LE RAFALE, UN SYSTÈME D'ARME BIEN NÉ, AVEC UN POTENTIEL DE CROISSANCE IMPORTANT
Le Rafale a été conçu dès l'origine comme un avion polyvalent et évolutif, ce qui a permis de disposer des capacités opérationnelles de façon progressive selon une logique de développement incrémentale : standards SU0/SU1/SU2 à la fin des années 1990, suivis rapidement par les F1/F2/F3 dans la décennie 2000. Compte tenu des choix de conception initiaux faits sur le programme, le Rafale est un avion qui possède toutes les capacités pour s'adapter à un environnement évolutif, dans tous les domaines de l'architecture de la plate-forme, du SNA (système de navigation et d'attaque), des capteurs ou du moteur. L'article fait le point sur les évolutions envisageables et précise comment la démarche d'ingénierie système va aider à leur émergence.
L'architecture fonctionnelle et matérielle du Rafale a été optimisée dès le début du programme afin de satisfaire un spectre de missions particulièrement large, auparavant assuré par une demi-douzaine d'avions spécialisés. La prise en compte dès le début de la conception de l'avion de l'ensemble des exigences a ainsi conduit à développer de façon équilibrée les fonctions macroscopiques nécessaires à un chasseur omni-rôle (ex : fonction « suivi de terrain » pour la pénétration basse altitude, système de guerre électronique intégré et réparti). Cette caractéristique intrinsèque au Rafale lui a permis de s'adapter avec succès aux fortes évolutions du contexte opérationnel depuis 20 ans, et lui confère un excellent potentiel de croissance pour de futurs développements dans la décennie 2020. En attendant des expressions formelles de besoin opérationnel et des choix capacitaires associés au futur standard F4, un rapide tour d'horizon peut être fait afin de dégager les principales orientations techniques concernant l'architecture de la plate-forme, du SNA, des capteurs ou du moteur.
L'architecture de la plateforme restera stable : elle évoluera nécessairement à la marge, compte tenu du juste dimensionnement actuel (la plateforme est reconnue mature et innovante, avec des configurations lourdes) et du potentiel de croissance des systèmes et capteurs du Rafale. En fonction des missions futures, le développement de nouvelles technologies de souveraineté, par exemple liées à la furtivité pourra s'avérer nécessaire (bords de fuite plus ciblés, antennes conformées, capacité d'emport discrète ?). Néanmoins, il n'y aura pas de besoin de modification lourde et profonde pour introduire par exemple des évolutions structurelles majeures. Par ailleurs, l'architecture des différents réseaux bords (hydraulique, électricité, conditionnement) permet d'envisager l'avenir avec sérénité.
Le système de navigation et d'attaque pourra évoluer pour tenir compte des besoins futurs : les choix de conception d'un SNA intégrant de nombreuses sources d'informations internes ou externes (synthèse tactique avec fusion multi-capteurs, compatibilités fréquentielle et temporelle, liaisons de données tactiques) et de l'avionique modulaire intégrée ont permis non seulement de garantir une grande souplesse d'emploi mais également de prendre en compte des besoins nouveaux tout au long du programme, à travers notamment des évolutions du coeur système. Les choix initiaux d'architecture fonctionnelle et matérielle du Rafale, ainsi que son processus de développement incrémental, lui confèrent des capacités d'évolution encore très importantes, notamment pour maîtriser la complexité inhérente aux systèmes de combat temps réel. En particulier, l'accroissement de certaines capacités apparaît facilement accessible : augmentation de la maîtrise des effets (précision des armements, réduction des dommages collatéraux), travail accru en réseaux ou contribution à la fonction renseignement/anticipation.
Si l'on veut détailler un peu plus, le potentiel d'évolution s'évalue à court, moyen et long terme compte tenu des cycles de développement des technologies aéronautiques. A ce titre, les conduites de tir constituent un exemple pertinent :
- - à court terme (classe 1 an), tout avion doit être capable de s'adapter à un besoin nouveau s'il ne s'écarte pas trop du périmètre de mission : cette activité dite de « suivi en service » s'appuie sur la flexibilité de l'interface homme - système actuelle et consiste en des évolutions ne nécessitant pas de modifier profondément le logiciel du coeur système. De telles implémentations sont possibles sur Rafale car les conduites de tir ont été bien spécifiées et réalisées : par exemple, la conduite de tir air - sol GBU 12 a ainsi été réalisée en urgence opérationnelle en 2007 sur la base des développements air - sol déjà réalisés pour l'intégration de l'armement air - sol modulaire (AASM) ;
- - à moyen terme (classe 4-5 ans),le système doit avoir la capacité d'intégrer des évolutions fonctionnelles relativement lourdes sans évolution hardware (ou middleware) : il faut non seulement avoir gardé des marges dans le coeur système (bus, calculateur, interfaces ?) mais également avoir un logiciel de grande qualité permettant des évolutions réalisées en continuité avec les développements passés. On touche également à un autre aspect essentiel sur Rafale, à savoir la continuité du travail et le maintien des équipes avec des noyaux durs de compétences critiques : par exemple, la mise au point de la conduite de tir air - air d'un missile nouvelle génération tient compte des travaux passés sur la conduite de tir air - air, bien qu'étant un nouveau développement et non une évolution de cette dernière ;
- - à long terme (classe 10-15 ans), les services étatiques travaillent à la mise en cohérence des orientations capacitaires et des stratégies de développement technologiques des industriels du secteur. Ces dernières sont connues dans leurs grandes lignes et les premières analyses montrent que le potentiel d'évolution à long terme du Rafale est très fort : par exemple, recours à de futurs calculateurs ou architectures modulaires issus du domaine de l'aéronautique civile.
Les capteurs pourront évoluer pour tenir compte des besoins futurs : contre-mesures électromagnétiques, localisation passive, radar à antenne active ou désignation laser sont des sujets par définition pour lesquels des démarches incrémentales et modulaires ont été mises en place depuis très longtemps, et qui se poursuivront. Nous touchons là encore des technologies de souveraineté et des emplois à forte valeur ajoutée et haute technicité, qui permettront au porteur d'évoluer dans un environnement plus contraint. Prenons l'exemple du radar RBE 2 à antenne active : cet équipement est le fruit de 10 ans d'effort de R&D mais également d'une vision claire des évolutions possibles de ce capteur. D'autres évolutions sont rendues possibles par le potentiel de l'avion et du radar, incluant des composants et des traitements nouveaux le rendant plus performant. Prenons un autre exemple, le domaine de la guerre électronique : l'architecture du SPECTRA (Système de Protection et d'Evitement des Conduites de Tir du RAfale) et la capacité gestion multi-capteurs de ce système d'autoprotection très bien conçu, nous permet d'envisager des évolutions limitées à certains blocs sans remettre en cause le système complet.
Le moteur possède des performances a priori suffisantes : la plateforme bimoteur est éprouvée - le moteur possède d'excellentes performances et les évaluations faites lors des évaluations export n'ont jamais mis en difficulté l'avion.
«... perspectives de développement sur plus de 20 ans. »
Le Rafale se caractérise donc par son potentiel d'évolution système à court, moyen et long terme, avec des perspectives de développement sur plus de 20 ans.
Le rôle de l'ingénierie système dans la préparation des évolutions futures
Afin de continuer à maîtriser les développements futurs du Rafale, il est indispensable de tenir compte des changements structurels de l'environnement : évolution de la maîtrise d'oeuvre industrielle et de ses méthodes de travail, complexité croissante des problèmes techniques à résoudre, contraintes de ressources sur la maîtrise d'ouvrage DGA... Cette démarche conduit à renforcer les compétences DGA en matière d'ingénierie système, tout en conservant les acquis de la maîtrise d'ouvrage du programme Rafale en termes de compétences et de méthodes (qualification via dossier de justification de définition, etc.).
Cette démarche d'ingénierie système appliquée au programme Rafale répond à trois objectifs principaux dans le cycle méthodologique de développement (cf. schéma) :
- - L'amélioration de la satisfaction du besoin opérationnel : d'une part, via une formalisation par l'Etat de l'expression du besoin (complète et au plus juste des exigences opérationnelles ; selon des spécifications techniques optimales en termes de performances, coûts et risques ; avec la participation nécessaire de l'industrie) et, d'autre part, via l'assurance, en préalable au lancement du développement, de la compréhension par l'industrie de cette expression de besoin et de l'existence in fine d'une solution issue des spécifications techniques, vérifiable et cohérente des objectifs de performances.
- - L'élaboration par l'industrie de la solution la plus pertinente possible, comprise par l'ensemble des acteurs au fil de sa maturation en cours de développement (par un processus itératif de génération / évaluation des données d'ingénierie, permettant de dégager une vision partagée Etat - industrie de l'avancement technique de l'opération et de sa cohérence avec les spécifications techniques) et en fin de développement (par la production par l'industrie des données d'ingénierie nécessaires et suffisantes pour que l'Etat démontre l'adéquation de la solution finale avec le besoin exprimé).
- - La traçabilité des choix réalisés (en phase de spécification du besoin par l'Etat ; en phase de réalisation par l'industrie) et de la démonstration de l'adéquation de la solution finale avec ses spécifications techniques.
En phase préparatoire du standard F4, le dispositif de gouvernance se traduit notamment par la mise en place :
- - d'un groupe de travail «cohérence et analyse de la valeur » ;
- - de groupes de spécification de besoin thématiques classiques, pilotés selon une double approche de type « maturity gates » et « feuille de route technologique (TRM) » ;
dont les principes de fonctionnement auront vocation à se prolonger en phase de développement du standard F4.
De façon très concrète, la mise en place de la stratégie d'ingénierie système permettra d'établir entre l'Etat et l'industrie une visibilité partagée et permanente sur le développement du standard F4, avec en particulier des gains attendus en termes de :
- - limitation au strict nécessaire des échanges formels ;
- - non duplication de la charge de travail (notamment celle liée à la démonstration de la « rejointe » des spécifications, du respect des exigences de navigabilité et du bon avancement des travaux techniques).
Dans la continuité de la méthodologie « historique » appliquée depuis le standard F2 par le programme Rafale (spécifications de haut niveau décrivant le besoin, dossier de justification de la définition faisant la démonstration de la preuve ?), la démarche d'ingénierie système permettra donc de garantir la cohérence des capacités techniques développées, malgré la complexité croissante des objectifs des futurs systèmes de combat aérien, qu'ils soient pilotés ou non.
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