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Sous-marin Nucléaire d’Attaque « Duguay-Trouin » en essais devant Cherbourg
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18 octobre 2023

LA PROPULSION NUCLÉAIRE À L’HEURE DU RENOUVEAU ÉNERGÉTIQUE
MAINTENIR CE SAVOIR-FAIRE EXTRAORDINAIRE, C’EST LE FAIRE ÉVOLUER

Le porte-avions qui remplacera le Charles de Gaulle en 2038 sera propulsé grâce à deux réacteurs nucléaires compacts. Leur développement intervient au moment où la propulsion nucléaire recrute de jeunes ingénieurs pour remplacer les concepteurs qui avaient mis au point la génération précédente des chaufferies : ce passage de témoin, recherché pour régénérer les compétences en matière de réacteur embarqué, est une opportunité extraordinaire pour débuter une carrière dans un domaine d’exception et participer à une nouvelle aventure scientifique et technologique !


Les réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP) sont nés pour la propulsion des sous-marins. Ils sont désormais majoritaires pour la production d’électricité (dans le monde, près de 70% des centrales nucléaires sont des REP ; en France, c’est 100%).

Dans un REP, l’eau du circuit primaire est sous pression pour rester liquide malgré une température pouvant dépasser 300°C. Elle se réchauffe dans le cœur nucléaire grâce à la chaleur dégagée par la fission de l’uranium et y ralentit les neutrons pour autoriser cette fission. Elle transmet sa chaleur à un circuit secondaire via un échangeur (générateur de vapeur). Dans cet échangeur, l’eau secondaire s’évapore et entraîne les turbines pour produire de l’électricité et/ou propulser le navire. La vapeur est ensuite refroidie dans un condenseur et réinjectée liquide dans le générateur de vapeur. Eau primaire et eau secondaire fonctionnent en circuits fermés séparés. La source froide du condenseur est prise sans risque dans l’environnement, mer, fleuve ou atmosphère : deux barrières séparent l’eau primaire de l’environnement.

La propulsion nucléaire française (PN) a optimisé l’architecture des REP pour les miniaturiser, encore améliorer leur sûreté et réduire leur coût.

Depuis les sous-marins nucléaires de type Rubis entrés en service dans les années 80, la PN utilise des réacteurs compacts où le générateur de vapeur, placé directement sur la cuve, lui sert de couvercle. Les absorbants neutroniques qui contrôlent les réactions de fission sont actionnés à l’intérieur du cœur depuis la périphérie de la cuve grâce à un système de tringleries et de renvois d’angles astucieux. Cette géométrie confère à la PN une robustesse inégalable : si les pompes primaires (qui font circuler l’eau primaire à travers le cœur et le générateur de vapeur) cessent de fonctionner, un thermosiphon les remplace naturellement : l’eau sortant du cœur, réchauffée et donc moins dense, monte vers le générateur de vapeur ; cette eau, qui se refroidit au contact du circuit secondaire et s’alourdit, redescend ensuite vers le cœur. Ce mouvement garantit non seulement que le cœur sera toujours refroidi mais également que le navire sera toujours propulsé quelle que soit la disponibilité de ses pompes.

Schéma simplifié comparant un REP électrogène (à gauche avec 1 cuve desservant 4 GV et 4 pompes) et un réacteur de PN (avec le GV au-dessus de la cuve)

Schéma simplifié comparant un REP électrogène (à gauche avec 1 cuve desservant 4 GV et 4 pompes) et un réacteur de PN (avec le GV au-dessus de la cuve)

Par ailleurs, contrairement aux États-Unis notamment, les cœurs de la PN sont réalisés à partir d’uranium faiblement enrichi, à l’identique des centrales nucléaires : le coût de la matière est ainsi optimisé et ne nécessite pas d’installations d’enrichissement spécifiques. En contrepartie, les cœurs doivent être changés tous les 10 à 20 ans selon les navires.

Ces caractéristiques de la PN semblent immuables. Elles nécessitent néanmoins que nous prenions soin des compétences scientifiques et industrielles sur lesquelles elles reposent. C’est ainsi que le futur porte-avions sera équipé de réacteurs nucléaires compacts : au-delà de la quête de performances pour propulser un navire presque deux fois plus gros que le porte-avions Charles de Gaulle, le développement de ses réacteurs permettra de régénérer les compétences de conception – chez TechnicAtome, concepteur des chaufferies embarquées, chez Naval Group, fabricant des gros composants et au CEA, autorité de conception – par l’embauche de nouveaux ingénieurs avant le départ en retraite de ceux qui avaient conçu dans les années 1980-1990 les chaufferies des SNLE type Le Triomphant et du porte-avions Charles de Gaulle et dont sont dérivées celles des SNA de type Suffren et des futurs SNLE de 3e génération.

Inauguration du supercalculateur EXA1 par le ministre des armées

Inauguration du supercalculateur EXA1 par le Ministre des armées

La régénération des compétences de la PN va bien au-delà d’une simple capacité à reproduire ce que l’industrie nationale a su faire par le passé.

Les réacteurs nucléaires sont en perpétuelle amélioration, tant dans la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu et des niveaux de sûreté atteignables que dans la qualité de production des outils modernes. On s’émerveille, en comparaison des durées de développement actuelles, des prouesses des pionniers de la PN qui, partis de rien, ont réussi en moins de 10 ans à réaliser la chaufferie du SNLE Le Redoutable. Mais admettons qu’ils n’auraient jamais pu mettre au point, ni en 10 ni même en 15 ans, la chaufferie conçue pour les SNA de type Suffren : celle-ci résulte des connaissances et savoir-faire accumulés en France au fil de six décennies. A titre d’exemple, la chaufferie des SNA de type Suffren allie des performances propulsives, même sans pompe primaire disponible, et des niveaux de sûreté jamais atteints : sa cuve et les dispositifs adjacents sont dimensionnés pour supporter une fusion du cœur nucléaire, scénario accidentel dont on a pourtant démontré l’impossibilité…

La période actuelle de régénération des compétences PN constitue une opportunité d’épanouissement pour tous les ingénieurs qui veulent travailler dans le domaine des chaufferies nucléaires : toutes leurs caractéristiques sont revisitées pour définir les réacteurs du futur porte-avions. La performance des moyens de calculs – notamment ceux conçus et mis en œuvre par la direction des applications militaires du CEA dans le cadre de son programme simulation qui vise à garantir les performances des armes nucléaires – offre de nouvelles possibilités de conception et d’exploitation, tenant compte des aspects multiphysiques et de la géométrie réelle des fabrications. C’est ainsi qu’auparavant, pour simplifier les calculs, les mêmes marges de protection des cœurs et des chaufferies couvraient les domaines d’exploitation courante et les domaines accidentels (pour les démonstrations de sûreté). L’application de marges différentes selon les plages de température/pression/débit/taux de combustion, rendue possible par les moyens de calcul, permet de réduire ces marges au strict minimum dans la plage d’utilisation courante – plage sûre – et ainsi augmenter la puissance, l’énergie et la disponibilité accessibles.

Si le renouveau de la PN ne changera pas ses grands principes d’architecture, il apportera dans les prochaines années une autre façon d’appréhender l’énergie nucléaire, à la fois plus scientifique et plus pragmatique.

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, IGA, Directeur de la propulsion nucléaire CEA/DAM

Laurent Sellier, X87, ENSTA option armes nucléaires, entre à la DGA au Centre d’Analyse de Défense en 1992. De 1998 à 2003, il est architecte puis manager M51 au service des programmes nucléaires. Après 3 ans dans les finances, il devient directeur du programme M51 puis de l’unité de management Cœlacanthe. De 2012 à 2020, il dirige l’unité de management Opérations d’armement navales. Il est directeur de la propulsion nucléaire depuis 2020 à la direction des applications militaires du CEA.

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