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01 mars 2019

LE DÉNI D’ACCÈS, UN DÉFI OPÉRATIONNEL ET TECHNOLOGIQUE QUE L’EUROPE PEUT RELEVER

De nombreux systèmes intégrés de déni d’accès se répandent dans le monde et contraignent la liberté d’action des forces armées occidentales, avec une complexité nouvelle : cette menace peut à présent venir de groupes non-étatiques et diffère selon les moyens mis en œuvre dans le milieu maritime ou aérien. Ce défi opérationnel stimule en Europe de nouveaux développe- ments technologiques.


Ainsi des acteurs non-étatiques présents au Proche-Orient et au Yémen ont déjà endommagé des unités des marines saoudienne, égyptienne et israélienne en mettant en œuvre depuis la terre des missiles antinavires ou antichars, voire des embarcations de surface rapides sans pilote dotées de lourdes charges explosives et autoguidées jusqu’à l’impact sur le navire attaqué. Ce précédent impose aux marines de mieux protéger leurs bâtiments pour conserver la capacité de franchir les détroits stratégiques tels que ceux de Bab El Mandeb et d’Ormuz. Dans le milieu aérien, les armées aériennes doivent faire face à une montée en puissance similaire des acteurs non étatiques. La cause en est la dissémination des systèmes sol air, depuis les missiles portables et de très courte portée produits par de nombreux pays jusqu’aux missiles de moyenne portée capables d’intercepter des avions volant à haute altitude. Ces derniers sont moins répandus mais ils peuvent néanmoins se retrouver entre les mains de forces non contrôlées, comme l’a démontré la destruction du Boeing 777 de la Malaysia Airlines alors qu’il croisait à une altitude d’environ 10 000 m au-dessus de l’Ukraine.

Certaines puissances continentales comme la Chine, la Russie, l'Iran mettent en place des « bulles de déni d’accès » qui visent à contrôler des zones aériennes et maritimes stratégiques de superficies très importantes de plusieurs centaines de milliers de km2. Pour le milieu aérien, ces bulles reposent sur des défenses sol air de type S-300 PMU2 ou S-400 dont les portées sur aéronef de grande taille peuvent atteindre 400 kilomètres et couvrir une partie du territoire européen. Pour le milieu maritime, ces pays ont fréquemment recours à des missiles antinavires à propulsion par statoréacteur de type Onyx dont les portées sont homogènes avec la composante aérienne de la bulle et qui, volant à plus de 800 m/s, sont difficiles à intercepter par les défenses des navires attaqués sauf à disposer de missiles antiaériens de la classe Aster.

Un exemple emblématique d’application du déni d’accès en temps de crise est la mise en place par la Russie d’une bulle en Méditerranée autour de Tartous en Syrie. Pour conserver sa capacité de projection de puissance et donc sa crédibilité comme partie prenante de la résolution des crises majeures affectant l’ordre international, l’Europe ne peut accepter que ses moyens d’intervention soient tenus hors de portée par ces bulles menaçantes. Elle dispose au sein de l’Otan d’armes de prédilection dans ce type de situation qui lui procure une capacité d’agir à distance (depuis l’extérieur de la bulle de déni d’accès), à savoir des missiles de croisière qui peuvent être utilisées par le pouvoir politique en toute autonomie, depuis la constitution des données d’objectifs jusqu’à l’impact du missile sur sa cible. C’est un atout stratégique. Pour disposer de plusieurs options opérationnelles, la France s’est dotée du missile aéroporté Scalp EG qui est mis en œuvre depuis les avions Rafale basés à terre ou sur le Charles de Gaulle ainsi que du missile de croisière naval (MdCN) tiré par des frégates Fremm et, prochainement, par les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda. L’avenir de cette capacité de frappe dans la profondeur est préparé par le projet de « Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière » (FMAN/FMC) dont les études de concept ont été lancées mi-2017 en collaboration avec la Grande-Bretagne dans le cadre du traité de Lancaster House.

Dans un scénario de conflit de haute intensité, il y aurait de surcroît de nombreuses cibles à traiter à l’intérieur des « bulles de déni d’accès » adverses. Il ne serait pas réaliste, ne serait-ce que pour des raisons de coût, de n’employer que des armes tirées à grande distance. Traiter tous ces objectifs protégés imposerait de neutraliser au préalable la bulle proprement dite. La France ne pourrait donc prétendre projeter de la puissance sans disposer d’une capacité de neutraliser les bulles de déni d’accès par des missiles de croisière tirés à distance de sécurité (Scalp/ EG et MdCN puis à terme FMAN/ FMC) capables de détruire les défenses sol air de très longue portée aujourd’hui de type S-300 PMU2 ou S-400. Une fois ces défenses majeures détruites, nos avions conduiraient leurs missions de bombardement des cibles du champ de bataille (mobiles ou re-localisables aussi bien que fixes et durcies) avec leurs armes air sol. Toutefois, les cibles terrestres ennemies seraient probablement encore protégées par des systèmes sol air de courte et moyenne portées, mobiles et capables de se démasquer au dernier moment sur alerte du réseau de senseurs de l’adversaire.

Contre ce type de menaces, la meilleure protection demeure l’allonge entre le tireur et sa cible et la réactivité du tireur. C’est la raison d’être d’une nouvelle famille d’engins guidés SmartGlider, armements planants en coup complet équipés d’une voilure dépliable, que MBDA a dévoilés lors du salon du Bourget 2017. Grâce à leur aérodynamique soignée et leur fonction de guidage et de navigation intégrée, ils ont une portée de plus de 100 kilomètres mettant le porteur hors d’atteinte des défenses sol air mobiles. Compact (2 mètres de long et 120 kilogrammes), le SmartGlider Light peut être emporté à raison de 12 à 18 exemplaires par un seul Rafale. Ainsi, une patrouille de quatre avions Rafale a la capacité de mettre en œuvre de l’ordre de cinquante de ces armements permettant de saturer et d’éliminer les défenses aériennes adverses et renforçant considérablement les capacités air sol du Rafale en sus des armements en kit et des missiles de croisière.

Plus récemment est apparue une nouvelle forme de menace pesant sur la liberté d’action des marines, avec la multiplication qu’on a pu constater des développements chinois ou encore iraniens de missiles balistiques conçus pour un rôle antinavire, repoussant les limites des zones d’anti-accès à plusieurs centaines de kilomètres de leurs côtes.

La France et ses partenaires britanniques et italiens ne sont pas dépourvus de réponse. Le missile Aster 30, aujourd’hui mis en œuvre par les frégates « Horizon » françaises, « Orizzonte » italiennes et T-45 de la Royal Navy, est extrêmement efficace contre des attaques saturantes de missiles antinavires aérobies, y compris supersoniques. Ses versions Block 1, aujourd’hui en service dans les systèmes sol air Mamba de l’armée de l’Air française et l’armée de Terre italienne, et Block 1 NT actuellement en développement, sont capables respectivement d’intercepter des menaces balistiques de 600 kilomètres et 1 500 kilomètres de portée. L’adoption de l’Aster Block 1 ou Block 1 NT pour traiter les menaces balistiques est actuellement à l’étude avec nos partenaires britanniques et italiens. La Loi de programmation militaire 2019 2025 prévoit que la France lance elle aussi des études dans le but d’adopter cette capacité sur ses frégates de premier rang.

Les progrès de la connectivité et de l’intelligence artificielle renforceront le rôle et le potentiel des missiles dans les futurs systèmes de combat qui assureront la continuité de la liberté d’action de nos forces, que ce soit en mer, sur terre ou dans les airs.

Il faudra en effet arbitrer entre les performances des plates-formes de combat, des capteurs, des réseaux tactiques et celles des missiles et effecteurs, pour atteindre le meilleur compromis opérationnel. Ainsi, une mission donnée pourra être menée avec des platesformes furtives et des missiles de portée relativement courte ou au contraire avec des plates-formes moins discrètes opérant des missiles à longue portée.

Les liaisons de données bidirectionnelles se généraliseront sur les missiles qui pourront engager à distance des cibles, y compris à faible signature, en recevant leur désignation d’objectif depuis des observateurs rapprochés. En retour, le renvoi par les missiles en vol de leurs informations capteurs servira à conforter la NEB (Numérisation de l’Espace de Bataille) sur l’état des défenses ennemies et l’évaluation des dommages infligés par les frappes.

L’intelligence artificielle pourra assister l’homme dans la planification des missions de frappe dans la profondeur, en particulier quand les informations sur les cibles à traiter sont lacunaires, et permettre au missile d’adopter des stratégies complexes de pénétration quand les espaces sont contestés par des défenses antimissiles ou par un environnement électromagnétique brouillé.

L’intelligence artificielle ouvrira également de nouvelles perspectives dans les stratégies d’attaque des cibles les plus difficiles, comme les défenses antiaériennes connectées en réseau. Ainsi, à titre d’exemple, le SmartGlider évoqué plus haut sera capable d’attaques en meutes dans lesquelles certains individus se feront visibles pour déclencher et concentrer sur eux les défenses aériennes ennemies qui, s’étant démasquées, pourront être traitées et saturées par les autres missiles de la meute. Lesquels se réorganiseront spontanément au fur et à mesure de l’attrition de la meute pendant le combat.

Tous ces nouveaux développements sont un défi à l’échelle de l’Europe. De par sa parfaite connaissance des menaces et des moyens de les traiter, son expérience dans les systèmes de missiles, MBDA est dans une position unique pour déterminer les pistes technologiques suivant lesquelles la menace pourrait évoluer dans les décennies à venir. Champion européen des systèmes de missiles, MBDA est ainsi en mesure d’apporter dès aujourd’hui dans chacun de ses pays domestiques une contribution déterminante aux réflexions pour la préparation du système de combat aérien futur (SCAF) européen ou du futur système de défense aérienne successeur des systèmes Aster, puis, grâce à son modèle d’intégration industrielle, de proposer des schémas de coopération efficients répondant aux besoins exprimés par les forces européennes.

 

 

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