Du MCO matériel au MCO fonctionnel
L’ingénierie du soutien est en pleine métamorphose : les deux axes du MCO.
Traditionnellement, le MCO est représenté selon deux axes :
- le MCO « matériel », standard » ou « technologique. Il s’agit du processus garantissant que les équipements (matériel et logiciel) restent opérationnels pendant la durée de vie requise. Il se traduit par l’approvisionnement et le stockage de pièces de rechange, la possibilité de re-fabrication à l’identique, la mise en place de contrats de maintenance ;
- le MCO «fonctionnel». Il s’agit du processus garantissant le maintien de la fonction de service assurée, sans considérer le support matériel. Il nécessite une conception basée sur la réalisation de fonctions de service : description détaillée des fonctions ne présumant pas de la réalisation matérielle. C’est ce MCO « fonctionnel » qui doit être prise en compte dans les exigences du produit ou système mentionné plus haut.
Un des leviers significatifs du MCO fonctionnel est la maintenance prédictive. De quoi s’agit-il ? On peut définir la maintenance prédictivecommeuneformed’entretien du matériel, basée sur le pronostic des risques de défaillance dans un avenir proche et la planification d’interventions avant l’arrivée de la panne. La maintenance prédictive permet de détecter les anomalies sur des machines avant qu’elles ne deviennent trop graves. La force de la maintenance prédictive est donc d’anticiper les pannes.
Or, la transformation numérique est un catalyseur de la maintenance prédictive. Si celle-ci émerge, c’est qu’il est désormais possible de capter les signaux faibles sur les systèmes par le biais de capteurs connectés (« IoT », Internet of Things).Il reste ensuite à faire remonter les données et les analyser, en exploitant les techniques telles que l’Intelligence Artificielle ou le Big Data. On peut ainsi décrire trois étapes pour la maintenance prédictive :
- Collecter les données à l’aide de capteurs et les centraliser sur un « data lake » (lac de données) pour pouvoir les analyser ;
- Modéliser des schémas de panne, en mettant au point des algorithmes qui apprennent à reconnaître les signes avant-coureurs ou les anomalies en se basant sur un historique des pannes ;
- Mettre en place un système de machine learning, pour que les algorithmes « apprennent » à reconnaître les nouveaux événements et défaillances lorsqu’ils surviennent. Ces techniques d’intelligence artificielle fondées sur les disciplines telles que la « science des données » permettent de formaliser la connaissance profonde du système. Cette étape permet d’aller au‒delà des schémas d’anomalies et de défaillances identifiées pour en ajouter de nouveaux au fur et à mesure de la collecte d’informations sur le matériel.
Ces avancées encore inimaginables il y a une dizaine d’années sont maintenant accessibles grâce à cette transformation.
Bien évidemment, la multiplication de la production des données dans le système exige une protection efficace en matière de cyber sécurité, afin de ne pas le fragiliser. On voit ainsi que les quatre technologies que sont cyber sécurité, connectivité (IoT), intelligence artificielle et big data (les quatre piliers fondamentaux de la transformation numérique) sont essentiels pour la maintenance prédictive.
Reste, comme cela a été dit plus haut, que le MCO fonctionnel n’est possible que par le biais d’une architecture modulaire, prévue dès la conception. La prise en compte de la maintenance dès la phase de conception des produits est certainement un des axes de progrès le plus important pour réduire, dans le futur, le coût global maintenance des produits. La maintenance prise en compte à la conception vise la réduction de la quantité de travail maintenance à effectuer sur les matériels, en partant du constat que la quantité est la conséquence de choix techniques effectués lors du cahier des charges fonctionnel et lors de la conception du produit.
Cette architecture modulaire devra prendre en compte comme un fait normal le remplacement de certains composants du fait de pannes prévisibles ou d’obsolescences révélées, sans remettre en cause de façon majeure la disponibilité ou la qualification du système. C’est une remise en question par rapport à une approche traditionnelle considérant ces évènements comme des faits exceptionnels, que l’on s’efforçait de minimiser en durcissant la fiabilité des composants au prix d’un coût plus élevé, ou en prévoyant des refontes majeures. Là aussi, la transformation numérique peut aider à cette révolution du processus d’ingénierie, en particulier par le biais des modélisations fonctionnelles « multi-physiques ».
Enfin, citons une perspective plus ambitieuse concernant les logiciels. Si la maintenance prédictive s’intéresse aujourd’hui essentiellement aux éléments matériels des produits, on pourrait s’interroger sur la surveillance de bon fonctionnement des éléments logiciels. La qualification et la certification des systèmes à logiciel prépondérant s’appuient sur des démarches normées qui sont exigeantes et s’accommodent mal des logiciels volumineux, riches fonctionnellement, notamment s’ils sont non déterministes par conception ou parce que le temps et le coût de vérification seraient prohibitifs. Une voie de recherche très intéressante dans ce domaine est celle du « Functional Health Management ». A suivre !
Pierre Fossier, Vice-Président, Directeur technique de l'activité mondiale « systèmes terrestres et aériens » de Thales
Pierre Fossier après une carrière technique sur les systèmes électroniques aéroportés (radar, GE, systèmes de mission, avionique) est chez Thales directeur technique « systèmes terrestres et aériens ». Il est membre du CORAC (conseil d’orientation pour la recherche aéronautique civile).
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