TKX-50, VI-RDX, ET VI-HMX
UNE NOUVELLE ÈRE POUR LES EXPLOSIFS MILITAIRES ?
Depuis 2014, la DGA finance des études de nouvelles molécules énergétiques avec pour objectif d’améliorer le compromis performance - insensibilité - coût - conformité réglementaire. Le TKX-50 est peut-être enfin la molécule miracle pour le plus grand bénéfice des munitions du futur : performante, insensible, économique et pérenne !
Le célèbre TNT (trinitrotoluène, C7H5N3O6, première adoption en 1902) ou encore le RDX (hexogène, C3H6N6O6) et le HMX (octogène, C4H8N8O8), inventés et utilisés lors de la seconde guerre mondiale, sont toujours en service dans les munitions actuelles. Offrant un excellent ratio performance - coût, ces produits sont indétrônables sans autres exigences de conception.
Le TNT, découvert en 1863 par le chimiste allemand Julius Wilbrand et utilisé notamment dans les torpilles durant la Première Guerre Mondiale
Le RDX ou hexogène, synthétisé en 1899 par Georg Friedrich Henning et utilisé comme explosif à partir de 1920, largement utilisé durant la Seconde Guerre Mondiale. Très puissant, sa vitesse de détonation est de 8750 m/s
Le HMX ou octogène, a été isolé accidentellement en 1940 par un anglais, Werner Emmanuel Bachmann sous forme d’un sous-produit lors de la synthèse du RDX. Sa vitesse de détonation est de 9100 m/s.
A la fin du XXe siècle, en application de la politique MURAT (MUnition à Risque ATténué), des explosifs insensibles, c’est-à-dire offrant une réponse atténuée à des agressions normalisées (impact de balle ou de fragment, incendie, etc.) ont été utilisés pour la conception, par exemple, de munitions embarquables sur des porteurs nucléaires de surface ou sous-marins. Cette exigence a permis à l’ONTA (NTO, nitrotriazolone, C2H2N4O3) d’entrer en service opérationnel dans les années 2000. Cependant, ses performances sont moindres que celles du RDX ou du HMX.
Les exigences de conception concernant les matériaux énergétiques se complexifient sans cesse posant des problématiques de pérennité au regard des contraintes règlementaires, environnementales et toxicologiques, ou de sécurisation des approvisionnements (ITAR, end-user…).
Développement industriel du TKX-50
Deux marchés successifs d’étude amont, portés notamment par la société EURENCO avec notamment pour objectifs une amélioration des procédés, des performances de sécurité et une écoconception, ont permis l’identification, l’optimisation et la caractérisation à l’échelle du laboratoire du TKX-50 (dihydroxylammonium 5,5’-bistetrazole-1,1’-diolate), une molécule inventée par le professeur Klapötke de l’université de Munich (LMU).
Le TKX-50 n’a fait son apparition qu’en 2012 dans la presse scientifique et a un grand potentiel comme explosif secondaire.
Cette molécule combine à la fois une performance équivalente au HMX (la molécule la plus performante actuellement en service) et une insensibilité équivalente à l’ONTA (la molécule la plus insensible actuellement en service).
Avec de telles propriétés, l’introduction du TKX-50 dans la composition B2214 (composition en service dans les bombes aéroportées CBEMS - Corps de Bombe à Effets Multiples Sécurisé - et dans la tête militaire du missile de croisière naval) en substitution de l’ONTA apporterait un gain en vitesse de détonation de l’ordre de 15% et un gain en pression de détonation de l’ordre de 30%. La composition la plus chargée en TKX-50 de type B2273 (avec seulement 10% de liant) conduit à une augmentation de 25% de la vitesse de détonation et de 60% de la pression de détonation en comparaison à la composition en service.
Concernant l’aspect économique, la synthèse du TKX-50 se réalise en seulement deux étapes au sein d’un même réacteur, en 30 heures, avec un rendement proche de 100%, l’ensemble des composants, réactifs et solvant, étant conforme à la réglementation. Une prouesse !
Dans cette optique, la DGA a notifié en décembre 2021 aux deux industriels français EURENCO et ARIANEGROUP, un marché d’étude amont de développement du TKX-50 avec deux objectifs principaux : la montée en maturité jusqu’à l’échelle industrielle (TRL 5) et la démonstration des performances du TKX-50 en objets représentatifs des munitions en service.
Amélioration du RDX
Fort de ce premier succès, la DGA poursuit ses recherches de produits et de procédés innovants également sur le RDX, en coopération avec les laboratoires de l’Institut Saint Louis (ISL) et d’EURENCO.
Le VI-RDX, pour Very Insensitive RDX, est une molécule de RDX modifiée par un procédé novateur inventé par l’ISL qui consiste en une étape de recristallisation sans défauts suivi d’une étape de sphérisation.
Le VI-RDX et son procédé de fabrication ont été transférés à l’échelle industrielle chez EURENCO sur financement DGA. Cet explosif est désormais disponible par centaines de kilogrammes et dans différentes classes granulométriques pour la formulation de matériaux énergétiques.
En composition hexocire, l’impact de projectile 20mm permet de discriminer sans commune mesure les différentes qualités de RDX en sensibilité (voir schéma plus haut).
Le VI-RDX apporte des gains significatifs en insensibilité au choc et permet par sa forme arrondie de diminuer la rhéologie des compositions, ce qui autoriserait une augmentation du taux de charge et donc de la performance de la charge militaire. Le VI-RDX est disponible à l’échelle industrielle et pour les programmes d’armement. Son prix serait supérieur à celui du I-RDX selon une première analyse technico-économique.
Insensitive et very Insensitive RDX améliorent fortement la sécurité liée à l'emploi d'hexogène
Innovation dont va bénéficier le HMX
Parallèlement, le VI-HMX est en cours de développement à l’ISL sur la base de l’expérience acquise sur le VI-RDX. Les premiers résultats de cristallisation et de caractérisation à l’impact de projectiles 20mm sont à la hauteur de ceux du VI-RDX. Le transfert du VI-HMX chez EURENCO est actuellement envisagé par la DGA.
David Toulat ICETA, Responsable métier PES à la DGA Diplômé de l’ENSTA Bretagne, spécialité « pyrotechnie et matériaux énergétiques », David a débuté à la DGA à Toulon dans le domaine des effets des armes sur les bâtiments de la Marine Nationale, pour prendre ensuite la responsabilité de la sécurité nucléaire des munitions conventionnelles du Charles de Gaulle. Il rejoint à Balard le pôle technique MAN, et devient responsable adjoint du segment et du métier « Sécurité et Expertise Nucléaire (SEN) », puis responsable du segment d’ingénierie et du métier « Propulsion, matériaux Energétiques de Défense, Sécurité pyrotechnique et nucléaire (PES) |
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