L’ÉOLIEN EN MER
CHALLENGER POUR L’ENERGIE DECARBONEE
La décarbonation de notre mix énergétique passera par le développement accéléré de l’éolien en mer, une source d’énergie compétitive, faiblement émettrice de carbone, créatrice d’emplois, à fort facteur de charge et au potentiel important. Alors qu’un seul parc de 480 MW était en opération fin 2022 au large de nos côtes, 40 à 45 GW ont vocation à être installés d’ici 2050. Le développement de ce nouvel usage de la mer nécessite d’être planifié et que soient adaptées les règles de coexistence avec les usagers historiques, en particulier la défense nationale.
Les émissions de gaz à effet de serre sont principalement générées par le recours aux énergies fossiles, qui représentent environ 60 % de la consommation d’énergie en France.
Dans la mutation énergétique que nous vivons, le besoin en électricité devrait augmenter de 10 TWh par an dès 2025 pour atteindre 645 TWh en 2050 selon l’estimation de RTE. Il est indispensable de développer rapidement et massivement de nouveaux moyens de production d’énergies renouvelables, dont les énergies marines renouvelables, en particulier l’éolien en mer.
En France, l’éolien en mer est à ce stade la seule technologie d’énergie marine renouvelable industriellement mûre, compétitive, disposant d’un potentiel technique important, et à fort facteur de charge (entre 40 et 55%). Ce potentiel place l’éolien en mer comme l’une des principales filières à développer pour atteindre les objectifs de transition énergétique. A ce titre, l’éolien en mer a vocation à devenir à horizon 2050 la seconde(1) source de production d’électricité de notre pays derrière le nucléaire, fournissant entre 20 et 30% de notre électricité.
En France aujourd’hui, près de 4,6 GW de capacité ont déjà été attribués et commencent à rentrer en opération (parc de Saint Nazaire en 2022, parcs de Saint Brieuc et Fécamp et ferme pilote Provence Grand Large en 2023). 3,25 GW sont en cours d’attribution en Méditerranée, au large de la Bretagne Sud, d’Oléron et de la Normandie et 2,5 GW de projets supplémentaires ont déjà été identifiés.
Des objectifs de développement de l’éolien en mer situés entre 40 à 45 GW à horizon 2050 ont été exprimés par le Président de la République et le Secrétariat général pour la Planification Ecologique. Ces orientations ont vocation à être traduites et précisées dans la loi en 2024. Au niveau européen, la Commission Européenne fixe pour sa part un objectif de 300 GW installés au large de ses pays membres à horizon 2050.
Le déploiement de 40 à 45 GW d’éolien en mer impliquera l’occupation de 1 à 2 % de l’espace maritime de la France métropolitaine. Il est nécessaire de planifier son développement et d’identifier les zones au sein desquelles cette technologie sera développée et certains usages seront éventuellement limités. C’est à ce titre qu’un débat public national sera lancé à l’automne, mutualisé avec la révision des documents stratégiques de façade et la détermination de zones qui feront l’objet d’une protection forte au titre de la biodiversité. Pour l’éolien en mer, ce débat a pour objectif de faire émerger des zones dans lesquelles des projets de parcs éoliens en mer totalisant au moins 15,5 GW pourront être attribués dans un délai de dix ans suivant son adoption, ainsi que des zones susceptibles d’accueillir des projets totalisant au moins 14 GW à l’horizon 2050.
L’éolien en mer est susceptible d’avoir des impacts sur les paysages, la biodiversité, la pêche professionnelle, le trafic maritime ou encore la défense nationale. L’ensemble de ces enjeux seront discutés par le public et pris en compte dans le choix final des zones de projet par l’État. La mer étant un espace important pour les forces armées et la DGA (entraînement, tirs de missiles, radars...), des compromis devront être trouvés afin de faire coexister nos objectifs de défense nationale avec nos objectifs énergétiques, qui ont vocation à décarboner notre pays et aussi à le rendre davantage résilient grâce à une diversification des moyens de productions d’électricité, en termes de technologie et dans l’espace, et à la production d’énergie sur son sol. Il est à noter que le partage de la mer n’est pas nécessairement exclusif, et que certaines activités peuvent être compatibles entre elles (possibilité d’activités de pêche au sein des parcs, en particulier posés, « effet récif » des parcs éoliens pouvant favoriser la biodiversité).
Éolienne posée au large de Saint-Nazaire et navire d’installation - Credit : EDF
Les grandes caractéristiques de l’éolien en mer
Une éolienne en mer est constituée d’une éolienne conçue pour le milieu marin qui est soit posée sur le fond marin (éolienne posée), soit installée sur un support flottant, ancré au fond marin (éolienne flottante).
Ces éoliennes sont reliées entre elles par des câbles inter-éoliennes et raccordées au réseau public de transport d’électricité par l’intermédiaire d’un poste électrique en mer, relié lui-même à un poste électrique à terre. Les projets issus de l’exercice de planification auront une puissance de 1 à 2 GW et seront reliés au réseau électrique en courant continu.
Malgré la baisse des coûts de l’éolien en mer, un soutien public est néanmoins prévu afin de favoriser les investissements et de couvrir les coûts de construction et d’exploitation quelle que soit l’évolution à long terme du prix du marché.
Pour ce soutien, l’État a fait le choix du dispositif « complément de rémunération » : l’État complète la rémunération perçue par le producteur lorsque celui-ci vend son électricité sur le marché, pour atteindre le tarif fixé lors de la procédure de mise en concurrence. Le complément de rémunération est symétrique : dans le cas où les prix de marché de l’électricité sont supérieurs au tarif fixé lors de la procédure de mise en concurrence, le producteur rembourse la différence à l’État. Considérant le faible coût des projets éolien en mer, en particulier posés, il est estimé que l’« éolien en mer » sera un contributeur positif net au budget de l’État.
L’Europe est aujourd’hui chef de file sur le marché de l’éolien en mer mais l’Asie, en particulier la Chine qui propose des coûts très compétitifs, émerge à grande vitesse et pourrait bouleverser le modèle actuel caractérisé par un fort contenu européen.
L’Europe est « la terre d’origine » de l’éolien en mer puisque les premiers parcs éoliens en mer ont été inaugurés sur le continent au début des années 1990. On y comptait fin 2022 près de 6 000 éoliennes en mer installées, représentant une puissance d’une trentaine de GW de parcs éoliens en mer mis en service dans 12 pays, en particulier au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique ou au Danemark.
La concrétisation des sept premiers parcs éoliens en mer a permis le développement et la structuration d’une filière industrielle de l’éolien en mer en France qui contribue d’ores et déjà à l’économie française.
En 2022, l’éolien en mer a créé 914 emplois en France pour un total d’environ 7 500 emplois directs, notamment au sein des Chantiers de l’Atlantique positionnés sur la construction de sous-stations électriques, des usines de pales et de nacelles de Siemens Gamesa (Le Havre) et GE (Cherbourg et Montoir-de-Bretagne), de l’usine de câbles Prysmian dans l’Yonne ou encore des multiples ports ayant réalisé des aménagements pour accueillir des activités liées à ces projets.
En France, une politique ambitieuse est mise en place pour développer l’industrie de l’éolien flottant car cette technologie sera cruciale pour atteindre les objectifs d’éolien en mer installés en 2050 qui seront fixés. Avec France 2030, ce sont plus de 300 M€ de financements qui visent à accompagner la construction des infrastructures portuaires nécessaires aux projets flottants, et à faire émerger des acteurs industriels sur les façades françaises.
(1) : NDLR : actuelle deuxième source, l’hydroélectricité́ représentait en 2022 26 GW en exploitation produisant 63 TWh par an.
X13, Berkeley, architecte naval, a conçu des flotteurs pour divers projets éolien flottant en opération ou en construction et a participé à la mise en service de la 2e ferme «éolienne flottante» au monde : WindFloat Atlantic. Actuellement responsable d’une équipe chargée de la réalisation des études techniques et environnementales des sites «éolien en mer», du suivi des sujets internationaux, innovation et industrialisation, de l’attribution de deux projets en Méditerranée et de la planification de l’éolien en mer.
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