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31 janvier 2021

LES EMBARCATIONS DES FS
UN CONCENTRÉ DE TECHNOLOGIES

Les embarcations des commandos marine sont au cœur des capacités opérationnelles de ces soldats hors pair, aussi le développement, l’acquisition et le maintien en condition opérationnelle de leurs embarcations concentrent-ils une part non négligeable de leurs réflexions. 


L’enjeu de l’intégration native des semi-rigides dans la conception des frégates et des porte-hélicoptères amphibie est un sujet déterminant de la capacité de projection des commandos. Elle va de pair avec la capacité d’aérolargage, qui doit être prévue dès la conception des embarcations avec des points d’ancrage pour trois parachutes, une répartition des masses spécifique et des dimensions imposées.

Une fois à l’eau, les semi-rigides doivent pouvoir rallier un ber adapté, être interopérables avec les systèmes d’armes du navire qui les accueille, etc... Cette intégration doit donc être pensée dès l’expression de besoin des opérations d’armement navales.

On peut citer quelques enjeux d’adaptation des vecteurs aux conflits actuels, tel qu’une capacité de naviguer en zone contestée, qui implique des besoins de furtivité (électromagnétique, thermique notamment), de système de navigation alternatif pour contrer les éventuels brouillages GPS, voire une augmentation des distances franchissables, afin de ne pas exposer les bâtiments porteurs.

Cela conduit à une intégration d’outils toujours plus variés : le semi-rigide se fait plateforme de lancement de drone, il embarque des missiles de moyenne portée, tout en gardant les caractéristiques de base de capacité d’assaut et de transport rapide par mer formée.

Les écrans à bord de ces embarcations sont particulièrement robustes et spécialement étudiés par le fabricant du semi-rigide pour répondre aux différents besoins : navigation, communications radio, intercom entre équipiers, mise en œuvre d’éventuelles armes. Ils doivent résister aux paquets de mer et pouvoir être utilisés de nuit avec des gants en toutes conditions météo.

Le maintien en condition opérationnelle est un facteur clé pour la réussite sur le temps long, il repose sur un savoir-faire interne difficile à capitaliser et une intégration patiente dans le réseau étatique comme industriel. Nos voisins britanniques ne s’y sont pas trompés en déléguant le MCO de l’ensemble de la flotte d’embarcations de leurs forces spéciales à un industriel pour une durée de cinq ans.

Pour atteindre tous ces objectifs et tester les innovations proposées par les industriels, les commandos marine disposent à Lorient d’une structure originale, le Fuscolab, étroitement coordonnée à l’Agence de l’innovation de défense.

Aérolarguage d’un semi-rigide de 9m

Ainsi dans le cadre du projet EFlyCO, le Fuscolab teste un nouveau modèle hydrodynamique proposé par une PME lorientaise, SEAir, pour remplacer les actuelles embarcations de transport des commandos (ETRACO). S’appuyant sur les progrès réalisés depuis vingt ans sur les foils hydrodynamiques utilisés dans les grandes courses transocéaniques, y compris les plus rudes d’entre elles comme le Vendée Globe, cette PME propose d’utiliser l’effet de sustentation pour réduire la violence des vagues sur la coque, permettant ainsi de préserver les capacités opérationnelles de l’équipage après de longues distances franchies par mer formée, et de réduire la consommation, donc d’augmenter la distance franchissable.

Embarcation de 9.4m

Une autre approche est proposée par l’entreprise Turgis & Gaillard qui présente avec son projet Kraken un concept de flottabilité variable et promet des qualités de rapidité, d’endurance, de furtivité et une stabilité à haute vitesse qui semblent attractives, sous réserve que les opérationnels les confirment à l’usage.

Le concepteur propose la mise en œuvre d’un tourelleau téléopéré, avec de l’optronique ou de l’armement, même à haute vitesse et par mer formée.

Une capacité de changement de milieu permet d’aborder une plage et d’y débarquer une escouade et ses équipements.

Cette configuration n’est toutefois pertinente qu’avec un navire électrique, car les hélices doivent se trouver dans les flotteurs, alors que d’éventuels moteurs thermiques devraient être dans le navire, reliés aux hélices par une liaison mécanique qui serait un point de complexité et de fragilité. Le moteur électrique est plus petit, n’a pas besoin d’air, les batteries peuvent être stockées dans le flotteur ou le navire : il ne s’agit alors que de faire passer des câbles de puissance. Avec ce type de bateau, la gestion de l’énergie est stratégique, et l’hydrodynamique doit être très soignée.

Des procédures d’acquisition qui gagnent à être adaptées

Il y a quelques années, lors d’une conférence au salon Sofins, un intervenant avait évoqué que pour acquérir un semi-rigide les normes de documentation étaient aussi lourdes que pour un porte-avions : 1,5m de hauteur de documentation contractuelle coûteuse et totalement inutile de l’avis même des utilisateurs. Les commandos ont fait preuve d’inventivité et la solution trouvée pour contourner une règlementation inadaptée avait été de passer la commande via le service d’acquisition de l’OTAN, la NSPA, avec l’avantage indu d’être à un prix hors TVA.

Evoquons aussi une lettre écrite au président de la République pour s’étonner que pour le programme Ecume, les autorités françaises aient retenu, dans un contexte de ré-industrialisation du territoire français, un fabricant qui a fait construire ses coques en Amérique du Nord, alors qu’un autre compétiteur bien placé proposait une construction à proximité des utilisateurs.

Un produit export recherché

Le semi-rigide pour les Forces Spéciales est aussi un produit qui s’exporte, avec des spécifications adaptées à chaque client.

Je me souviens du regard brillant d’intérêt d’un colonel des forces spéciales d’un pays d’Afrique centrale qui accompagnait son ministre lors d’une démonstration entre Bénodet et l’archipel des Glénan. Finalement, bien qu’ayant l’oreille de son président, il n’a pas réussi à convaincre ce dernier d’acquérir les embarcations haut de gamme que nous proposions ...et les bateaux achetés à un fournisseur d’engins de plage sud-africain resteront à quai et ne joueront jamais leur rôle de sécurisation de grands lacs frontaliers, les utilisateurs ayant, avec raison, la crainte qu’un simple tir de terroriste ne dégonfle des boudins gonflés à l’air.

On peut aussi évoquer un pays d’Afrique de l’Ouest qui a acquis auprès d’un fournisseur français des semi-rigides haut de gamme pour ses forces spéciales. L’un d’eux s’est retourné en franchissant la barre, il y a eu onze noyés. Cet épisode macabre rappelle que ces embarcations sont des pur-sang qu’il convient de dompter.

Enfin, on peut noter un vif intérêt pour ces embarcations des deux côtés du golfe arabo-persique.

En conclusion, au-delà des bateaux, ce qui fait la force des commandos, ce sont les hommes !

Ils sont harnachés avec un équipement individuel sophistiqué, armement, moyens de communication et jumelles de vision nocturne dans lesquels chaque détail compte, ainsi l’interface de la société toulonnaise Wilco International qui relie le casque à la jumelle peut être tout aussi importante que cette dernière et ne convient-il pas de maintenir un petit fournisseur français plutôt que de devenir dépendant d’un approvisionnement US ? 

 


 

 
Louis Le Pivain
 

Vice-président « communication » de la CAIA
Vice-président du GICAN
Conseiller du commerce extérieur Président du comité de Viroflay du Souvenir Français

Président du conseil stratégique de Raidco Marine

 

 

Auteur

IGA, Vice-président du GICAN
Membre de l’Academie de marine
Président de Kermenez SAS
Conseiller du commerce extérieur de la France
De 1978 à 1989 a travaillé pour DCN à Lorient, en Arabie et au Canada. 1997/99 Directeur au SGDSN chargé de la coordination interministérielle de l’intelligence économique et du soutien à l’export Président de Raidco Marine de 2006 à 2018 Voir les 11 Voir les autres publications de l’auteur(trice)
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