LE MCO DES CATHÉDRALES : TROIS CHANTIERS
Guerres, dégradations, actualisation des traditions orientent la restauration et l’entretien des cathédrales qu’il faut réparer, entretenir et modifier : le pilotage à long terme est absent, car il laisserait l’idée d’une évolution
Le soir du 15 avril 2019, j’écoutais France Info dans ma voiture, on n’y parlait que de Notre Dame. Chacun y allait de son avis, sur la valeur de symbole, sur les racines culturelles, sur la valeur architecturale, sur le kilomètre zéro, sur le nombre de visiteurs… mais pendant presque deux heures, aucun terme exact, aucun mot du vocabulaire de l’architecture des cathédrales, et surtout aucun élément de la culture chrétienne tant mentionnée dans les interviews. Il s’agissait de l’arrière au lieu de chœur, du côté Seine au lieu du chevet, du milieu au lieu de la croisée de transept. Un officiel parlait de rendre à Notre-Dame sa raison d’être, qui est d’accueillir de nombreux visiteurs. Ce n’est qu’après un long vide culturel qu’enfin le grand rabbin Haïm Korsia a expliqué le caractère religieux de Notre Dame.
La question se pose donc : que faut-il réparer, et pourquoi ?
Décider de refaire en 5 ans revient à ignorer le besoin opérationnel et les spécifications : non seulement les difficultés techniques, mais aussi les choix nécessaires entre les évolutions possibles et ce qui doit rester identique : deux éléments culturels majeurs du ressort entre autres de l’Unesco et de l’Église. Il est évident que Notre Dame doit être réparée, mais la raison n’en est pas explicite.
Et si on avait à refaire en technologie de 2019 ? Matériaux intelligents, maintenance prédictive, modularité, traçabilité (bien qu’elle soit déjà là) spécification multi-usage, privatisation… Tout cela est hors du sujet principal : le but réel mais non mesurable est le sacré : on ne cherche pas à rendre le même service mesurable, mais à prolonger une culture, un accueil pour le recueillement et un message d’éternité.
Paradoxalement un pilotage à long terme remettrait en question la constance des traditions et de la culture, à la manière de Galilée. La pérennité immuable semble plus requise qu’au temps des rois pour l’aménagement intérieur ou de Viollet le Duc pour l’extérieur.1
L’État est son propre assureur... mais sans ressources
La loi de 1905 a séparé les dépenses d’investissement, constructions et grosses réparations, (attribuées à l’État) et les dépenses d’entretien (attribuées aux associations diocésaines, à l’Église pour simplifier). Le parallèle peut être fait avec les programmes 146 et 178 des Armées, sans que le financement des conséquences des OPEX soit clairement établi malgré la règle écrite de mutualisation.
Comment faut-il réparer ? Les exemples précédents montrent la variété des cas particuliers : Les règles ont changé, notamment en matière de sécurité, ne fût-ce que pour le plomb des vitraux. A Beauvais, l’absence de documentation a fait prendre pour des réparations inélégantes des éléments métalliques structuraux d’origine, et il s’en est suivi un triste et imposant rafistolage en béton ; à Rouen, dont les plans étaient perdus, les travaux ont duré 70 ans émaillés de tempêtes destructrices. Les menus aménagements (sonorisation, chauffage, déplacement d’autel…) se font toujours dans une structure supposée éternelle : les modifications destinées à marquer un style ne sont plus de mise, à l’exception peut-être des orgues.
En résumé l’État apporte un soin très chaotique et un financement au coup par coup se traduisant par un souci d’économie à court terme : comme les bâtiments de l’X ou les forts de Vauban, les cathédrales demanderaient le même sursaut de MCO que celui que les Armées ont lancé. Dit autrement, à défaut de grand plan national hors de portée financière, l’entretien suit son erre, à l’abri d’événements structurants.
1 : La coordination par un général assure l’expérience du conflit entre le court terme et le long terme, qui a été une préoccupation de l’intéressé lorsqu’il était au ministère de la Défense.
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