU.

En cas d’association, si le RU res­tait membre de l’AESA comme la Norvège, l’Islande ou la Suisse aujourd’hui, rien ne serait changé. Mais cela voudrait dire qu’en ma­tière de sécurité aérienne, le RU ne serait pas souverain et notamment accepterait la règlementation eu­ropéenne sans être décisionnaire et pourrait être soumis à un juge­ment de la Cour Européenne de Justice… Ce scénario semble peu probable.

Dans tous les autres cas, le RU deviendrait un « pays tiers » sans reconnaissance mutuelle des cer­tificats, licences et agréments tant qu’un accord bilatéral de sécurité aérienne (BASA) avec l’UE n’aurait pas été conclu, ce qui prendrait plusieurs années.

En matière de réglementation le Royaume-Uni a durant ces 15 ans apporté une contribution importante aux travaux effectués. On ne voit donc pas de difficulté conceptuelle à ce que ce corpus réglementaire soit intégré tel quel dans la législation britannique. En ce qui concerne l’évolution à venir de cette réglementation, il n’est pas dans l’intérêt des Bri­tanniques de faire cavalier seul alors que, par exemple, l’Union Européenne et les États-Unis cherchent en permanence à har­moniser leurs règles. Il est souhai­table au contraire que les Britan­niques continuent à participer aux travaux de réglementation de l’AE­SA avec un statut qui dépendra du « deal » général mais qui serait au pire celui d’observateur ou d’invi­té. Le RU pourrait alors intégrer volontairement les modifications réglementaires dans sa législation. Si ce n’était pas le cas, un fossé se creuserait petit à petit entre le RU et l’UE obligeant les différents usagers à se plier comme par le passé à des exigences différentes sources de surcoûts, d’incompré­hensions et in fine d’erreurs poten­tielles ou à déserter le RU…

De même, on voit mal pourquoi le RU remettrait unilatéralement en cause les certificats de type eu­ropéens ce qui pourrait nécessiter des travaux supplémentaires pour Airbus, Boeing, Dassault, Safran, Rolls-Royce, GE, etc… coûteux et difficilement justifiables pour des ventes au seul RU. Là encore, une reprise pure et simple des certifi­cations passées paraît s’imposer. Pour les certificats de type à ve­nir, le RU étant devenu un « pays tiers », il devra « valider » le certi­ficat européen si l’AESA est l’au­torité primaire de certification (par exemple pour les nouveaux Air­bus) ou américain si c’est la FAA (par exemple pour les nouveaux Boeing) et effectuer la certification complète des matériels britan­niques. L’industrie rechignera cer­tainement à effectuer des travaux et études spécifiques pour le seul RU. Cela signifie que les travaux de « validation » seront certaine­ment très limités. Par ailleurs, le constructeur le plus important, Rolls-Royce a déjà des bureaux d’études dans l’UE et continue­ra certainement à s’adresser à l’AESA qui ouvre des possibilités commerciales bien supérieures. Si la réglementation du RU évolue à l’avenir en s’éloignant des exi­gences européennes les construc­teurs ayant obtenu une certifica­tion AESA seront probablement peu enclins à faire des efforts techniques et financiers pour ob­tenir la certification britannique… Inversement, tout matériel qui se­rait certifié par les Britanniques en tant qu’autorité primaire devraient être « validé » par l’AESA pour être vendu dans l’Union Européenne…

Reste le cas des très nombreuses entreprises britanniques dont les services (par exemple ceux des organismes de maintenance) sont utilisés sur le sol britannique par les compagnies aériennes de l’Union Européenne. Ces entre­prises ont aujourd’hui des agré­ments délivrés par l’autorité bri­tannique sur base des règlements européens. Devenues entreprises d’un pays tiers, elles devront à l’avenir recevoir ces agréments di­rectement de l’AESA, organisation responsable pour les pays tiers. L’AESA a d’ores et déjà commen­cé cet important travail.

Une véritable Autorité Européenne

Construire une véritable autori­té européenne de la sécurité aé­rienne qui serait la contrepartie eu­ropéenne de la FAA sans en être l’équivalent car l’Europe n’est pas fédérale, était la véritable ambition des pères de l’AESA. C’est deve­nu une réalité grâce au talent et au travail acharné des équipes qui ont relevé le défi et se sont instal­lées à Cologne et Bruxelles. Elles n’ont pas fait la Une des journaux, mais ont contribué dans l’ombre à la construction européenne. Qu’elles en soient remerciées.

 

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