LE NOUVEAU CREDIT DE LA DEFENSE EUROPEENE
La défense européenne a connu à l’été 2017 une relance spectaculaire qui se traduit par divers projets, tels que le Fonds européen de défense (FED), la Coopération structurée permanente (CSP) ou encore l’Initiative européenne d’intervention (IEI).
La mobilisation envisagée entre 2021 et 2027 de plus de 35 milliards d’euros de crédits communautaires pour la défense et l’espace, dont 13,5 milliards pour le financement des équipements militaires et pour la recherche, mérite en particulier d’être saluée. Le facteur financier qui constituait jusqu’alors un frein au développement de la défense européenne devient un élément facilitateur de coopérations industrielles et de programmes réalisés en commun.
Néanmoins, toutes ces avancées sont encore en gésine et l’abondement du FED n’est pas définitivement approuvé. Or les conditions du Brexit, le renouvellement des instances Bruxelloises après les élections du mois de mai et les fragilités politiques qui affectent les coalitions au pouvoir dans les grands pays de l’Union font peser sur l’agenda européen des mois à venir de nombreuses incertitudes. Pour la défense européenne, l’année 2019 s’annonce donc comme une passe difficile.
Dans ces circonstances, la ténacité est de mise. Il faut agir de façon déterminée pour finaliser le fonctionnement du FED et confirmer dans les budgets européens les enveloppes dédiées au financement des programmes spatiaux et de défense. Il convient aussi d’être vigilant pour éviter les effets pervers que pourraient générer ces nouveaux mécanismes financiers si, dévoyés, ils contribuaient à intensifier plus une concurrence intra-communautaire fratricide que la compétitivité des entreprises européennes à l’international.
C’est pourquoi la sélection des projets par le FED ne peut pas simplement obéir à des règles d’éligibilité juridiques ou de pertinence industrielle mais devra aussi répondre à des critères opérationnels, technologiques et stratégiques découlant d’orientations capacitaires qui demandent encore à être précisées.
Du côté français il faut également être attentif aux conséquences induites par les appels d’offre européens sur nos propres filières de production qui sont aujourd’hui organisées autour de grands maîtres d’œuvre nationaux. La mise en place d’une politique d’accompagnement des PME-PMI françaises dans la recherche de partenaires européens pour accéder au Fonds s’avère indispensable. A cette politique il convient d’assigner également, comme but et postulat, la préservation des compétences et des filières d’approvisionnement qui sont indispensables à notre souveraineté nationale.
Au-delà de ces considérations sur le bon usage des fonds communautaires, deux ambitions doivent orienter le financement des programmes en coopération : le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union et la reconquête par les Européens de leur marché intérieur de l’armement.
Quoique toujours en débat, malgré son officialisation dans les documents de l’Union, la notion d’ « autonomie stratégique » a besoin d’une traduction concrète dans des éléments de doctrine et de programmation capacitaires qui font aujourd’hui défaut. L’Agence européenne de défense doit intervenir dans l’éclairage des choix capacitaires. Est-ce suffisant ? Sans doute pas. Aussi, l’institution d’un Conseil des ministres de la défense où les propositions seraient discutées et arrêtées, conférerait à la sélection et au suivi des choix de programmation capacitaire toute l’autorité politique nécessaire.
La reconquête du marché intérieur est un objectif généralement mieux compris que celui de préférence européenne, notamment par les États-membres qui ne possèdent pas d’industrie d’armement. Il suppose d’abord la multiplication des programmes militaires en coopération mais aussi la relocalisation sur le sol européen de certaines capacités de production, ce qui est de nature à intéresser tout le monde.
Le FED, au propre et au figuré, redonne crédit au projet de défense européenne. A maints égards, il peut directement ou indirectement contribuer à la réalisation de grands programmes militaires structurants, comme le SCAF ou le MGCS, qui sont aujourd’hui au cœur de la relance de ce projet historique.
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