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Le meuble à ordres techniques, avant la transformation numérique
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31 mai 2018

LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE EN MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE, PROMESSES ET RÉALITÉS

« Métier d’hommes », reposant de façon particulière sur la compétence et l’engagement des personnels qui l’exercent, la maintenance aéronautique s’engage résolument dans une transformation numérique mise au service du client et de l’efficacité des processus. Prometteuse, cette transformation n’est cependant pas exempte de difficultés.


Dassault Falcon Service (DFS), qui vient de fêter ses 50 ans, est la filiale du groupe Dassault Aviation dédiée à l’opération et à la maintenance d’avions d’affaires en Europe. Son effectif est d’un peu plus de 600 personnes pour un chiffre d’affaires en 2017 de 170 M€ dont 80% en tant que prestataire de maintenance de la gamme Falcon de Dassault Aviation. Ses bases principales sont situées au Bourget, premier aéroport d’aviation d’affaires d’Europe, et à Mérignac.

La maintenance aéronautique est un métier complexe, structuré par l’évidente exigence de sécurité mais aussi par la tenue des délais, la pression des coûts et une concurrence exacerbée. L’aviation d’affaires se caractérise également par une très forte présence du client durant les chantiers (parfois de manière permanente).

Au quotidien, le processus de maintenance repose encore sur l’utilisation massive de traçabilité passant par le papier. Chaque tâche effectuée doit en effet être documentée soigneusement par le technicien et signée par un personnel habilité. La documentation totale d’un gros chantier peut atteindre 15 000 pages.

Fortement challengé par des concurrents évoluant dans des zones à l’environnement économique plus favorable, DFS voit dans la transformation numérique (TN) une opportunité de se différencier et d’améliorer l’efficacité de ses processus. La démarche de DFS s’inscrit au demeurant dans celle du groupe Dassault Aviation, qui a fait de la TN l’un des leviers de son plan « Piloter notre avenir », lancé par Eric Trappier en octobre 2016.

Améliorer l’expérience client

Le souci de rendre plus fluide l’interaction avec ses clients durant les chantiers a conduit DFS à faire développer et à mettre en œuvre un « Extranet clients » permettant notamment à ces derniers d’approuver en ligne, sur PC, tablette ou smartphone les devis des travaux supplémentaires qui leur sont présentés. Ce canal sert également à communiquer et accéder aux archives relatives aux chantiers précédents.

Un intérieur de Falcon

Un intérieur de Falcon

L’expérience client peut également tirer un bénéfice important des technologies dites de réalité virtuelle immersive, qui consistent par exemple à permettre au client de se déplacer en immersion via un casque de réalité virtuelle dans le projet de redesign de la cabine de son Falcon. L’expérience, littéralement « bluffante », est désormais accessible grâce à une collaboration entre DFS et Dassault Aviation.

Améliorer l’efficacité des processus

Le cœur de la transformation numérique au sein des ateliers de maintenance de DFS repose sur un programme de dématérialisation du dossier de maintenance. La préparation du dossier est dématérialisée et les « ordres de travaux (OT) » sont distribués aux techniciens sur une tablette individuelle connectée à l’infrastructure WiFi du hangar. Le technicien effectue la traçabilité de ses travaux sur la tablette. Le suivi du chantier s’effectue sur un grand écran placé à proximité de l’avion et qui remplace le traditionnel « meuble à OT ». Les travaux sont validés par un processus de signature électronique sécurisée. Le dossier est mis instantanément à disposition du client via l’Extranet mentionné plus haut.

   

 

 

 

 

 

 

Meuble à OT : avant/après

Retour d’expérience : un fleuve long et pas tranquille du tout


Le déploiement de tels projets technologiques en milieu industriel peut sembler simple. Il n’en n’est rien.

Le projet de dématérialisation résulte d’une initiative démarrée il y a cinq ans environ et qui arrive à peine à maturité tant le chemin entre la promesse et la concrétisation peut être parsemé de difficultés. Celles ayant trait à la prise en compte de l’humain sont de loin les plus importantes.

En premier lieu, il convient de prendre en compte la dimension sociale de tels projets. Deux craintes reviennent facilement : celles de « flicage » et celle de suppression de poste des fonctions « optimisées ». Ces sujets doivent être traités en fonction du contexte local sous peine de voir se cristalliser des résistances qui s’exprimeront sous des aspects variés.

En second lieu, l’ergonomie des solutions doit de toute évidence être soignée et l’utilisateur placé au centre. Il s’agit de truismes, pour autant leur mise en œuvre se heurte à de réels obstacles. En effet, le système « papier + crayon » est ergonomiquement TRES difficile à battre. La saisie par clavier reste encore le moyen le plus efficace par comparaison au stylet, la saisie vocale en est encore à ses débuts et n’a pas encore percé. La saisie et la commande par interface naturelle reste donc encore un but à atteindre et, de manière générale, les interfaces de systèmes donnés en exploitation à l’atelier doivent donner le sentiment de simplicité.

Enfin, la question de la prise en compte des retours des utilisateurs durant les phases de développement doit être bien traitée. Le constat que nous avons effectué est que le maquettage de solutions ne permet pas toujours d’obtenir la prise des bonnes décisions et c’est souvent lors de l’introduction du système à l’échelle 1 que la vérité se fait jour, les utilisateurs ayant du mal à se positionner sur la base d’une maquette non complètement représentative. Ceci me semble un argument fort en faveur de logiques de développement dites agiles, introduisant les solutions par morceaux successifs validés par les utilisateurs mis en situation réelle. Force a été de constater que le bon vieux cycle en V, avec son inéluctable effet tunnel, ne garantissait pas le bon du premier coup.

Nous n’en sommes qu’au début...

Lors de mes premiers mois au Service Technique des Programmes Aéronautiques, au début des années 90, la question qui se posait était de savoir s’il fallait doter d’un ordinateur chaque personnel du département. On mesure le chemin parcouru. Il en reste autant à faire. L’introduction continue et croissante des technologies dites 4.0 dans des métiers tels que la maintenance aéronautique constitue un levier de compétitivité certain mais à condition de pouvoir lever plusieurs obstacles et notamment celui de l’ergonomie et de l’adaptation du système aux utilisateurs.

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