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Démonstrateur de Drone Océanique Naval Group
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05 mars 2022

LE DÉMONSTRATEUR DE DRONE SOUS-MARIN OCÉANIQUE

La Lutte Sous la Mer (LSM) réapparait comme un enjeu clé sur la décennie et cela se traduit naturellement par une évolution des besoins en termes de systèmes navals. La Marine Nationale, à l’instar des marines américaine, russe ou encore chinoise, devra faire face rapidement à une menace plus dangereuse en qualité et en quantité.

Pour y répondre, l’utilisation de drones s’impose, et leur développement s’appuie déjà sur des démonstrateurs sous-marins.


Pour accompagner et exploiter ce bouleversement en conservant la supériorité au combat par la technologie, mais avec des moyens budgétaires contraints limitant le nombre de navires habités, la Marine devra mettre en œuvre de nouvelles capacités innovantes basées sur la supériorité de l’information et sur le combat collaboratif, pour lesquels les drones navals, organiques ou océaniques, joueront un rôle important en augmentant les performances des forces navales au sein desquelles ils seront déployés, sans pouvoir les remplacer complètement.

 

Pour parvenir à caractériser le besoin technologique associé à ces drones navals, le recours aux démonstrateurs est une solution simple et rapide qui a été identifiée par la Marine Nationale dans le plan Mercator 2030. Ces démonstrateurs technologiques permettent de gagner en agilité dans les processus de développement au regard des capacités opérationnelles recherchées et accessibles, sur les temps d’acquisition des systèmes de série et sur les mises à niveau rapides par incréments.

Cette méthode a été utilisée il y a quelques années par la marine américaine en testant les démonstrateurs de drone sous-marin de Boeing (Echo Seeker, Echo Voyager) avant de commander à Boeing et Lockheed Martin plusieurs drones de la classe Orka (20-30m, 45 t). La marine japonaise de son côté a testé à la mer le LCAUV2 de Jamstec et Mitsubishi. Et ce sont au total au moins 9 nations qui ont initié des développements sur des drones sous-marins de grande taille, en affichant des objectifs duaux (océanographie, hydrologie, travaux offshore, surveillance des fonds et câbles sous-marins, chasse aux mines, etc.).

En tant que maître d’œuvre de systèmes navals, Naval Group a développé sur fonds propres un premier Démonstrateur de Drone sous-marin Océanique (DDO), plateforme d’expérimentation destinée à évaluer, développer et qualifier de manière accélérée des technologies susceptibles de répondre aux besoins opérationnels futurs. Il a été présenté lors des derniers Naval Innovation Days en octobre 2021 à Paris.

Ce démonstrateur d’une longueur de 10 m et d’un diamètre de 1,5 m environ est conçu avec une architecture modulaire (sections pouvant être assemblées très rapidement) et évolutive (charges utiles variées, système de stockage et de production d’énergie ajustable), permettant une navigation en plongée jusqu’à 8 Nd et 200 m d’immersion.

Parmi l’ensemble des technologies qui seront expérimentées à bord de ce démonstrateur de drone sous-marin océanique, on peut citer plusieurs technologies qui sont indispensables pour lui conférer une réelle autonomie :

1. Un système de mission, pour préparer, allouer et vérifier les différentes séquences d’action qui vont être demandées au drone quand il sera déployé et ne pourra plus être en communication permanente avec son centre de commandement à terre ou embarqué,

2. Une autonomie décisionnelle contrôlée, pour permettre au drone de naviguer en sécurité, de gérer son énergie, de communiquer et d’utiliser ses charges utiles à bon escient en fonction des séquences de sa mission, de se reconfigurer en cas d’imprévu technique ou opérationnel, dans un cadre strict d’action vérifié par un système de supervision indépendant autonome,

3. Un système de communication intermittent basé sur les moyens propres du drone, mais aussi sur un réseau de moyens extérieurs déployés en fonction du besoin des missions assignées,

4. Des systèmes de stockage et de production d’énergie, adaptés aux différentes missions à réaliser,

5. Des charges utiles très variées, pour permettre des missions de renseignement, de surveillance ou de reconnaissance, sous l’eau ou en surface, pour stocker de manière fiable et cybersécurisée les informations collectées et pour réaliser de premiers traitements de données dans le cadre de l’autonomie de mission.

Une partie de ces développements est mutualisée avec ce qui se fait pour les sous-marins militaires habités, ou avec ce qui est utilisé pour des véhicules sous-marins téléopérés, que ce soit pour le domaine offshore, l’océanographie ou la guerre des mines. Toutefois, même quand c’est le cas, une mise à l’échelle est requise pour tenir compte de la taille du drone et du besoin de permanence à la mer en totale autonomie.

En complément de ces travaux technologiques, il a aussi été nécessaire de travailler sur les référentiels techniques et réglementaires suivant lesquels un tel système devait être conçu et réalisé. Si l’absence d’équipage à bord permet de simplifier bon nombre de systèmes de sécurité par rapport à ce que l’on fait sur un sous-marin habité, l’autonomie de fonctionnement pendant plusieurs jours / semaines, nécessite l’ajout de nouveaux systèmes d’analyse de l’environnement, de contrôle de toutes les fonctions et d’élaboration de décisions pour garantir la sécurité de navigation, pour le drone lui-même, mais aussi bien sûr pour les autres usagers du domaine maritime où il sera déployé. 

En exploitant ce démonstrateur, il va être possible d’ici 2025 :

1. De définir les paramètres essentiels pour répondre aux priorités opérationnelles de la Marine dans les différents champs d’action possibles : missions océanographiques et hydrographiques, exploration sous-marine, seabed warfare, Intelligence-Surveillance-Reconnaissance, opérations spéciales, lutte antinavire, lutte anti-sous-marine, interdiction navale, entrainement des forces navales, etc. 

2. De déterminer, par analyse de la valeur, quelle solution technique répondrait le mieux à chaque besoin en termes de taille de drone (format torpille, format océanique), de charges utiles, de spécialisation (missions duales, mission dédiée), de mise en œuvre (par bâtiment de surface, par sous-marin, par navire spécialisé porte-drones, directement depuis la terre, aérotransporté, etc.)

3. De lancer, en parallèle, les développements incrémentaux nécessaires pour disposer le moment venu des technologies et de l’autonomie décisionnelle contrôlée requises.

D2O en essai à Toulon

Un nouveau champ d’action s’ouvre pour la Marine Nationale avec la mise en œuvre collaborative de différents moyens (navires, drones organiques, drones océaniques, ROV, stations de docking, …) au service des missions opérationnelles qui lui sont ou lui seront confiées.

La France a tous les atouts pour jouer un rôle de premier plan dans cette transformation du combat naval, sous réserve de poursuivre résolument les efforts amorcés et de les amplifier pour disposer des solutions nécessaires à l’horizon 2030.

 

 

Eric Papin, ICA
EVP Directeur Technique et Innovation de NAVAL Group

Né en 1967, il est diplômé de l’ENSTA Paris, d’Audencia et auditeur de la session « Armement et Economie de Défense » de l’IHEDN.

Il a fait toute sa carrière à Naval Group d’abord comme architecte propulsion à Indret puis comme architecte d’ensemble au département Sous-Marins. Il a ensuite été Directeur Industriel du site d’Indret et depuis 2015, il est chargé de la direction technique et de l’innovation.

 

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