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Les Rafale de l'Armée de l'Air Française en opérations extérieures (Opération Serval) - Vue en vol au dessus du Mali. Equipés de la nacelle Damoclès et de GBU-12. A. Jeuland © Armée de l'air
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08 juin 2015

LE RAFALE : EN AVANCE SUR SON TEMPS

Publié par ERIC TRAPPIER | N° 106 - Le Rafale

Le premier contrat Rafale export, signé en février 2015 avec l'Égypte, a suscité un enthousiasme notable, dans les médias et dans l'opinion, pour un programme qui se révèle exemplaire.


Longtemps, le Rafale a souffert de nombreux clichés : trop franco - français, trop sophistiqué, trop cher, inexportable ... Ces critiques ont été émises dès le lancement du programme. Elles ont été reprises à l'envi par des médias pas toujours au fait du dossier. Mais, depuis que le Rafale a fait ses preuves en opération et à l'export, les clichés font enfin place aux faits. Et ce n'est que justice.

Trop franco - français ?

Pour ses contempteurs, c'est le « péché originel » du Rafale : la France aurait préféré faire son avion seule plutôt que de s'associer au programme Eurofighter réunissant le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. La raison de ce choix est pourtant claire : au milieu des années 1980, nos voisins envisageaient un chasseur assez lourd, spécialisé dans les missions air - air et non destiné à opérer depuis un porte-avions ; la France souhaitait un avion de combat plus léger, capable d'effectuer tous les types de mission et d'équiper l'armée de l'Air aussi bien que l'Aéronavale. L'incompatibilité des cahiers des charges fut constatée formellement par les gouvernements concernés en 1985. Depuis, les faits démontrent le bien fondé de l'approche française :

- Afghanistan, Libye, Mali, Irak : le Rafale est intervenu sur tous les théâtres d'opérations majeurs ces dernières années. Il a fait la démonstration éclatante de sa polyvalence, en remplissant toutes les missions dévolues à l'aviation de combat : défense et supériorité aérienne, appui rapproché, frappe air - sol longue distance, lutte antinavires, reconnaissance, ravitaillement en vol de chasseur à chasseur. Le tout depuis une base au sol ou depuis un porte-avions, et avec une disponibilité opérationnelle exemplaire ;

-  l'Eurofighter, quant à lui, n'est pas intervenu en Afghanistan et en Irak. En Libye, il a effectué des missions limitées. Plus lourd que le Rafale, conçu pour l'air - air, dépourvu de capacités air - mer, reconnaissance ou nucléaire, il ne devrait être équipé d'un radar à antenne active et de réelles fonctionnalités air - sol qu'à la fin de la décennie. Quant à sa navalisation, elle semble bien peu envisageable. Des capacités restreintes, donc, obligeant le Royaume-Uni et l'Italie à se doter de F-35 américains censés réaliser ce que l'Eurofighter ne sait pas faire ;

- un F-35, d'ailleurs destiné essentiellement aux missions air - sol, qui n'est toujours pas opérationnel en raison de l'accumulation de nombreux problèmes. Un appareil dont les coûts ont explosé. Les Pays-Bas prévoyaient d'acquérir 85 F-35 il y a une dizaine d'années. A budget constant, ils sont aujourd'hui contraints de plafonner leur achat à 37 appareils dont ils estiment la consommation de carburant 60 % supérieure à celle du F-16, les obligeant à mettre en oeuvre des moyens accrus de ravitaillement en vol ;

- totalement français, le Rafale offre une pleine souveraineté au Président de la République et une précieuse polyvalence aux armées.

Trop sophistiqué ?

La polyvalence impose la sophistication. Dans une cellule optimisée dotée de commandes de vol numériques ultra-performantes, le Rafale embarque des systèmes très avancés comme son puissant radar à antenne active (le premier en Europe), sa suite d'autoprotection Spectra, ou encore sa fusion de données multi-capteurs.

Outre son intérêt opérationnel, cette sophistication permettra aux forces françaises de passer d'environ 700 avions de combat de sept types différents dans les années 1980 à 225 à l'horizon 2030.

Par ailleurs, la sophistication a un fort impact industriel : les technologies du Rafale innervent les 500 entreprises du programme et tirent ainsi l'économie française vers le haut. Exemples de retombées pour l'aéronautique civile et l'industrie en général : filière numérique (logiciels CATIA et ses dérivés), commandes de vol, matériaux spéciaux et composites, codes de calculs aérodynamiques, acoustiques, infrarouges et électromagnétiques, simulation, intelligence artificielle, transmission de données, pyrotechnie.

Trop cher ?

De toute évidence, un avion sophistiqué, réalisé par un seul pays, devrait coûter beaucoup plus cher qu'un avion moins complet dont les coûts de développement sont partagés par plusieurs nations et/ou dont les séries sont plus allongées. Pourtant, les audits des cours des comptes britannique et allemande démontrent que le Rafale a coûté 60 % moins cher à la France que l'Eurofighter à la Grande-Bretagne ou à l'Allemagne. En 20 ans, le budget de l'avion « dit européen » a dérapé de 75 % contre moins de 5 % pour son concurrent français. En cause : absence de leadership, spécifications multiples, doublons industriels et mauvaise répartition des compétences.

Par rapport au F-15 et au F-18 américains, le Rafale se situe à des niveaux de prix équivalents, malgré un effet série défavorable. L'avion français a cependant longtemps été désavantagé par la parité Euro/Dollar. Le Gripen suédois est un appareil plus léger, monomoteur et beaucoup moins performant comme l'a démontré l'évaluation de l'armée de l'air Suisse. Quant aux avions russes, les comparaisons sont impossibles car les prix sont fixés directement par Moscou en fonction de considérations purement politiques.

Le Rafale remplace sept types d'avion
Depuis que le Rafale a commencé à être livré à la France, au début des années 2000, ont pu être mis à la retraite : le Crusader (chasse embarquée, entrée en service : 1964), le Mirage IV (dissuasion nucléaire et reconnaissance stratégique, 1964), le Jaguar (attaque au sol, 1973) et le Mirage F-1 (appui tactique et reconnaissance, 1973). Restent pour finaliser la transition avec le Rafale : le Super-Étendard (attaque à la mer, 1979) et les versions D/N (attaque au sol / dissuasion nucléaire) et -5/C (défense aérienne) du Mirage 2000 (1984).  

Enfin, il faut prendre en compte l'extraordinaire rationalisation permise par le Rafale qui remplacera à terme 7 types d'avions à lui seul : une flotte aérienne composée uniquement du Rafale, polyvalent, est évidemment moins coûteuse à mettre en oeuvre qu'une flotte où cohabitent plusieurs modèles d'aéronefs spécialisés. La formation, la documentation, les pièces de rechange, l'outillage, les infrastructures, les armements et emports : tout est simplifié avec le Rafale.

Rafale lourdement armé

Saint-Cloud, le 23 janvier 2014 - Le Rafale a effectué avec succès ses premiers vols d¹essais dans une nouvelle configuration très lourdement armée, comprenant 6 missiles air-sol de précision AASM Hammer, 4 missiles air-air moyenne et longue portée de la famille MICA, 2 missiles Meteor très longue portée ainsi que 3 réservoirs de 2 000 litres. Ces travaux préliminaires, financés sur fonds propres de Dassault Aviation et qui aboutiront à une ouverture complète du domaine de vol, sont le fruit d¹une collaboration avec la Direction Générale de l¹Armement. © Dassault Aviation - V. Almansa

Inexportable ?

Jusqu'à la signature du contrat avec l'Égypte (février 2015), le Rafale était considéré par une partie de la presse comme « un échec à l'export »... En raison des étalements budgétaires (les dividendes de la paix !), la mise en service du Rafale dans l'armée de l'Air française n'est pas intervenue en 1996, comme prévu initialement, mais en 2006. La crédibilité du Rafale à l'export est donc récente. Si l'on ajoute à ce facteur celui de la dimension très géopolitique des ventes d'armements et celui de la surévaluation de l'euro entre 2004 et 2014, on comprend mieux la difficulté de l'exercice, même si le chasseur de Dassault Aviation a toujours été classé premier dans les évaluations technico-opérationnelles où il a été présenté.

Aujourd'hui, la conjoncture devient favorable au Rafale qui a fait ses preuves au combat ; le dollar remonte sensiblement face à l'euro ; et surtout les équilibres géopolitiques mondiaux se modifient, notamment au Moyen-Orient et en Asie. La décision du gouvernement indien d'acheter 36 Rafale en urgence est une preuve supplémentaire de ces changements.

Avec les Opex et, plus encore, avec le contrat égyptien, l'image du Rafale a changé. Il faut s'en réjouir. L'appareil apparaît de plus en plus pour ce qu'il est : une réussite française industrielle et opérationnelle ainsi qu'une source de fierté nationale. En somme, le Rafale était sans doute un peu trop en avance sur son temps. 

 

Le Rafale remplace sept types d'avion

Depuis que le Rafale a commencé à être livré à la France, au début des années 2000, ont pu être mis à la retraite : le Crusader (chasse embarquée, entrée en service :

1964), le Mirage IV (dissuasion nucléaire et reconnaissance stratégique, 1964), le Jaguar (attaque au sol, 1973) et le Mirage F-1 (appui tactique et reconnaissance, 1973). Restent pour finaliser la transition avec le Rafale : le Super-Étendard (attaque à la mer, 1979) et les versions D/N (attaque au sol / dissuasion nucléaire) et -5/C (défense aérienne) du Mirage 2000 (1984).

 

 

 

 

 

 

 

    

ERIC TRAPPIER, IGA
Eric Trappier est président-directeur général de Dassault Aviation depuis 2013. Il y a effectué toute sa carrière : bureau d'études, direction technique internationale et direction générale internationale où il a négocié des contrats export Mirage et Rafale.

 

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ERIC TRAPPIER

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