J’AI QUITTÉ LA CANTINE DE MBDA
« Mais pourquoi vous faites ça ? ! » C’est ce que mon voisin, ingénieur chez Safran, m’a demandé en apprenant mon changement de job. Même question de la part de la responsable RH de MBDA quand je lui ai fait part de ma démission. A priori, rejoindre le public en venant du privé ne serait pas le sens de parcours classique...
Ingénieur aérodynamicien chez MBDA : des études de signature, d’aérodynamique, de propulsion, de pyrotechnie…
Pourtant, il y a un peu plus de trois ans, la décision m’a semblé parfaitement naturelle, presque inévitable. Après 5 ans passés chez MBDA, il était temps de passer le concours externe pour devenir ingénieur de l’armement et rejoindre le ministère des Armées.
Si l’on cherche la source de ma passion pour la Défense, on revient en 2013 à l’ENSTA Paris quand je choisis la filière de mécanique des fluides comme spécialité. Puis en 2014 quand j’ai failli approcher la DGA pour une césure à Val-de-Reuil. Mais finalement, tant pis pour l’hydrodynamique et les bateaux, je décide de partir en 3A (3e année) à l’ISAE Supaéro où je me spécialise en aérodynamique. Marrant, j’y retrouve un ami de prépa, polytechnicien, et sa bande de potes, des « IA » ...
A la fin de mes études, l’objectif est clair : bosser dans le supersonique - voire l’hypersonique - et si possible sur un statoréacteur. Une seule destination possible ! Pas d’hésitation, je dépose mon CV auprès d’un responsable du service Aérodynamique de MBDA lors de son passage à Supaéro pour une soutenance et quelques semaines plus tard, l’affaire était dans le sac.
Sans avoir vraiment fait attention, mes études et mon attrait pour l’aérodynamique de pointe m’ont mené tout droit chez un industriel de l’armement. Ajoutez à cela ma rencontre avec la jeune promo d’IA à Supaéro et discrètement, le monde de l’armement avait déjà refermé ses griffes sur moi.
Un travail avec du sens
Au quotidien, on est ingénieur, on calcule, on simule, on modélise, on résout (parfois), on se trompe (souvent). Les sujets sont techniques, pointus, et les problématiques sont complexes, diverses. Personnellement, je pense que c’est ce qui m’a stimulé, a attisé mon intérêt et m’a toujours donné envie d’en voir plus. Du coup, je suis rapidement passé de l’aérodynamique à la conception globale avant-projet.
C’est à partir de là que les interactions avec d’autres intervenants se sont multipliées. DGA, ONERA, CEA, Dassault Aviation, ArianeGroup... On prend conscience de son positionnement au sein de l’écosystème et de la nécessité de la bonne coopération pour répondre au besoin. Parce que c’est bien de cela dont il est question : le besoin opérationnel, le fait de fournir le bon équipement ou la bonne information, au bon moment, à des militaires engagés au quotidien pour la France.
Et l’avantage de notre métier, c’est que l’on échappe rarement à la finalité de son travail. Défense, effet militaire, contre-prolifération, dissuasion nucléaire... Les termes sont forts et me rappellent tous les jours que le sujet n’est pas seulement technique. Le monde de l’armement m’apporte un supplément de sens que beaucoup d’entre nous recherchent de plus en plus dans leur quotidien.
« ON ÉCHAPPE RAREMENT À LA FINALITÉ DE SON TRAVAIL : DÉFENSE, EFFET MILITAIRE, CONTREPROLIFÉRATION, DISSUASION NUCLÉAIRE… »
Une source de passions
Chez MBDA, j’ai pu rencontrer différents profils, de l’ingénieur-chercheur à l’analyste en intelligence économique et tous m’ont apporté quelque chose lors de nos échanges. Que ce soit sur des problématiques hautement techniques ou sur des réflexions quasi-politiques, ils trouvaient toujours une manière de transmettre leur passion. Et quand je suis arrivé à l’UM ACE, je me suis rendu compte que l’aéronautique de combat n’avait peut-être pas son pareil pour faire vibrer les gens.
Travailler sur des systèmes comme le Rafale, le sous-marin lanceur d’engins ou le char Leclerc, ce n’est jamais neutre. Quand on parle de son travail à ses proches ou ses amis, cela soulève toujours des questions parce que ce sont loin d’être des objets du quotidien. La complexité, le secret et l’image de l’armée créent souvent cette curiosité chez nos interlocuteurs.
Aujourd’hui, les industriels ainsi que les organismes étatiques comme la DGA font face au renouvellement massif des générations et avec le souhait exacerbé de mobilité des jeunes, il sera plus difficile de construire l’expertise de demain. Pourtant, le monde de la Défense a pour moi tous les arguments pour convaincre les jeunes d’y venir et d’y rester grâce à la diversité des parcours qui y sont proposés.
Les atouts de l’État
On retrouve la technicité et la passion dont je vous parle chez tous les acteurs liés au Ministère des Armées : industriels, organismes étatiques, militaires... Et si j’ai choisi de quitter l’industrie pour rejoindre le corps de l’armement, c’est d’abord pour travailler directement au profit de l’État, et aussi pour accéder à un nouvel environnement et à un nouveau périmètre de responsabilités.
Au sein de l’écosystème de défense, l’État joue le rôle central et en tant que maître d’ouvrage, possède une hauteur de vue bien supérieure à celle des industriels : on ne « fait » plus, on « fait faire ». On laisse donc le code de simulation Python de côté pour se concentrer sur l’orientation technique des études et la gestion des interfaces entre programmes. Un travail qui reste technique mais qui fait ressortir d’autres compétences de savoir-faire et de savoir être, en renforçant la proximité avec les opérationnels que l’on associe au quotidien dans nos réflexions.
Le choix de la DGA m’a également permis de changer de domaine d’application : je suis passé de la conception de missile à la construction d’un standard Rafale. Qui sait ce que me réserve la suite ? En fonction de mes appétences et des opportunités qui s’ouvrent à moi, je suis convaincu de pouvoir construire une carrière qui continuera à stimuler ma curiosité, que ce soit à la DGA ou ailleurs. Et je ne m’interdis même pas de retourner du côté industriel !
Le mot de la fin
Vous voulez savoir si je regrette mon choix ? Je vous dirai simplement que la cantine de Balard... elle est pas si mal !
Après 5 ans passés chez MBDA sur différentes thématiques (aérodynamique, défense anti-balistique, contre-prolifération, pénétration des défenses), j’ai choisi de passer le concours externe pour devenir Ingénieur de l’Armement. J’ai ensuite rejoint la DGA comme architecte à l’UM ACE (Avions de Chasse et Équipements) pour préparer le futur standard du Rafale.
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