INITIATEURS OPTO-PYROTECHNIQUES
POUR APPLICATIONS SPATIALES ET MILITAIRES
L’amélioration des sources laser et l’augmentation continue de la puissance disponible par unité de volume et de poids permettent d’envisager de nouvelles applications dans lesquelles l’énergie laser est utilisée pour initier des réactions pyrotechniques. L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a ainsi développé des initiateurs optopyrotechniques pour des applications spatiales et de défense, en particulier pour la mise en œuvre de systèmes de protection active ou réactive intelligente. Les avantages de ces systèmes sont nombreux, notamment en termes de sécurité.
L’ISL développe des systèmes d’initiation opto-pyrotechniques (détonateurs et allumeurs) depuis les années 1990, initialement à la demande du CNES.
L’objectif était de remplacer les dispositifs d’initiation électriques à fil chaud du futur lanceur spatial ARIANE utilisés pour déclencher divers mécanismes pyrotechniques par un système alternatif, améliorant la sécurité et la fiabilité vis-à-vis de tous types d’agressions électriques, thermiques ou de chocs. Il fallait pour cela utiliser des explosifs moins sensibles, avec une mise à feu plus sécurisée. La première conception d’initiateurs opto-pyrotechniques utilisait des composants optiques spéciaux pour maintenir l’étanchéité du dispositif nécessaire à son bon fonctionnement et pour focaliser le faisceau laser sur le matériau pyrotechnique afin d’assurer des densités de puissance élevées nécessaires à l’initiation thermique. Des exigences supplémentaires ont conduit à une optimisation de la conception opto-mécanique sans composant optique, avec un contact direct entre la fibre optique et le matériau pyrotechnique.
Alors que les premiers prototypes nécessitaient des sources laser coûteuses, les modèles actuels d’initiateurs opto-pyrotechniques fonctionnent avec des diodes laser bon marché, disponibles dans le commerce, et délivrant une puissance de quelques watts.
Pour les applications spatiales, une petite couche de composition pyrotechnique de haute sécurité est ajoutée au sein de l’opto-détonateur afin de compenser le retrait et l’expansion thermiques des différents matériaux et garantir la fiabilité de l’étape d’initiation laser en environnement thermique extrême ( - 110 °C à + 110 °C).
Pour les applications de défense, qui nécessitent un fonctionnement rapide mais dans une plage de température plus réduite, l’ISL a montré qu’il est possible de se passer de composition pyrotechnique et d’utiliser uniquement de l’explosif secondaire, mélangé à un dopant optique dont le rôle est d’absorber le rayonnement laser.
Grâce aux récents efforts d’optimisation de la conception du dispositif, le temps de réponse peut désormais être contrôlé de manière très précise. Par exemple, sur une plage de température allant de - 50 °C à + 70 °C, le temps de fonctionnement moyen pour une puissance laser de 25 W est de 65 μs avec une dispersion de plus ou moins 5 μs.
UN TEMPS DE FONCTIONNEMENT MOYEN DE 65μs
Ces excellents résultats ouvrent un tout nouveau champ de possibilités, en particulier pour des applications de protection active ou de protection réactive intelligente. Le développement de tels systèmes est devenu indispensable face à la montée en puissance des armes antichars ainsi que la vectorisation des menaces, qui fait peser une agression hémisphérique sur les plateformes tant terrestres que navales.
Le principe de protection active consiste à détecter toute menace en approche et à mettre en œuvre une contre-mesure initiée grâce à une chaîne pyrotechnique. Cette contre-mesure est qualifiée de « hard kill » si elle intercepte la menace pour la détruire ou en réduire le pouvoir perforant. Une protection réactive intelligente détecte une menace au contact et déclenche le blindage explosif de manière optimisée vis-à-vis du type de menace, grâce à une chaîne pyrotechnique.
Principe de la protection active « hard-kill »
Le succès de l’interception repose entre autre sur l’optimisation spatiale et temporelle du scenario de rencontre entre la menace et les éléments de riposte.
Dans cette perspective, les derniers résultats obtenus par l’ISL en termes de rapidité et surtout de maîtrise de la dispersion des temps de réponse des détonateurs opto-pyrotechniques, permettent une plus grande précision de déclenchement des contre-mesures, une meilleure capacité d’amorçage de ripostes multiples, une faible vulnérabilité du système tout en garantissant un niveau de sûreté élevé.
Le détonateur opto-pyrotechnique de l’ISL offre de nombreux avantages en termes de réduction des risques. Alors que les technologies classiques de détonateurs utilisent de l’explosif très sensible, contenant souvent du plomb (explosifs dits « primaires »), l’ISL utilise dans ses détonateurs uniquement de l’explosif secondaire. Ceci est un avantage majeur en termes de sécurité, tant lors des phases de fabrication, d’intégration dans le système d’arme que lors de son utilisation. Par ailleurs ces explosifs ne contenant pas de plomb, les détonateurs de l’ISL sont conformes à la directive REACH. Enfin, le détonateur opto-pyrotechnique est par nature insensible aux interférences électriques et aux décharges électrostatiques et sa conception lui permet de résister aux essais normalisés d’incendie (test de feu de fuel par exemple) sans détoner.
Cet accroissement du niveau de sécurité permet de simplifier fortement les procédures de montage sur le lanceur Ariane 6 des détonateurs opto-pyrotechniques qui l’équiperont, avec pour conséquences des réductions de coûts et une plus grande flexibilité.
En terme d’intégration système, le dispositif opto-pyrotechnique présente aussi l’avantage d’être compatible avec une architecture d’amorçage multivoie et d’autoriser un déport sur de longues distances entre la source et l’effecteur, grâce aux faibles pertes de puissance des fibres optiques. Pour les applications de défense, il n’y a donc pas de contraintes de localisation de la source laser, qui peut ainsi être logée dans un endroit protégé, où elle ne serait pas détruite lors du déclenchement de la protection active ou réactive intelligente. Le dispositif opto-pyrotechnique se démarque là de la technologie des détonateurs à couche projetée (« slapper detonators ») pour lesquels une source d’énergie haute-tension est requise et située nécessairement à très faible distance de la fonction terminale.
Les recherches actuelles de l’ISL se concentrent d’une part sur une nouvelle architecture autorisant de nouvelles réductions de coût, d’autre part sur le contrôle de l’étape d’amorçage thermique. L’objectif principal est ici d’améliorer encore la qualité et l’homogénéité des formulations d’amorçage à base d’explosifs secondaires, en étudiant de nouvelles techniques de dispersion. On en attend une réduction supplémentaire du temps de réaction et de sa fluctuation.
Christian de Villemagne, ICA , Directeur français de l’ISL, Christian de Villemagne a une longue expérience de coopération européenne en matière d’armement, que ce soit en direction de programme et à un niveau plus politique à la OGA, ou à Bruxelles. A la tête de l’Institut franco-allemand de recherches de défense de Saint-Louis, il lui a choisi une devise « Frontline rerearch », la recherche d’excellence pour la ligne de front » et s’est employé toutes ces dernières années à transformer l’institut à l’aune de cette ambition. |
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