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L’Euromale remplacera les Reaper et Heron TP à partir de 2028
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01 juin 2021

DRONE MALE EUROPEEN

En novembre 2020, Airbus Defence & Space GmbH a remis une offre engageante à l’OCCAr (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement) pour le développement, la production et 5 ans de soutien initial de 60 drones MALE (moyenne altitude et longue endurance) et de leurs stations sol au profit de 4 pays européens : la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Cette offre, qui est actuellement dans le circuit d’approbation formel propre à chaque pays, est le résultat de négociations qui ont commencé fin 2019, et plus généralement de travaux initiés des années auparavant.


On dit souvent que la mise en place d’une coopération suppose de partager 3 éléments : un besoin commun, une stratégie industrielle commune, et une volonté politique commune.

Depuis le début des années 2000, plusieurs pays européens ont identifié un besoin en systèmes aéronautiques de renseignement endurants et capables de couvrir des zones très étendues, besoin auquel répondent les systèmes de drones MALE. C’est donc assez naturellement que plusieurs initiatives ont été entreprises entre pays européens pour coopérer dans ce domaine afin d’en mutualiser les coûts de développement (citons notamment les projets Advanced UAV, entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, et Télémos, entre la France et le Royaume-Uni).

Mais ce n’est qu’au début des années 2010 que l’alignement des planètes a commencé à se mettre en place :

Du côté des États tout d’abord : en 2012, peu de temps après les élections présidentielles, une coopération a été initiée entre la France et l’Allemagne, avec la rédaction d’un besoin opérationnel commun.

Du côté de l’industrie ensuite : à l’occasion du Bourget 2013, les industriels EADS Cassidian (Allemagne), Dassault Aviation (France) et Finmeccanica (Italie) se sont déclarés publiquement prêts à se coordonner autour d’un programme de drones MALE européen. Cette simple déclaration commune a constitué une avancée majeure, car même si l’Europe disposait de toute les compétences nécessaires (avionneurs, électroniciens, etc.), il n’existait aucun partage des tâches existant pouvant servir de référence consensuelle.

C’est ainsi qu’a démarré la coopération entre la France, l’Allemagne et l’Italie, rejointe en 2015 par l’Espagne (et la filiale espagnole d’Airbus côté industriel). En 2015 également, il a été décidé de confier le management du programme à l’OCCAr afin de bénéficier des meilleures pratiques en matière de programme en coopération européenne.

Première étape concrète : l’étude de définition    

La première étape concrète du programme a été l’étude de définition conduite de 2016 à 2018 et contractualisée au consortium d’avionneurs. Cette étude a d’abord permis de réaliser une analyse fonctionnelle et de la valeur sur plus de 50 sujets portant sur l’architecture aéronautique, les performances de mission, les performances de communication, le système de formation et le système de soutien, puis d’établir une spécification technique de besoin commune aux 4 pays participants, et de s’assurer de la faisabilité technique de celle-ci.

A la fin de l’étude de définition, les nations ont décidé de confier à Airbus Allemagne le rôle de maître d’œuvre de l’ensemble du système, les autres avionneurs étant placés en position de « sous-traitants majeurs », responsables de la réalisation d’un certain nombre de sous-systèmes, sur la base d’une répartition convenue entre eux et agréée par les nations. En outre, sur la base de la spécification rédigée pendant l’étude de définition, les nations ont adressé à Airbus une demande d’offre pour un contrat global de réalisation.

Cette spécification confèrera au système un haut niveau de performances pour effectuer des missions de type ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, Reconnaissance) et d’appui armé au profit des forces au sol. Il disposera en particulier d’une endurance et une capacité d’emport élevées, il sera interopérable avec les systèmes de défense actuels et à venir, il répondra à un haut niveau d’exigences en matière de navigabilité et de cyber sécurité s’appuyant sur les standards OTAN en vigueur, et les dispositions seront prises pour lui permettre de s’intégrer dans la circulation aérienne générale.

Les clés du succès : ténacité et esprit de coopération

Les deux années qui ont suivi ont été consacrées à l’élaboration et à la négociation intensive du contrat de réalisation et à l’implémentation de principes structurants (configuration unique, solution commune pour le soutien, centre de formation commun, ligne finale d’assemblage unique…) jusqu’à parvenir à une proposition industrielle engageante conforme aux objectifs de performances et de prix fixés par les nations (y compris concernant le coût d’utilisation).

Le succès de ces négociations a été rendu possible grâce à la ténacité des différentes équipes, mais aussi grâce à l’esprit de coopération et de compromis dont ont fait preuve l’ensemble des parties prenantes, en particulier au sein des 4 pays participants.

Le rôle de l’OCCAr a également été primordial

L’OCCAr offre un ensemble défini de principes de gouvernance, de méthodes et de procédures adaptées aux coopérations (y compris celles définissant l’organisation commune pour la certification aéronautique et la sécurité informatique), évitant de repartir de la feuille blanche sur chaque sujet, ce qui engendrerait des délais importants à redéfinir de manière consensuelle, même à 4 nations : comment structurer le contrat ? quelles sont les clauses types ? quelle délégation les nations accordent-elles à l’OCCAr ? quels niveaux de décision entre nations ? etc. Un autre aspect sur lequel l’OCCAr offre un cadre défini, c’est le retour industriel ; en effet, au travers de la convention OCCAr, l’ensemble des pays participants ont accepté le principe de « global balance », c’est-à-dire de ne pas exiger un équilibre, programme par programme, entre le la contribution financière (« costshare ») et le retour industriel (« workshare »).

Enfin, l’OCCAr offre un bureau de programme, qui assure le management de celui-ci sur la base des directives fournies par les nations. Mais son rôle est aussi d’être force de proposition pour identifier des solutions adaptées à chaque problème, sans chercher à privilégier une nation particulière. En effet, si les membres du bureau de programme sont des ressortissants des pays participants, leur processus de recrutement ne tient compte que de leurs compétences et non de leur nationalité ; ils s’engagent à être loyal vis-à-vis de l’OCCAr, et non à leur pays d’origine. In fine, c’est une équipe dans laquelle toutes les nationalités du programme sont représentées, qui est au service des 4 pays participants sans privilégier les intérêts de tel ou tel pays.

Un système performant contribuant à l’autonomie stratégique et la BITD européennes

Avec des premières livraisons attendues en 2028, les systèmes drones MALE européens succèderont progressivement aux drones MALE actuels des 4 pays participants (Reaper et Heron TP), tout en apportant des performances plus élevées aux forces armées de ces 4 pays ainsi qu’une pleine souveraineté dans l’emploi de ces systèmes. Enfin, en créant une filière de drones MALE en Europe, ce programme contribuera à l’autonomie stratégique européenne et soutiendra la base industrielle et technologique de défense de nos 4 pays, et plus généralement de l’Union européenne (UE). Il bénéficiera d’ailleurs de subventions de l’UE dans le cadre du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID), qui préfigure le fonds européen de défense.

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