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l'oeuf contenant une chaufferie pour porte-avions
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03 octobre 2020

LA PROPULSION NUCLÉAIRE EN FRANCE
LES CHAUFFERIES COMPACTES

11 navires militaires français utilisent l’énergie nucléaire pour se propulser. Véritable défi technologique, les chaufferies conçues depuis les années 60 sont maintenues avec un haut niveau de sûreté et offrent aux ingénieurs des métiers passionnants.


La propulsion des dix sous-marins français et du porte-avions Charles de Gaulle – mais aussi toute l’énergie dont ces navires ont besoin à bord – est fournie par des chaufferies nucléaires. La France s’est dotée de cette capacité́ parce qu’elle offre des avantages opérationnels majeurs : elle rend les navires autonomes et discrets dans la durée en supprimant les besoins de ravitaillements et d’oxygène liés à la propulsion. C’est un élément fondamental de la dissuasion nucléaire française.

Les chaufferies nucléaires de la propulsion navale fonctionnent selon le principe des réacteurs à eau pressurisée : l’eau du circuit primaire qui refroidit le cœur est pressurisée pour l’empêcher de se vaporiser malgré sa très haute température ; elle ralentit ainsi efficacement les neutrons, ce qui est indispensable pour entretenir les réactions de fission, et elle transporte la chaleur dégagée par ces réactions de fission vers un échangeur thermique ou générateur de vapeur. Grâce à cet échangeur, l’eau du circuit secondaire est vaporisée pour entraîner une turbine qui produit l’énergie nécessaire à la propulsion et à la vie à bord.

Les chaufferies nucléaires compactes : les ingénieurs apportent une réponse aux opérationnels

Les chaufferies nucléaires équipent les sous-marins français depuis le SNLE Le Redoutable, admis au service actif en 1971. Elles ont ensuite gagné leur place à bord des SNA grâce à la mise au point dans les années 1970, par les ingénieurs de la jeune filiale du CEA, Technicatome (aujourd’hui TechnicAtome), d’un concept dit « compact » : le défi était de loger un réacteur à eau pressurisée dans une coque de 7 mètres de diamètre. A la différence de la chaufferie du Redoutable ou des réacteurs électronucléaires d’EDF, le générateur de vapeur n’est plus déporté et relié au circuit primaire par une boucle mais est directement posé dessus, jouant le rôle de couvercle pour la cuve. Les gains en taille, en discrétion (moins de tuyaux donc moins de bruit) et en sûreté sont considérables.

chaufferie classique "à boucle" ou chaufferie compacte

La sûreté des réacteurs repose sur le contrôle de la réactivité, le confinement de la matière radioactive et l’évacuation de la puissance thermique. Un exemple de gain de sûreté apporté par ce concept est l’évacuation plus facile de la chaleur par circulation naturelle de l’eau primaire. Une panne de pompe primaire (destinée à mettre en mouvement l’eau qui traverse le cœur vers l’échangeur thermique), peut en effet être partiellement compensée naturellement dans une chaufferie compacte : l’eau chauffée dans le cœur, moins dense, s’élève vers le générateur de vapeur et y est refroidie ; elle redescend alors vers le cœur pour y absorber à nouveau de la chaleur ; la puissance thermique s’évacue ainsi, même en l’absence de circulation forcée.

Les chaufferies compactes équipent les SNA Rubis, d’un déplacement de 2400 tonnes, comme leurs successeurs Barracuda, 4000 tonnes, les SNLE de 2e génération de la classe Le Triomphant, 14000 tonnes, ou encore le porte-avions, plus de 40 000 tonnes. Elles équiperont dans l’avenir le SNLE de 3e génération. Au vu des différents tonnages des bâtiments propulsés et donc de la diversité des puissances obtenues avec ces chaufferies, on pourrait se demander si le domaine n’a pas été entièrement exploré et comment il peut encore attirer des chercheurs et des ingénieurs de haut niveau !

Et pourtant, la propulsion nucléaire est en constante évolution : les puissances et les énergies thermiques accessibles par les cœurs continuent à offrir les meilleures performances à nos navires – vitesse et durée de vie entre deux rechargements – malgré des exigences d’encombrement, de masse et de sûreté nucléaire toujours rehaussées.

La propulsion nucléaire continue à recruter des chercheurs et des ingénieurs de très haut niveau

La sûreté nucléaire des réacteurs de la propulsion nucléaire est alignée sur les exigences du nucléaire civil. Elle ne cesse de rechercher des améliorations et s’enrichit en permanence des retours d’expérience de la flotte et des centrales électrogènes. La multitude des situations accidentelles que doivent savoir parer nos réacteurs constitue une source importante de leur complexité. On entend souvent, à juste titre, des scientifiques ou des ingénieurs glorifier nos prédécesseurs qui ont su, à partir de connaissances beaucoup moins étendues qu’aujourd’hui, développer des réacteurs efficaces dans des délais que nous aurions énormément de mal à reproduire. Mais ils auraient eu beaucoup plus de difficultés à réaliser des réacteurs s’ils avaient d’emblée dû concevoir et remplir toutes les fonctions de sûreté aujourd’hui imposées. A titre d’exemple, nos chaufferies sont désormais conçues pour prévenir mais aussi mitiger un accident aussi grave que la fusion du cœur.

La sûreté motive des ingénieurs et des chercheurs car elle va bien au-delà de l’ajout de dispositifs techniques ou technologiques : elle exige des approfondissements scientifiques extrêmement pointus.

Prenons un exemple. Nous avons vu qu’avec le contrôle de la réactivité et l’évacuation de la puissance thermique, le confinement de la matière radioactives était l’un des trois piliers de la sûreté nucléaire. Pour garantir ce confinement, trois barrières sont mises en place : la première est la gaine métallique qui encapsule le combustible nucléaire ; la deuxième est la cuve et ses extensions qui constituent le circuit primaire chargé de la réfrigération du combustible ; la troisième est l’enceinte qui contient la cuve et son générateur de vapeur avec l’ensemble du circuit primaire (tronçon de coque pour un sous-marin, « œufs » en acier pour le porte-avions).

Imaginons une perte de confinement du circuit primaire (2e barrière), même si celle-ci est fortement improbable. Cherchons comment démontrer que les deux autres barrières continuent à assurer le confinement de la matière radioactive vis à vis de l’extérieur.

Cette rupture de la 2e barrière va entraîner une fuite d’eau primaire dans l’enceinte. A ce stade, il existe toujours deux barrières entre les produits de fission radioactifs et le monde extérieur. Mais cette fuite, si elle est importante, va entraîner une diminution de la pression dans la cuve conduisant à une ébullition de l’eau primaire. Les éléments combustibles ne sont donc plus en contact avec de l’eau liquide mais avec de la vapeur d’eau. Leur refroidissement va perdre en efficacité et le combustible contenant les produits de fission va monter en température. Cette montée en température des produits de fission gazeux va augmenter la pression à l’intérieur de la gaine métallique et créer un risque de rupture de la première barrière, d’autant plus que la contre pression par l’eau primaire a diminué. Donc, pour empêcher que la rupture de la deuxième barrière de confinement n’entraîne celle de la première barrière, il faut réduire la pression que pourrait exercer sur la gaine le gaz libéré dans le combustible : la méthode la plus simple consiste à limiter la quantité de gaz de fission en s’interdisant de dépasser un certain nombre de fissions par quantité de combustible. Ainsi, pour que dans le cas d’un accident, même hypothétique, on puisse continuer à garantir qu’aucun produit de fission ne pourra s’échapper, l’énergie utilisable dans les cœurs va être diminuée.

C’est là qu’interviennent les scientifiques et les ingénieurs. Avec des calculs et des plans d’essais bien ciblés, ils vont déterminer la ou les plaquettes les plus irradiées et ce, avec le moins de marges possibles afin de ne pas forcer un arrêt prématuré de l’emploi du cœur. Mais ils vont aussi quantifier un autre effet à même de rendre des marges de fonctionnement : si elle réduit l’efficacité du refroidissement du combustible nucléaire, l’ébullition de l’eau primaire réduit également la quantité d’eau rencontrée par les neutrons de fission ; ces derniers ne sont plus suffisamment ralentis pour interagir efficacement avec les atomes fissiles et l’échauffement du combustible va alors diminuer.

C’est un exemple parmi bien d’autres. L’amélioration des performances de nos réacteurs passe ici par l’association des domaines scientifiques aussi variés que la science des matériaux, la neutronique et la thermo-hydraulique, les sciences du numérique, sans oublier un ambitieux programme expérimental. Voilà pourquoi la propulsion nucléaire continue à motiver et a besoin d’attirer des chercheurs et des ingénieurs de très haut niveau au CEA, à TechnicAtome ainsi qu’à Naval Group. Cela participe à l’une des missions essentielles du ministère des armées qui est de maintenir dans la durée les compétences étatiques et industrielles nécessaires à la conception (et la fabrication) des réacteurs embarqués dans les navires militaires nationaux.

À propos du CEA et de la Direction des applications militaires

Le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) est un organisme public de recherche qui intervient dans quatre domaines : la défense et la sécurité, les énergies bas carbone (nucléaire et renouvelables), la recherche technologique pour l’industrie et la recherche fondamentale. La Direction des applications militaires du CEA (DAM) est chargée de missions au service de la défense et de la sécurité de la France. Ainsi, en tant que maître d’ouvrage, elle conçoit, fabrique et garantit la sûreté et la fiabilité des têtes nucléaires de la dissuasion et conçoit et réalise les chaufferies nucléaires qui propulsent les bâtiments de la Marine nationale. La DAM a la particularité d’assurer à la fois la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de ses programmes relatifs aux armes nucléaires, ce qui lui confère une grande maîtrise dans le domaine. En plus de ses responsabilités de maîtrise d’ouvrage, la DAM apporte un appui technique aux Autorités dans la lutte contre la prolifération nucléaire et le terrorisme. Elle met également son expertise au service de la Défense pour évaluer et maîtriser les effets et la vulnérabilité des armements conventionnels. A la DAM, nous recrutons 200 à 300 talents chaque année, dont 20 au meilleur niveau scientifique. Nous recherchons des managers, mais aussi des experts dans différents domaines. Nous leur offrons des moyens techniques exceptionnels comme le Laser Mégajoule ou les supercalculateurs. Toutes les sciences sont représentées de la physique nucléaire aux sciences de la Terre... Nous avons également besoin de gens capables de stimuler le travail collectif et de comprendre vite de nouveaux sujets très divers. Nous rejoindre, c’est partager nos valeurs : l’engagement, l’intégrité morale et scientifique, l’ambition et l’esprit d’équipe. Les ingénieurs de l’armement ont toute leur place dans les parcours que nous proposons, avec une grande variété de métiers, qui permet de prétendre à un accomplissement professionnel tout au long de sa vie. En savoir plus : En savoir plus : www.cea.fr / www-dam.cea.fr

 

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