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Îlot nucléaire de l’EPR2 (Crédit EDF)
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20 mars 2023

LA RELANCE DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS :
ESPRIT DE L’ARMEMENT, ES-TU LÀ ?

Même si les questions de défense peuvent avoir une résonance particulière dans l’opinion publique (les ventes d’armes, les opérations extérieures, le renseignement…), renforcée bien sûr depuis le début de la guerre en Ukraine, les sujets énergétiques restent une source d’intérêt majeur pour nos concitoyens. Le prix de l’électricité, le passage de l’hiver, l’autonomie énergétique, animent, à juste titre, les discussions et la presse !


Si l’énergie est historiquement un domaine de compétences d’autres corps de l’État, singulièrement celui des Mines, les ingénieurs des corps de l’armement ont de réels atouts à y faire valoir. Le nucléaire civil, à beaucoup d’égards, présente des similitudes avec celui de l’armement : haute technologie, cycles longs (la durée de vie d’une centrale nucléaire est du même ordre voire plus longue que celle d’un porte-avions nucléaire), séries limitées, implication forte de l’État dans la filière industrielle via la régulation ou l’actionnariat, … le monde nucléaire et le monde de l’armement sont très proches, et il est donc logique qu’on retrouve des ingénieurs de l’armement dans le nucléaire, que ce soit à des postes de direction, de contrôle de projet, d’expertise technique ou encore de maîtrise d’ouvrage.

Le futur énergétique de la France : retrouver l’élan

Le nucléaire opère depuis quelques années une formidable remontada, aussi bien dans la stratégie énergétique des pouvoirs publics que dans l’opinion publique. Parlons chiffres : pour atteindre la décarbonation du système énergétique à l’horizon 2050, la « Stratégie nationale bas carbone » française prévoit à la fois une diminution de 40 % des consommations d’énergie du pays (pour passer de 1600 TWh à 930 TWh), et une sortie des énergies fossiles. L’atteinte de ces objectifs passera donc nécessairement par une électrification massive des usages (transports, chauffage, industrie,…), s’appuyant sur une production d’électricité bas carbone. L’électricité devrait alors représenter 55% du mix énergétique Français en 2050, contre 25% aujourd’hui, soit une augmentation de 28% en volume.

« RECRUTER 10% DES EFFECTIFS DES ÉCOLES D’INGÉNIEURS »

L’analyse des différents scénarios envisageables montre que les mix électriques fondés à la fois sur un développement des énergies renouvelables et sur un socle de 40 à 50 GW de nucléaire présentent des avantages économiques, environnementaux et industriels certains, par rapport aux mix électriques composés exclusivement d’énergies renouvelables. Avantages économiques, car les scénarios incluant du nucléaire sont au minimum 15% moins coûteux que les scénarios sans nucléaire. Avantages environnementaux, car – outre des émissions de 4 grammes de CO2 par kilowattheure produit –, le nucléaire a aussi pour qualité d’être économe en ressources et en espace, au regard de la puissance produite et de la durée de vie des installations. Avantages industriels, car la relance d’un programme nucléaire permet de garder ouvertes les options d’évolution du système électrique pour les décennies à venir, en pérennisant un tissu industriel hautement qualifié, qui a besoin de projets pour conserver ses compétences.

 

La préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires

Conformément à la demande de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie de 2018, confortée par le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022, EDF est donc engagé dans la préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires, au nombre de 6 dans un premier temps, potentiellement complétés ultérieurement par 8 autres, pour lesquels les études sont en cours. La solution technique repose sur le réacteur dit « EPR2 », évolué de l’EPR, d’une puissance de 1 670 mégawatts électriques, ce qui permet à une paire de réacteurs EPR2 de produire, chaque année, l’équivalent de la consommation électrique actuelle de la région Normandie, ou encore la moitié de la consommation électrique de la région Île-de-France.

Les 6 premiers EPR2 seraient mis en service à compter de 2035-2037 pour la première paire, et au milieu des années 2040 pour la dernière paire (chaque site choisi accueillerait en effet deux réacteurs). Ces six unités représentent 10 GW de puissance installée, pour une production d’électricité bas carbone d’au moins 60 ans. Cette approche repose sur les bonnes pratiques qui ont fait le succès de la construction du parc actuel dans les années 1970-1980, en un temps record : la construction par paire, donc, et l’effet de série notamment. L’EPR de Flamanville a en effet montré les limites d’une approche par réacteur unique sur un même site, et les difficultés d’un premier de série. Là aussi, les retards calendaires connus par le premier Barracuda montrent les difficultés auxquelles peuvent être soumises nos industries à la suite de longues périodes sans développement et sans construction.

La formation de maître d’ouvrage en particulier, qu’on acquiert à la DGA (spécifications, contractualisation, tests et essais, et globalement l’aptitude à gérer des projets complexes et à animer un tissu industriel) fournit un socle de compétences précieuses, car les réflexes à mobiliser ne sont pas si éloignés qu’on parle d’un EPR ou d’un sous-marin nucléaire.

Une gouvernance repensée

La préparation de ce programme de réacteurs nucléaires s’accompagne d’une gouvernance rénovée, afin de maîtriser la bonne exécution d’un projet qui compte parmi les plus exigeants au monde. A la suite de la parution du rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de l’EPR de Flamanville en 2019, qui pointait l’absence de maître d’ouvrage bien identifié - contrairement à des pratiques usuelles dans d’autres secteurs industriels mettant en œuvre de grands projets - EDF et l’État ont ainsi décidé de distinguer, au sein d’EDF, une maîtrise d’ouvrage, incarnée par le programme « Nouveau nucléaire France », de la maîtrise d’œuvre, portée par le projet EPR2. La maîtrise d’ouvrage, dans une logique « business owner », doit notamment contrôler l’avancée industrielle et technique des projets de construction, garantir le respect des coûts, des délais et de la qualité des EPR, et bien sûr sécuriser au niveau européen et avec l’État, la validation du cadre juridique et financier de ce programme de plus de 50 milliards d’euros ; quand les équipes de maîtrise d’œuvre sont quant à elles dans une logique de pilotage du projet, de réalisation des études, de la préparation des sites et de la construction des réacteurs. C’est donc une sorte de « mini-DGA » qui a été instaurée au sein d’EDF pour garantir l’avancement du projet EPR2 en qualité, coûts et délais.

Vue du site de Penly intégrant une vue d’artiste des deux tranches EPR2 (crédit EDF)

Vue du site de Penly intégrant une vue d’artiste des deux tranches EPR2 (crédit EDF)

L’intérêt général, au-delà des ministères

Le nucléaire a historiquement permis à la France d’être en avance dans la décarbonation de son mix électrique. La crise énergétique que traverse l’Europe depuis l’été 2021 a renforcé l’impératif de décarbonation de nos économies à l’horizon 2050 tout en remettant en lumière l’importance d’assurer notre souveraineté énergétique. Le programme « Nouveau nucléaire France » porté par EDF, basé sur la technologie des EPR2, doit permettre de faire en 30 ans de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, et de sécuriser à long terme et de manière souveraine les approvisionnements en électricité du pays.

Pour réussir, la filière nucléaire doit désormais recruter dans les années qui viennent l’équivalent de 10% des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises. Les ingénieurs de l’armement, par leur formation technique, leur aptitude à gérer des projets complexes, leur connaissance des tissus industriels, peuvent avoir une place de choix dans cet écosystème, où ils concourront au bien commun et au service public, autrement qu’au ministère des Armées, mais pas avec moins d’enjeux.

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Hervé Grandjean, ICA

X – ENSTA, docteur en mécanique des fluides, il débute sa carrière en 2007 à Brest au Service de Soutien de la flotte, puis devient sous-directeur affaires de DGA Techniques hydrodynamiques en 2012. Après avoir été rapporteur de la mission Attali sur l’Ecole polytechnique, il revient au ministère de la Défense en 2016 comme directeur du programme « Flotte logistique ». Conseiller pour les affaires industrielles de la ministre des armées en 2017, Porte-parole du ministère des Armées en 2021, il devient directeur des opérations et de la stratégie industrielle du programme « Nouveau nucléaire France » d’EDF en 2022.

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