INVESTIR DANS LES PROJETS D’AVENIR DE MANIÈRE PLUS AVISÉE GRÂCE À LA REFONTE DE LA GOUVERNANCE
Le processus de décision des études amont implique de nombreux acteurs du ministère en général et de la DGA en particulier. Il était devenu complexe et peu efficace. Sa refonte a permis de gagner en précision de pilotage et en robustesse face à d’éventuels chocs externes, sans dérive calendaire ou budgétaire observée. Les rôles et responsabilités de chacun ont été clarifiés, ce qui a permis au cycle décisionnel de gagner en fluidité et en transparence. Ajouté à une meilleure visibilité des objectifs, il en résulte une adhésion plus forte des acteurs.
Pourquoi une telle réforme et quelle a été sa genèse ?
Le constat de 2012 était multiple : certains textes étaient obsolètes en particulier depuis la mise en place du comité ministériel d’investissement (CMI), la multiplicité des instances à des niveaux disparates conduisait à un consensus mou et il n’y avait pas de structuration permettant des choix stratégiques lisibles et cohérents en termes technologiques et industriels. Cette situation ne mettait pas le ministère de la Défense, et en son sein la DGA, dans de bonnes conditions pour préparer la LPM à venir.
C’était également l’opportunité d’assurer une plus grande continuité entre l’orientation des études amont « traditionnelles » (contrats vers l’industrie et dispositifs de soutien à l’innovation tels que RAPID ou ASTRID) et celle des organismes subventionnés tels que l’ONERA, l’Institut Saint-Louis ou le CNES et le CEA au titre de la recherche duale. L’ensemble ainsi constitué est dénommé S&T(1).
Le partage de ces éléments avec les autres acteurs du ministère et un débat au niveau ministériel a permis l’élaboration d’une instruction ministérielle mettant en place une nouvelle gouvernance fin 2013.
En quoi consiste la transformation, comment s’estelle opérée ?
Il n’était pas envisageable de réduire la complexité liée au nombre d’intervenants car tous étaient légitimes pour défendre leurs enjeux, technologiques, capacitaires ou industriels pour ne citer que ceux-là. Il apparaissait toutefois essentiel de faire en sorte que chacun intervienne là et au moment où il est pertinent. Il a pour cela fallu cartographier les rôles de chacun et les attendus du processus, puis instancier les droits et les devoirs de chacun. Cela n’a été facile pour personne, ni pour les porteurs de la réforme, ni pour les acteurs impliqués.
Ceci a permis de maîtriser la complexité par une approche de subsidiarité entre :
• les porteurs des enjeux, au sein de la Direction de la stratégie de la DGA, qui définissent les objectifs à satisfaire par les travaux de S&T et déterminent en conséquence le niveau d’effort financier qui devra y être consacré sur une période de six années. Ce travail est mené en concertation avec les autres acteurs concernés du ministère de la Défense (en particulier l’Etat-major des armées et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie(2) ;
• les responsables de la mise en place des actions pour les atteindre (marchés, conventions, subventions ou autres), au premier rang desquels les unités de management de la direction des opérations de la DGA.
En parallèle, le processus initial, organisé auparavant en 3 commissions (orientation, exécution, évaluation) et une CEP pour libérer les Autorisations d’engagement, a été remplacé par un cycle à deux niveaux :
• orientation sur un horizon glissant de 6 ans, avec un pas de réactualisation de 2 ans, validée en CMI ;
• entre chaque mise à jour de l’orientation, cycle d’exécution sur un horizon de 2 ans, ponctué chaque année par le comité de la science et de la technologie (CST), sous présidence DGA/
DS (ce comité prépare un an sur deux le CMI).
« une approche de subsidiarité pour réaliser les arbitrages au bon niveau »
Le cycle d’orientation vise à concilier les capacités de défense, industrielles, technologiques et financières. On observe par exemple que les États-majors ont bien intégré leur rôle et l’importance de préparer le cycle d’orientation selon la nouvelle approche, en exprimant des enjeux opérationnels.
Cette nouvelle gouvernance de la S&T est entrée en vigueur en 2014. Globalement, le retour d’expérience que nous en tirons après le déroulement d’un cycle presque complet de 2 ans est que les acteurs de la S&T adhèrent à la démarche. Les enjeux et les objectifs étant clairement posés, les arbitrages ayant été réalisés au bon niveau, au bon moment et avec les bons acteurs, cela fluidifie la partie exécution du cycle.
Cette démarche d’évaluation du processus est importante pour s’assurer que nous n’avons pas fait fausse route et, au-delà de l’adhésion aux mécanismes mis en place, nous avons également pu vérifier que la responsabilisation des acteurs n’entraînait pas de dérive dans la poursuite des objectifs assignés. Certes, le processus global reste perfectible et des pistes d’amélioration ont été identifiées, mais son bon fonctionnement est désormais prouvé.
En définitive, la réforme de la gouvernance des études amont, c’est moins de comitologie à faible valeur ajoutée, plus d’autonomie dans l’exécution au jour le jour.
L’animation du processus global n’est pas devenue totalement sans effort, ni dans la prise des arbitrages, comme évoqué plus haut, ni dans leur instruction, mais elle reste compatible des ressources humaines que la DGA y consacre. Dans ce contexte, je suis convaincu qu’une fois atteint, le compromis présente un niveau de risque et d’acceptabilité relativement homogène aux yeux de toutes les parties prenantes. En ce sens, les décisions prises et les choix faits sont plus robustes.
(1) pour « Science, recherche, technologie et innovation de défense », la S&T de défense désigne l’ensemble des recherches et études appliquées rattachées à un besoin militaire prévisible en matière d’armement et contribuant à constituer, entretenir ou développer la base industrielle et technologique de défense (BITD) ainsi que l’expertise technique étatique nécessaire à la réalisation des opérations d’armement.
(2) La démarche d’orientation de la S&T fait l’objet d’un document de présentation public disponible sur www.defense.gouv.fr/dga.
Les 14 agrégats S&T retenus dans le plan 2014 - 2019, ensembles cohérents permettant de piloter l’ensemble de la S&T Crédit photo : DGA COMM / P. Ben Amar
Jean-François Ripoche, IGA
Jean François Ripoche (X90, ENSTA), docteur en physique des lasers, a commencé sa carrière en 1998 à la DGA au Service de programmes de missiles tactiques. Après avoir occupé des postes de chef de bureau, il devient sous-directeur des affaires industrielles en charge du secteur des industries électronique, terrestre et navale en 2008. Il est nommé directeur du SRTS le 18 juin 2014.
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