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12 juillet 2024

UNE PASSION SPATIALE

INTERVIEW D’EVE JOLICŒUR, IA EN AFFECTATION TEMPORAIRE DE PREMIER POSTE CHEZ SODERN ET ANIMATRICE DE LA FRESQUE DU CLIMAT. 


La CAIA : Peux-tu nous rappeler tes principales orientations jusqu’ici ?

Eve Jolicoeur : Je suis polytechnicienne de la promotion 2017, première promotion du parcours d’approfondissement « Sciences et Défis du Spatial », et j’ai fait mon double diplôme à l’ISAE-Supaéro pour continuer ma spécialisation dans le domaine spatial, notamment en observation de la Terre.

J’ai rejoint le corps de l’armement en 2020. Dans ce cadre, j’ai réalisé ma FAMIA en 2022, que j’ai personnellement beaucoup appréciée. On nous présente tous les programmes d’armement et l’organisation de la DGA, les grands industriels, et pas uniquement notre secteur futur d’activité. Cela a été une période intense mais riche, cela permet aussi de nouer des premiers contacts au sein du petit monde des IA.

La CAIA : Que retiens-tu de ton premier poste en industrie ?

EJ : Cela fait maintenant 18 mois que je suis en affectation temporaire chez Sodern, côté spatial. L’entreprise est une référence pour les viseurs d’étoiles. J’ai travaillé sur ces équipements sous plusieurs angles : en arrivant, j’ai participé à l’élaboration d’un moyen d’essai pour viseurs, puis j’ai fait de l’architecture et de la conception sur un équipement à part entière, et je m’investis aujourd’hui dans de l’évaluation de performances. D’un point de vue technique, les défis à relever sont très stimulants et nouveaux, la taille de l’entreprise m’a permis de « toucher à tout », je pouvais facilement naviguer de mon bureau aux salles blanches pour faire des essais ; on ne s’ennuie pas.

Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est que toutes les équipes ont été très accueillantes, que ce soit quand j’ai voulu changer d’activité, ou pour me partager leurs ressentis sur les projets étatiques et les relations entre les différents acteurs impliqués ; un climat de confiance s’est vite instauré me permettant d’être vite autonome. Cela m’a aussi permis d’appréhender la position d’équipementier dans l’écosystème des projets entre l’État et de grands maîtres d’œuvres, loin d’être évidente tant la BITD est vaste. J’aimerais en profiter pour remercier Vincent Dedieu et JeanMarc Espinasse, qui m’ont très bien accompagnée et m’ont fourni des clés supplémentaires pour comprendre de tels enjeux.

La CAIA : Quels ont été tes liens avec le corps d’une manière générale ?

EJ : Je vais vous faire plaisir en vous disant que j’ai participé à tous les afterworks des jeunes ingénieurs de l’armement organisés par la CAIA, et que cela m’a beaucoup apporté. Durant la première année, je n’avais pas beaucoup de liens avec la DGA mais ces événements m’ont permis de récupérer des contacts, d’échanger plus facilement avec d’autres IA notamment pour préparer la suite ; cela permet aussi de ne pas se sentir à l’écart du corps, comme nous ne sommes pas nombreux à Sodern.

J’ai eu davantage de contacts avec le CGArm qui est désormais co-gestionnaire du corps et chargé de la notation des personnes à l’extérieur. Ils m’ont aidée à mieux comprendre le fonctionnement administratif. J’ai découvert un peu tardivement la possibilité de mentorat, cela m’aurait beaucoup intéressée, mais je pensais que je n’étais pas dans la cible prioritaire, et que l’on visait des gens ayant déjà une expérience professionnelle. Ce sera pour l’an prochain.

La CAIA : Qu’est-ce qui t’a fait choisir le corps de l’armement ?

EJ : Ma première motivation, c’était de travailler pour le service public, en tant qu’ingénieure ; et un corps d’état pouvait me proposer une carrière dynamique et diversifiée. Je voulais cependant commencer par faire de la technique, pour utiliser les connaissances scientifiques théoriques acquises jusque-là, et le corps de l’armement a apporté une technicité qui répondait à mes attentes. D’ailleurs à cet égard mon premier poste a bien tenu ses promesses, les technologies développées par Sodern sont complexes, les comprendre, les imaginer et les améliorer sont de beaux défis. Enfin, j’ai pu échanger avec des femmes du spatial qui m’ont donné les dernières informations que j’attendais : possibilité de faire un métier proche des industriels ; une technologie pointue et davantage que dans les projets civils ; la possibilité de changer de poste et de domaine régulièrement. Cela correspondait à la vision que j’avais de ma carrière future.

Pourtant je n’étais pas très militaire a priori. J’avais effectué ma formation humaine et militaire polytechnicienne en civil à Shanghai, dans une équipe d’enseignement. À l’époque, je craignais de faire un stage militaire, trop physique, dans un milieu trop masculin, où j’aurais du mal à trouver ma place. J’ai découvert les enjeux de défense au cours de ma scolarité, et ils ont résonné en moi. De retour sur le plateau, c’est également notre commandant de promotion, le LCL de Saint Martin, qui m’a permis de mieux appréhender le monde militaire auquel je pouvais prendre part. C’était un homme et un officier très accessible à qui nous pouvions parler de nos questionnements et de nos peurs. Il avait appris le trombinoscope par cœur, et en nous croisant pour la première fois, il nous appelait déjà par notre prénom ; il a participé à l’esprit de corps de la promotion. Je lui reconnais de l’influence sur mon choix de l’armement car il m’a enlevé des a priori sur les armées, il m’a donné confiance. D’ailleurs, il nous écrit encore individuellement à chaque anniversaire, ça me touche beaucoup !

La CAIA : Que vas-tu faire après ?

EJ : Je viens d’envoyer ma demande de mutation, pour être architecte sur les programmes spatiaux, en observation de la Terre. Je ne serai pas dépaysée, car cela va dans la continuité de ma spécialisation à l’ISAE-Supaéro, et j’avais déjà rencontré plusieurs architectes : lors de ma FAMIA, des afterworks des jeunes IA ou lors de mon stage de fin de FAMIA à DGA MI, où j’avais été en contact avec le sujet. En échangeant sur ce futur poste, j’ai apprécié voir qu’il y avait une réelle entraide entre les architectes pour ces missions à la fois difficiles et gratifiantes.

La CAIA : Quelles activités à côté de ton travail ?

EJ : Je m’investis à mon échelle pour le climat, c’est un enjeu auquel je suis sensible. Je suis animatrice bénévole de la «Fresque ClimatDéfense», atelier de sensibilisation sur les enjeux d’adaptation des armées au changement climatique (emploi, équipement des forces, préparation...), qui s’adresse aux personnels du ministère ainsi qu’aux personnes qui gravitent autour ; cette initiative s’inscrit dans Stratégie Climat & Défense du ministère des Armées. J’étais déjà animatrice bénévole de la « Fresque du Climat », et pouvoir lier mon monde professionnel et mon monde personnel avec cette nouvelle fresque est une très bonne opportunité ; personnellement cela me motive encore plus. J’ai pu animer quatre fresques pour le ministère, et j’espère en animer davantage en me rapprochant de Paris. J’aime bien sensibiliser les personnes et éveiller les consciences. Nous sommes d’ailleurs bientôt 100 animateurs de cette Fresque Climat et Défense, en moins d’une année. Les entreprises se mettent à demander des interventions, Airbus, Thalès, cela rayonne vers la BITD. Peut-être pourrais-je en faire une pour Sodern avant de partir.

Une fresque du climat

La CAIA : Pour conclure, que voudrais-tu partager à nos camarades ?

EJ : Pas évident comme dernière question. Le choix d’une affectation temporaire peut-être angoissant, car on est forcément isolé. Même si j’ai eu du mal à trouver des contacts au début, j’ai senti une véritable volonté d’aider à tous les niveaux du corps. La communauté chez les IA n’est pas un vain mot.

Pour moi, même si c’est toujours un peu dur, je suis ravie d’avoir fait ce choix. J’ai été bien accueillie dans l’entreprise et me suis sentie pleinement membre de l’équipe, sans filtre ni méfiance, et j’ai pu m’épanouir humainement et techniquement. Je recommande d’ailleurs Sodern à ceux qui voudraient une affectation pour faire de la technique pure et dure, les ingénieurs sont passionnés par ce qu’ils font.

Je suis aussi impliquée dans ma promotion de l’Armement, et je pense que c’est une force. Nous avons des liens particuliers entre ceux qui sont en affectation temporaire, pour se passer des contacts et des informations ; nous sommes trois à avoir choisi le spatial, et nous nous parlons régulièrement.

Les offres que propose la CAIA comme les afterworks et le gala sont également une vraie chance pour les affectations temporaires, profitons-en !

 

Auteurs

Rédacteur en chef du magazine des ingénieurs de l'Armement.
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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