DECIDER, AU NOM DE QUOI ?
« Profession décideur », c’est un sujet à la fois naturel, compte tenu des responsabilités que nous sommes appelés à prendre, et ambitieux, tant la « décision » a été étudiée dans notre culture par des philosophes, des penseurs, des théologiens, des militaires et des politiques.
Les décideurs, conseillers et analystes qui témoignent de leur expérience insistent sur les qualités d’écoute, de courage, d’humilité, de ténacité, de rapidité. Le sens du service y tient une grande place, de même que la liberté intérieure, celle qui permet d’aller à contre-courant de la pensée dominante.
Il existe bien sûr des décisions banales, et nous nous demandons avec l’un des auteurs ce qu’elles contiennent de déterminisme ou de chaos cérébral. Ne serions-nous que des machines ?
Pour des décisions plus coûteuses dans leurs impacts, on doit prendre en compte les règles du système dans lequel on se trouve, règles affichées ou règles implicites : en effet, il faut pouvoir en répondre, se justifier, montrer l’intérêt du système. Mais les systèmes peuvent être en contradiction avec eux-mêmes et selon le niveau systémique retenu, les décisions peuvent être opposées. Comment alors choisir, d’autant que nos représentations intérieures sont parfois appauvries ou perturbées.
Peut-être faut-il chercher encore plus loin ce qui fonde nos décisions.
François Michelin raconta dans une rare conférence qu’un jour, un ingénieur alla voir son grand-père, Edouard Michelin, pour lui dire qu’il fallait que l’entreprise se lance dans la fabrication de l’ébonite, qui était un isolant électrique très onéreux à l’époque. Edouard lui demanda trois jours de réflexion. Puis il l’appela et lui dit : “Vous vous proposez de transformer la matière première qui est le caoutchouc et de la porter à très haute température en transformant sa structure moléculaire ? C’est contraire à l’être profond de ce matériau”. Pour cette raison, Michelin ne se lança pas dans la fabrication de l’ébonite : respect de la matière. Quelques années après arriva sur le marché la bakélite, dix fois moins chère à produire...
On fait agir sa liberté intérieure lorsqu’on peut se référer à un niveau supérieur, répondre à la question du « pourquoi ». Quelles sont les valeurs auxquelles je choisis de me référer, qui fondent mon action, qui lui donnent du sens au plus haut niveau.
J’aime pour ma part particulièrement la phrase de Jean Bottero, expert en langues anciennes, qui déclarait « tout ce qui est utile est servile ». Utile comme utilitaire et servile comme étant au service de quelque chose de plus grand.
Alors, pour nous, qu’est-ce qui est supérieur ? La réussite de notre carrière, de nos entreprises, les combats gagnés ? D’accord, mais pourquoi ? Et pour quoi ?
On peut chercher une réponse dans la vérité de l’être profond, comme Michelin, à tous les niveaux. Personnes, êtres vivants, matière, la planète.
Décider devient alors rentrer en soi-même, et « faire élection » pour reprendre les termes d’Ignace de Loyola, familier aux anciens de Ginette.
Et pour aller plus loin, toute décision, qu’elle soit petite ou grande nous engage devant l’univers. Si nous n’appliquons nos valeurs que pour nos grandes décisions, c’est dommage, car nous nous privons d’un surcroît de vie.
En effet, ces décisions nous permettent parfois de faire l’expérience de moments de grande cohérence personnelle, que Jung appelle des « expériences–sommets ». Ou pour prendre un autre image avec Goethe : « À l’instant où un être s’engage de manière irréversible, la Providence se met, elle aussi, en mouvement. Toutes sortes de choses se produisent pour l’aider, des choses qui ne se seraient jamais produites autrement... des incidents inattendus, des rencontres fortuites et un soutien matériel dépassant tout ce qu’on aurait pu imaginer. »
Dans ces temps troublés, combien plus ces qualités sont nécessaires, comme nous le rappelle en préface un grand décideur.
Quelques outils concrets d’aide à la décisionLes cinq pourquoiOutil redoutable de simplicité, il permet d’atteindre les véritables causes ou raisons d’une décision à prendre en répétant au moins cinq fois la question POURQUOI ? On n’accepte pas les raisons invoquées tant qu’elles ne sont pas satisfaisantes. La question « pourquoi » permet aussi de changer de niveau systémique. Le tri croiséCeux qui avaient pratiqué le « trèfle » de la mission Rayonnement se souviennent de cet outil permettant de hiérarchiser des motifs ou des raisons, ou encore des fonctions.
Le vote pondéréLorsqu’on accepte de partager une décision, une manière de décider consiste dans un premier temps à choisir des critères de jugement et à leur donner un poids. Puis, on rassemble de l’information pour construire des scénarios soumis à décision. Enfin, on évalue chaque scénario critère par critère, ce qui donne un résultat … qui ne doit cependant jamais être considéré comme définitif ! Il manque en effet l'information de nos émotions et de notre intuition... Mechanic decision wheelEn l’absence de tout autre moyen rationnel, mais aussi en complément, cette roue permet de sortir de certains optimums locaux, et donne de bons résultats ainsi un sentiment de pouvoir appréciable. On compare la totalité des motifs deux à deux, en s’obligeant à déterminer lequel des deux est le plus fort. Une fois le tableau terminé, on additionne les valeurs attachées à chaque motif, ce qui donne un palmarès… et permet de mieux choisir. Cette méthode un peu fatigante au bout d’un moment, oblige à sortir la vérité subjective.
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Auteur
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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