ETIENNE OEHMICHEN (1884-1955)
Fils d’officier d’artillerie, centralien, sous-directeur chez Peugeot et professeur au Collège de France, Etienne Oehmichen, inventeur exceptionnel, fut le premier au monde à réaliser un vol libre et monté en hélicoptère, le 4 mai 1924.
Né le 15 octobre 1884 à Châlons-en-Champagne d’un père colonel, directeur de l’école d’application de l’artillerie et d’une mère fille de pasteur, Etienne Oehmichen perd son père à l’âge de huit ans. Sa mère déménage à Lyon pour se rapprocher de sa famille et c’est un vol en ballon captif, offert par l’un de ses oncles pendant l’exposition internationale de 1894, qui suscite chez Etienne un profond intérêt pour l’aéronautique.
Sa famille s’installe dans le Pays de Montbéliard (Doubs) en 1897. Etienne Oehmichen sort diplômé de l’Ecole centrale Paris en 1908. Il reste l’un des trois « pistons » les plus célèbres de l’aéronautique avec Rozanof (le pilote d’essai) et Bréguet (le premier à avoir traversé la Manche en avion). Il rejoint en 1909 à Belfort la société alsacienne de constructions mécaniques, aujourd’hui connue sous le nom d’Alstom, puis entre comme sous-directeur chez Peugeot en 1911, à Valentigney (Doubs).
Entre 1912 et 1914, Etienne Oehmichen dépose pas moins de douze brevets. Il a le premier l'idée, pour éviter l'éblouissement des conducteurs croisés sur la route, de munir les phares d'une ampoule excentrée ou encore de doter l'ampoule d'un second filament. Hélas, l'idée n'est pas retenue par Peugeot et c'est une autre firme qui dépose, plus tard, le brevet des « feux de croisement ».
Récompensé pour sa conduite courageuse pendant la guerre par la Croix de Guerre et décoré de la Légion d'Honneur, il travaille vers la fin de la guerre au perfectionnement des chars de combat, sous le commandement du général Estienne. Pour observer le fonctionnement des moteurs, il a l'idée de l'éclairer à intervalles réguliers avec les étincelles que produisent les bougies. Il invente ainsi le stroboscope électrique. N'en revendiquant pas la paternité, il se fait disputer celle-ci par les frères Seguin, créateurs à Gennevilliers de la société Gnome.
De retour chez Peugeot à Valentigney en 1918, il projette de se lancer dans le développement d'hélicoptères et quitte la société en 1920 avec un moteur qui sera monté sur les deux premiers aéronefs. Conscient de la difficulté à assurer la stabilité des hélicoptères, il explore plusieurs possibilités. Le premier modèle, réalisé en 1921, comprend deux grandes hélices contrarotatives que surmonte un ballon gonflé à l'hydrogène réalisé par Zodiac, permettant de stabiliser l'ensemble sans qu'il puisse toutefois être qualifié d'hélicoptère.
La seconde solution consiste à équiper l'appareil d'une hélice à axe horizontal, le rotor de queue, produisant un couple qui neutralise celui du rotor principal. Cette invention est brevetée et reste longtemps appelée hélice anti-couple Oehmichen. Le second exemplaire, l'« Oehmichen n°2 » est ainsi équipé de quatre hélices de grande taille, d'une petite hélice horizontale et d'un gyroscope pour en améliorer la stabilité. Pour guider cet hélicoptère, Etienne Oehmichen augmentait la vitesse de deux des hélices et réduisait celle des deux autres, ce qui penchait l'appareil et lui imprimait un mouvement horizontal, l'hélice anti-couple permettant de le diriger. Le vol inaugural a lieu le 4 mai 1924 sur le terrain d'Arbouans (aujourd'hui aérodrome de Montbéliard), en présence d'un contrôleur de l'aéronautique. Ce vol d'un kilomètre et d'une durée de quelques minutes seulement, avec retour au point de départ, permet à Etienne Oehmichen de recevoir une subvention de 90 000 francs du Service technique de l'aéronautique (STAé) et de rembourser Peugeot pour son moteur. La réalisation de ce vol démontre que l'appareil peut tenir l'air sur cette distance, et surtout qu'on peut le piloter. Des piquets plantés dans le sol jalonnent le parcours à effectuer. Malgré la simplicité apparente du parcours, le vol est difficile, des courroies se mettent à glisser et le moteur se retrouve vite en surchauffe.
En 1928, l'ingénieur réalise l'« Oehmichen n°3 », doté d'un châssis en tubes d'aluminium et en haubans d'acier, d'un rotor unique et d'une hélice anti-couple, très proche dans son dessin des appareils modernes. Son fils raconte que son père refusait de lui donner la moindre explication au sujet de cet hélicoptère, qu'il qualifiait de « secret », mais qui malheureusement n'atteignit pas les performances attendues. Progressivement d'ailleurs, le ministère de la Défense se détourne des hélicoptères au point de considérer qu'ils n'ont pas d'avenir et interrompt le financement des travaux d'Etienne Oehmichen, pendant que les Allemands persévèrent et prennent une avance considérable dès la fin des années 1930.
Etienne Oehmichen poursuit cependant ses travaux en les concentrant sur l'hélicostat, un type d'appareil alliant les techniques de voilure tournante et celles des dirigeables, sans parvenir à convaincre davantage le STAé. Très maniable, l'hélicostat comporte un grand ballon de 100 m3 gonflé à l’air chaud légèrement sous pression qui ne soulevait que son propre poids, dont la force ascensionnelle équilibre le poids de la cabine. L'« Oehmichen n°6 » a pour fonction de vérifier la théorie de la stabilisation par air lié et il est expérimenté dans le hangar à dirigeable d’Orly à partir du 21 février 1935. Les essais mettent en évidence le couple statique de stabilité et accumule 3,5 minutes de vol stable non-piloté. Selon Etienne Oehmichen, l'hélicostat était la seule solution qui permette d'assurer la sécurité. L'« Oehmichen n°6 » a été remis au Musée en février 1936.
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.