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Partenariat civil-militaire. Le MISTRAL en construction sur le site DCNS de Brest … - © DCNS Brest
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01 octobre 2014

BÂTIMENTS DE PROJECTION ET DE COMMANDEMENT

Publié par Gérard RIVOAL, ICETA | N° 104 - Le Naval

Quand civil rime avec militaire... un exemple de prise en compte des normes civiles dans un programme de navire militaire


Un programme aux objectifs ambitieux nécessitant d’innover

Par rapport aux navires amphibies existants en 1998, à la genèse du programme, le BPC, qui n’était encore à l’époque que le Nouveau transport de Chalands de Débarquement (NTCD) devait offrir des capacités opérationnelles notablement améliorées, être plus disponible, très polyvalent de façon à permettre une grande flexibilité d’emploi mais aussi moins cher tant en coût d’acquisition qu’en coût global de possession.

Pour relever ces défis, une démarche de rapprochement volontariste avec le domaine civil a été suivie dès le stade amont du programme de façon à bénéficier, dans tous les cas où cela s’avérait opportun, des approches et concepts d’un monde où les préoccupations économiques sont prégnantes.

Les méthodes d’optimisation retenues ont permis d’atteindre une réduction des coûts et des délais de réalisation de plus de 30% par rapport à des navires construits selon les principes de la génération du TCD SIROCO mis en service à la même époque ; ceci tout en offrant un niveau de réponse adapté vis-à-vis des contextes opérationnels d’emploi prévus.

Ce résultat a nécessité tout au long du programme, la mise en œuvre de démarches de management ad hoc et le travail technique approfondi de nombreux acteurs,  équipe de programme intégrée DGA – Etat-Major de la Marine, maître d’œuvre DCN (devenu depuis DCNS) et ses coréalisateurs, architectes civils, société de classification, pour aboutir aux navires incontournables que sont aujourd’hui les BPC.

Un des points notables de cette réussite concerne l’approche menée très amont sur l’optimisation du référentiel normatif du programme, dans le sens des nouvelles orientations pour les bâtiments de surface futurs définies par l’EMM courant 1998. La mise en œuvre judicieuse des normes civiles et militaires dans le cadre d’une conception intégrée associant étroitement l’utilisateur, a ouvert la voie à une collaboration entre les industriels des deux mondes et ainsi, grandement contribué à l’atteinte des objectifs ambitieux visés.

Le plateau intégré : une collaboration favorisant les synergies civil–militaire

En amont du programme, un plateau piloté par la maîtrise d’ouvrage…

La structure en plateau intégré a pour vocation de faire interagir plus efficacement tous les acteurs d’un projet, qu’ils soient étatiques ou industriels. Son originalité est de les faire travailler ensemble dans un même lieu avec des objectifs précis. Dans ce cadre, les solutions sont validées au jour le jour avec l’interaction besoin-solution et le projet s’élabore rapidement. L’autre avantage du plateau est d’intensifier les échanges d’idées dans les étapes amont du programme et de donner toutes leurs chances aux concepts novateurs apportés notamment par les industriels.

Ce mode organisationnel a permis, à la vingtaine d’intervenants mobilisés et en moins de sept semaines, d’établir sur la base d’esquisses répondant au besoin opérationnel primordial de l’état-major de la Marine, des solutions d’architecture de type civil, avec l’appui d’architectes navals de DCN et de cabinets civils.  L’estimation du coût du projet a ainsi été établie par la maîtrise d’ouvrage sur la base du chiffrage de ces esquisses. Cette démarche d’ingénierie concourante et d’analyse de la valeur a permis au final de limiter au strict nécessaire le nombre des références normatives exprimées (SIROCO : 328 normes ; 

NTCD : 70 normes) et de n’appliquer les normes spécifiques défense qu’à certaines fonctions essentielles militaires du bâtiment telles que par exemple la protection NBC, le stockage et la manutention des munitions, les installations aviation, l’immunisation magnétique.

... suivi d’un plateau de conception du ressort du maître d’œuvre 

Sur le BPC, les enseignements tirés du monde civil et du monde militaire se rejoignent donc dans les faits. L’organisation industrielle repose elle-même sur cette dualité, en s’appuyant sur deux chantiers navals, DCN Brest et ALSTOM-Chantiers de l’Atlantique, chacun apportant dans cette opération son savoir-faire spécifique dans la conception et la réalisation des navires. On peut également citer le rôle joué par un troisième partenaire ; la société de classification. La plate-forme du BPC étant en effet conçue, selon les règles établies par cette société sur la base du référentiel normatif retenu. Un partage industriel de cette nature demande un gros investissement humain avec une concertation très forte entre les partenaires et avec le maître d’ouvrage.

Le travail en plateau est de ce point de vue un progrès en permettant dans un même lieu, des échanges directs et en temps réel, échanges de méthode, de retour d’expérience... et inévitablement, des remises en cause qu’il faut savoir accepter.

Le plateau de conception installé à Saint-Nazaire, à partir de début 2000, pour une durée de 6 à 8 mois, a permis de regrouper 20 à 30 ingénieurs représentant tous les domaines techniques, travaillant sous la conduite des architectes en partageant le même outil de CAO. Certains sous-traitants étaient associés en tant que de besoin, aux travaux menés. Les documents produits étaient validés par la maîtrise d’ouvrage, selon un processus itératif. La conception, une fois acquise, et servant de référentiel, l’équipe du plateau a pu alors essaimer dans les bureaux d’étude, pour le déploiement du projet dans le cadre de la conception de détail. Le but visé in fine a consisté à associer des cultures différentes pour ne retenir que la meilleure traduction industrielle du besoin.

Normes civiles – normes militaires, en guise de retour d’expérience sur la démarche…

 

L’exploitation du retour d’expérience montre que la démarche suivie pour la prise en compte des normes civiles dans la conception du navire peut être appliquée de manière générale et se décliner selon les mêmes étapes :

Tout d’abord la recherche des normes civiles les plus adaptées au programme dont le niveau de sécurité garanti par conception et pour l’usage est accepté par tous les acteurs. Ces normes constituent alors une base de comparaison et une référence à partir de laquelle le référentiel applicable est bâti.

Ensuite, l’analyse fine de ces normes et l’identification des éléments à modifier ou à compléter pour prendre en compte les écarts entre les navires civils et militaires liés essentiellement à l’utilisation opérationnelle d’un navire armé apte à poursuivre sa mission malgré les sinistres. Toutes les spécificités militaires sont prises en compte dans cette étape et ceci permet de créer le référentiel applicable.

La prise en compte de ces particularités doit être effectuée le plus en amont possible pour garantir aux équipages un niveau de sécurité suffisant et maîtrisé. Ceci est de surcroît d’autant plus important dans un contexte où la majeure partie des opérations navales sont conduites depuis plus de deux décennies dans des conditions légales de temps de paix, tout en mettant les bâtiments en situation opérationnelle face à des risques d’agressions militaires avérés.

... et sur quelques-uns de ses apports notables pour un navire militaire

En définitive, cette démarche permet la mise en place d’une approche fondée sur un référentiel reconnu dans le cadre civil et adapté aux spécificités d’usage ou de risques non couverts par les sociétés de classification civiles.

Elle permet de garantir un maintien dans le temps d’un niveau de sécurité du navire comparable à celui appliqué aux navires civils, grâce aux obligations liées au suivi de classe et à la mise à niveau du navire lorsque la norme évolue. Elle permet aussi de mettre à contribution des agents et des procédures de contrôle du monde civil qui ouvrent sur une expertise de la sécurité extérieure au monde militaire, en particulier pour le contrôle de conformité du navire tel que construit.

Elle présente un caractère incontournable pour la protection de l’environnement (norme MARPOL) ou la sécurité de la navigation (norme COLREG sur les feux de navigation), de par sa reconnaissance internationale, son entretien et la robustesse de son application. Elle est aussi nécessaire pour une intégration du navire dans le trafic maritime (couverture radars, SMDSM,…).

En outre, elle permet une distinction claire entre les risques d’accident de type industriel (incendie, voie d’eau) qui sont pris en compte par la norme SOLAS et ceux spécifiques des usages militaires qui sont traités par des normes militaires ou l’application de consignes d’exploitation adaptées.

Enfin, dans un monde de plus en plus judiciarisé, cette démarche s’appuyant à la base sur des normes civiles reconnues, et explicitant et justifiant les écarts liés à la spécificité militaire des navires, est seule à même de démontrer que tout a été fait, dans le respect de la mission militaire du navire, pour sauvegarder les personnes et les biens.  

 

 

 

…et sur celui de STX à Saint-Nazaire. - © STX 

 

 

Des fonctionnalités issues des meilleures technologies du monde civil. Les toboggans d’évacuation… - © DGA

 

…et les PODs électriques de propulsion - © DR

 

Une optimisation fonctionnelle menée très amont en 

plateau intégré - © DGA

 

    
Gérard Rivoal, ICETA
Gérard Rivoal, Ingénieur ENSTA Bretagne, Gérard Rivoal a participé activement durant une dizaine d’années au programme SNLE/MSBS avant de rejoindre le monde des télécommunications navales dans le cadre du programme Syracuse II. Il a élargi son domaine aux programmes de navires et assuré, en particulier, la direction de programme BPC depuis les études préparatoires de 1998 jusqu’à la mise en service des bâtiments Mistral et Tonnerre et la clôture du programme en 2007.
 

Auteur

Gérard RIVOAL, ICETA

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